a rappelé, tout d'abord, que sa précédente audition devant la commission des finances, au mois d'avril 2006, était destinée à faire le point sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il avait informé, à cette occasion, la commission de la remise de trois rapports, en mai et en juin.
Il a annoncé que les deux premiers, l'un portant sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2005 et l'autre sur les comptes de l'Etat pour 2005, étaient désormais publics.
Il a ajouté que le troisième rapport, préliminaire au débat d'orientation budgétaire, serait remis au Parlement à la mi-juin, conformément au calendrier fixé par la LOLF.
Il a indiqué que la réforme induite par la LOLF nécessitait encore « beaucoup de soins, d'encouragements et de soutien ». Nécessaire pour permettre aux administrations de s'adapter, la période de transition actuelle ne pourrait néanmoins pas durer trop longtemps.
a observé que, cette année, l'enjeu pour la Cour des comptes était double : repérer les difficultés de mise en oeuvre de la réforme et en analyser les causes, mais surtout formuler des recommandations pour que la réforme aboutisse et se traduise par des résultats concrets.
Il a souligné que les deux rapports ici présentés avaient pour objet de faire la jonction entre l'exercice 2005, régi par les normes anciennes, et l'état d'avancement de la réforme.
a ensuite précisé le contenu du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2005.
Il a reconnu que la présentation du budget en missions et programmes donnait au budget une lisibilité qu'il n'avait jamais eue. Il a ajouté que l'objectif de la nouvelle présentation budgétaire était de faire prévaloir la cohérence des politiques et des objectifs poursuivis, plutôt que l'organisation administrative.
A cet égard, il a pris pour exemple la mission « Sécurité », mission interministérielle qui associait le ministère de l'intérieur, via la police nationale, et le ministère de la défense, via la gendarmerie nationale. La construction d'une mission commune a, en effet, incité les gestionnaires à se concerter, à fixer des objectifs communs et des indicateurs comparables.
a toutefois relevé que cette logique vertueuse n'avait pas fonctionné dans tous les cas. Ainsi, il a déploré que certaines missions ou programmes décalquent des organigrammes qui n'étaient plus toujours adaptés, et reproduisent les cloisonnements administratifs, comme on pouvait le constater, par exemple, avec le programme « Actions en faveur des familles vulnérables », dont le contenu était très proche du programme « Inclusion sociale ».
Il a remarqué que, pour concilier l'organisation de l'Etat et l'architecture budgétaire, il convenait, soit d'adapter les organigrammes, soit de revoir le périmètre des programmes, en particulier au ministère des affaires sociales, où les programmes étaient trop nombreux.
Il a souligné, en outre, que le positionnement du responsable de programme, comme ses compétences et les modalités de sa nomination, méritaient d'être précisés.
a regretté qu'au niveau local la procédure de délégation se révèle longue, complexe et d'autant plus lourde que le nombre de budgets opérationnels de programme (BOP) était trop élevé (près de 2.300). A titre d'exemple des difficultés rencontrées, il a cité le programme « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local », ainsi que le cas d'un directeur départemental des affaires sanitaires et sociales qui devait désormais gérer, en lieu et place d'une enveloppe unique de crédits, 9 budgets étanches relevant de 9 programmes différents.
Pour éviter le risque d'une organisation verticale qui placerait les chefs de services déconcentrés en relation directe avec de nombreux responsables de programme, M. Philippe Séguin a plaidé pour une forte réduction du nombre de BOP. Il a également rappelé que le rapport de la Cour des comptes faisait toute une série de recommandations pour que la procédure de mise en place des crédits au niveau local soit plus rapide et plus satisfaisante.
Evoquant la gestion par les résultats, il a déploré que les indicateurs d'efficience, suivant les résultats obtenus par rapport aux moyens consommés, soient encore trop peu développés. Il a regretté que les indicateurs de qualité de service restent encore trop rares et que la satisfaction des usagers soit encore trop mal mesurée.
