Intervention de Nicole Notat

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 octobre 2006 : 1ère réunion
Audition de Mme Nicole Notat présidente de vigeo

Nicole Notat :

a expliqué, en préambule, que la société Vigeo faisait de la notation sociale des entreprises. Estimant que la mondialisation constituait une formidable occasion de développement économique et d'échanges, en particulier pour les entreprises multinationales, elle a souligné que ce phénomène contribuait à faire de ces entreprises des puissances financières et économiques impressionnantes. Parallèlement, on n'assistait pas à l'émergence d'un gouvernement mondial pour gérer cette évolution, si bien que l'on constatait une dilution de la puissance publique face à la montée en puissance économique et financière des multinationales.

Il convenait, toutefois, de prendre également en compte la mondialisation de l'information et des prises de conscience, que ce soit par rapport aux questions environnementales (climat, eau, ressources non renouvelables), de développement (pauvreté, santé, accès aux biens essentiels) ou politiques, la vulnérabilité de nombreux systèmes politiques non démocratiques constituant un frein au développement, mais aussi à l'activité des entreprises. Elle jugeait donc qu'on assistait à une mondialisation des contre-pouvoirs et à l'émergence d'une opinion citoyenne mondiale qui était de nature à exercer une pression sur l'entreprise et parfois même à modifier son mode de fonctionnement interne.

Concomitamment, les investisseurs et les gestionnaires d'actifs évoluaient eux-mêmes. Il convenait, de ce point de vue, de distinguer l'investissement éthique, apparu au début du XXe siècle chez les Quakers américains qui souhaitaient pouvoir investir dans des entreprises aux activités conformes à leurs valeurs, et l'investissement socialement responsable qui intégrait dans le calcul du risque le caractère durable et pérenne de l'entreprise. Elle a rappelé que l'investissement éthique, qui représentait 11 % des encours aux Etats-Unis, s'était peu développé en Europe, sauf au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, en Allemagne. En revanche, l'investissement socialement responsable connaissait un essor réel. Comme exemple de la prise en compte du risque lié au caractère durable ou non d'une activité, elle a rappelé que Total avait été considéré par l'opinion publique comme responsable de la catastrophe écologique de l'Erika, alors que ce n'était pas juridiquement le cas. De tels incidents pouvaient être de nature à compromettre le développement d'une entreprise à long terme et de telles analyses fondaient l'investissement responsable. Celui-ci prenait donc au total en compte de nombreux aspects, comme la transparence et la gouvernance d'une entreprise, ce qui pouvait inclure l'analyse des conditions de rémunération de ses dirigeants, le respect de l'environnement, des droits de l'Homme et des droits sociaux.

Estimant que cette évolution connaissait une montée en puissance, elle a cité l'exemple de la publication par un groupe de grands investisseurs d'une liste de principes pour l'investissement responsable. Enfin, il fallait rappeler que les puissances publiques participaient à cette évolution, en particulier dans les réflexions menées pour élaborer une normalisation sociale. Au niveau français, on avait vu apparaître l'obligation pour les entreprises cotées de publier un rapport de développement durable et, pour les grands fonds publics, d'investir une partie de leurs actifs sur des valeurs responsables.

Elle a jugé que cette évolution constituait un mouvement irréversible et qu'il était de l'intérêt des entreprises elles-mêmes de prendre en compte cette dimension nouvelle. C'était ce qui l'avait amenée à créer cette société de notation sociale. L'évaluation des entreprises était transmise soit à des acteurs extérieurs, soit aux responsables des entreprises elles-mêmes, qui y voyaient une forme d'audit spécifique leur permettant de progresser dans ce domaine. Reconnaissant que la dimension éthique de l'activité économique faisait, sans doute, l'objet d'une mode, elle s'est déclarée convaincue qu'elle correspondait également à un mouvement de fond irréversible, même s'il n'était pas encore stabilisé ce qui ne permettait pas de savoir où exactement il aboutirait. Elle a jugé que deux catégories d'acteurs clés joueraient un rôle prépondérant dans les orientations à venir dans ce domaine, à savoir, d'une part les investisseurs et, d'autre part, les clients ou consommateurs, l'entreprise étant, en quelque sorte, prise en tenailles entre la dictature des investisseurs et la dictature des clients.

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