Il a observé, par ailleurs, qu'une fois les indicateurs choisis, il restait à les chiffrer et à leur fixer une cible, cette exigence requérant des systèmes d'information et de contrôle de gestion adaptés.
Il a aussi tenu à rappeler que les indicateurs ne renseignaient ni sur l'exécution budgétaire, ni sur le coût des actions, et encore moins sur l'efficacité des dépenses fiscales.
Examinant l'exécution budgétaire de 2005, M. Philippe Séguin a souligné les efforts importants accomplis pour limiter le déficit à 43,5 milliards d'euros, niveau légèrement inférieur à celui prévu en loi de finances initiale pour 2005. Il a toutefois ajouté que cette réduction tenait notamment à des opérations exceptionnelles, non reconductibles, qui ne changeaient pas la tendance de fond du déficit.
Il a indiqué que la Cour des comptes avait relevé certaines anomalies dans le calcul du déficit pour 2005, comme des versements de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) au budget de l'Etat, pour 3 milliards d'euros enregistrés en recettes budgétaires, alors qu'ils n'auraient pas dû l'être.
De même, il a relevé que la « reprise » par l'Etat du prêt de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), accordé en 1994 à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), avait été traitée comme une recette budgétaire, alors que la créance ainsi remboursée n'avait jamais été décaissée budgétairement.
a également rappelé que la reprise par l'Etat de la dette du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA), pour un montant de 2,5 milliards d'euros, avait été enregistrée comme une opération de trésorerie, alors qu'elle aurait dû être enregistrée en charge budgétaire et peser sur le déficit.
Il a observé, en outre, que le rapport de la Cour des comptes examinait le problème de l'avance à l'Agence centrale des organismes d'intervention de sécurité agricole (ACOFA), opération formellement régulière au regard du décret de 1986 sur les opérations réciproques, mais discutable au regard du principe de sincérité désormais affirmé par la LOLF en son article 32.
En matière de dépenses, M. Philippe Séguin a indiqué que la Cour des comptes relevait, comme les années précédentes, des ouvertures de crédits par décrets d'avance non conformes à la définition strictement prévue par la LOLF, et qu'elle revenait sur le problème de la régulation budgétaire, c'est-à-dire sur les pratiques de gel budgétaire et de dégel tardif, ce qui provoquait des reports de charges. Il a précisé que ces reports avaient toutefois été très fortement réduits par rapport aux années précédentes, même s'ils continuaient à perturber fortement l'action des services.
a souligné que la Cour des comptes travaillait, de façon plus générale, à faire davantage de lumière sur les modes de prévision de la croissance économique et des recettes fiscales, comme cela était courant dans les pays voisins, notamment en Grande-Bretagne. Il a précisé que l'objectif était, ainsi, de garantir au Parlement que les lois de finances soient bâties sur des bases réalistes et soutenables.
Présentant le second rapport, relatif aux comptes de l'Etat pour 2005, M. Philippe Séguin a rappelé qu'il constituait le prélude à la certification des comptes, qui aurait lieu pour la première fois, en juin 2007, sur les comptes de 2006.
Il a indiqué que ce rapport formulait un ensemble de recommandations pour que l'Etat passe le plus rapidement possible au système de comptabilité générale en droits constatés, analogue à celui qui existait dans les entreprises, les associations, les organisations non gouvernementales (ONG) ou les organismes de sécurité sociale. La LOLF exigeait, en effet, que l'Etat se conforme aux exigences d'une telle comptabilité et qu'il tienne, à compter de 2006, trois comptabilités différentes : la comptabilité budgétaire comme auparavant, mais aussi une comptabilité générale et une comptabilité d'analyse des coûts.
a souligné que cette comptabilité générale servirait notamment à effectuer un suivi du patrimoine de l'Etat : son patrimoine immobilier, ses actifs immatériels, ses créances envers des tiers ou ses stocks. Il a ajouté que cette méthode devrait permettre à l'Etat de valoriser à l'avenir certains actifs immatériels, tels que les licences UMTS (Universal mobile telecommunications system), ce qui exigerait des inventaires exhaustifs et fiables, ainsi qu'une gestion plus rigoureuse. Enfin, la comptabilité générale rendrait possible la mesure de l'appauvrissement de l'Etat au fur et à mesure de ses déficits et de la dégradation de son patrimoine.
a déploré qu'on se focalise sur le solde budgétaire de l'Etat, alors que celui-ci n'avait jamais renseigné sur le patrimoine, sur l'actif détruit ou créé, ni sur l'évolution du passif.
En revanche, il s'est félicité que la comptabilité générale permît de connaître les charges actuelles, mais aussi les évènements dont la survenance entraînerait ultérieurement une sortie de ressources et une dégradation des finances publiques. Ainsi, il a noté que les charges probables devraient désormais être retracées sous la forme de provisions, et les passifs éventuels sous la forme d'engagements hors bilan.
A cet égard, M. Philippe Séguin a averti que, même s'il existait des provisions pour dépréciation d'actif (de l'ordre de 20 milliards d'euros), les provisions pour risques et charges ne figuraient au passif que pour 74 milliards d'euros. Il a ajouté que le rapport de la Cour des comptes montrait que ces dernières devraient se chiffrer en dizaines de milliards d'euros.
Pour illustrer son propos, M. Philippe Séguin a décrit la comptabilité budgétaire comme une « loupe grossissante » sur les dépenses de l'année, et la comptabilité générale comme la « loupe et la longue vue ».
A propos de la certification des nouveaux comptes, il a rappelé les trois phases de la méthode de travail de la Cour des comptes : l'analyse des risques pour cibler les contrôles, puis le choix de missions dites « intermédiaires » pour étudier la fiabilité des processus comptables et des systèmes d'information, et enfin l'examen de « missions finales » pour auditer les comptes eux-mêmes.
a indiqué que le rapport de la Cour des comptes dressait un premier bilan de l'avancement de la réforme et formulait des observations sur les comptes de l'Etat.
Il a insisté sur les progrès réalisés avec la mise en place de départements comptables dans chaque ministère et la refonte importante du réseau comptable, permettant à la fois de diffuser le nouveau référentiel comptable dans les services gestionnaires et de produire les comptes dans de meilleures conditions.
Toutefois, il a appelé à ne pas sous-estimer la difficulté liée à la diffusion des nouvelles normes comptables et à la méconnaissance de la comptabilité générale dans des services plus habitués à la comptabilité budgétaire. Il a précisé que d'importants progrès restaient également à réaliser en matière d'audit et de contrôle interne, un dispositif devant être déployé prochainement dans les ministères.
a indiqué que, dans son rapport, la Cour des comptes formulait 48 observations d'audit, soit quatre fois plus que l'an dernier, les investigations s'étant à la fois étendues et approfondies. Il a ajouté que ces observations portaient sur des sommes s'élevant à plusieurs dizaines de milliards d'euros, les plus importantes concernant les provisions pour risques et charges.
a remarqué qu'il était inévitable que le changement de référentiel entraîne des reclassements et des ajustements de grande ampleur, et que les états financiers de 2006 ressembleraient très peu à ceux que l'administration publiait jusqu'alors.
Il a rappelé qu'il était indispensable que le bilan d'ouverture, c'est-à-dire la photographie du patrimoine de l'Etat au 1er janvier 2006, soit l'occasion d'une « mise au propre radicale » et que l'on n'échelonnât pas sur plusieurs années les ajustements nécessaires. En effet, toutes les provisions qui n'auraient pas été constatées dans le bilan d'ouverture au 1er janvier 2006 devraient l'être au plus tard dans les comptes de 2006 ou des années suivantes, et affecteraient alors le résultat comptable. Dès lors, il serait préférable de franchir totalement l'étape dès la présentation des comptes de 2006.
a enfin souligné que la LOLF, entendue sous l'angle de la démarche de performance ou de la réforme comptable, n'était pas une question purement technique, mais fondamentalement politique, nécessitant « de la hauteur et du souffle ».