La commission a tout d'abord examiné le rapport d'information de M. Francis Grignon sur l'industrie du bâtiment et des travaux publics (BTP) face à la concurrence des nouveaux Etats membres de l'Union Européenne.
a rappelé les trois motifs qui l'avaient conduit à proposer ce rapport :
- d'abord, le constat réalisé, lors des travaux de la commission sur les délocalisations, d'un besoin d'homogénéité entre les économies européennes ;
- ensuite, la volonté de disposer d'une information précise sur la situation particulière du secteur ;
- enfin, le besoin de remettre en perspective les débats intervenus au sujet de la proposition de directive dite « Bolkestein ».
Il a fait valoir que la France était aujourd'hui confrontée à un problème spécifique et nouveau, d'une ampleur très supérieure à celui qui a suivi l'adhésion de l'Espagne et du Portugal en 1986, rappelant à ce propos que la différence entre le salaire français et le salaire espagnol était de 1 à 2 en 1986, alors qu'il est aujourd'hui de 1 à 5 entre la France et la Pologne.
Puis il a exposé les différents statuts juridiques auxquels peuvent être soumis les travailleurs européens susceptibles d'intervenir en France, à savoir :
- le statut de salarié détaché d'une entreprise de leur pays d'origine ;
- le statut de travailleur intérimaire, envoyé par une entreprise de travail temporaire de ce même pays ;
- le statut d'artisan indépendant, par lequel le travailleur est à lui-même sa propre entreprise.
Il a indiqué que les difficultés rencontrées étaient centrées sur le problème du détachement des travailleurs.
A ce titre, il a rappelé que la liberté de prestation de services étant un des principes du traité de Rome, il n'y avait aucun obstacle à ces mouvements de travailleurs entre les 25 Etats membres de l'Union européenne, la seule condition posée par la directive n° 96/71 étant l'obligation d'appliquer aux salariés détachés l'essentiel des droits sociaux du pays d'accueil, notamment en matière de salaire minimum.
Il a précisé qu'en revanche, les salariés détachés restaient affiliés à la sécurité sociale de leur pays d'origine.
Il a ensuite décrit les différents types de violations dont était victime le système du détachement.
Il a souligné qu'à côté des abus visibles, qui ont trait au non-respect des règles de sécurité ou de temps de travail, étaient constatées des fraudes moins apparentes, consistant en un non-paiement du salaire minimum du pays d'accueil, malgré des fiches de paye apparemment en règle.
Il a aussi évoqué des cas de contournement plus subtils, citant l'affaire des ouvriers polonais de la centrale EDF de Porcheville.
Il a poursuivi en indiquant que les résultats des contrôles de terrain laissaient supposer que des fraudes massives portaient aussi sur la sécurité sociale, consistant en un non-paiement des cotisations sociales dans le pays d'origine des salariés.
S'agissant de l'évaluation de l'ampleur du phénomène, il a fait valoir que plusieurs indices et études officielles, présentés dans son rapport, amenaient à penser que les fraudes au détachement concernaient plusieurs dizaines de milliers de travailleurs européens, avec une forte augmentation depuis 2003, liée à l'élargissement.
Il a ensuite tenu à mettre en lumière le fait que la proposition de directive dite « Bolkestein » n'avait -aussi surprenant que cela puisse paraître- qu'un rapport très indirect avec ces problèmes, dans la mesure où le texte prévoyait dès l'origine le maintien de la directive 96/71 sur le détachement des travailleurs, c'est-à-dire de l'obligation de rémunérer les salariés détachés aux conditions du pays d'accueil. A ce titre, il a précisé que la seule disposition dangereuse du projet « Bolkestein » en matière sociale était la remise en cause de l'obligation, pour l'entreprise qui vient exécuter une prestation avec des travailleurs détachés, de les déclarer à l'administration du pays d'accueil, faisant valoir que cette disposition n'avait pas été reprise dans la nouvelle proposition de directive sur les services présentée par la Commission européenne le 4 avril dernier.
Il a ajouté que la concurrence déloyale créée par les fraudes au détachement était d'autant plus inacceptable que, même si la directive 96/71 était parfaitement respectée, le coût d'un ouvrier polonais du BTP serait toujours d'environ 50 % inférieur à celui d'un ouvrier du BTP français, compte tenu du différentiel de charges sociales entre les deux pays, d'un biais fiscal et du fait que, dans un secteur comme le BTP, les ouvriers français sont payés 20 à 30 % au-dessus du salaire minimum.
Ensuite, il a estimé que, face à ces situations, une action était à la fois nécessaire et possible, estimant qu'il serait dangereux de s'en remettre au seul rattrapage économique des nouveaux pays de l'Union.
Il a même considéré qu'il était indispensable d'anticiper l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, prévue pour le 1er janvier 2007, ainsi qu'un éventuel retournement du cycle dans le domaine de la construction, qui pourrait aviver la concurrence par les prix et augmenter encore l'avantage donné à ceux qui pratiquent le dumping social.
Il a aussi insisté sur la nécessité d'un programme d'actions spécifiques distinct des dispositifs existant en matière de « travail illégal ».
C'est dans ce cadre que M. Francis Grignon s'est félicité des progrès déjà accomplis :
- au niveau européen, avec la réécriture complète de la proposition de directive relative aux services, ne remettant plus en cause le principe de la déclaration préalable au détachement ;
- au niveau des pouvoirs publics français, le Gouvernement ayant pris la décision courageuse, le 1er mai dernier, d'autoriser plus largement l'emploi direct de salariés des nouveaux pays de l'Union, dans les secteurs en pénurie de main-d'oeuvre comme le BTP. Il a estimé que cette mesure permettait de mettre fin à une situation paradoxale dans laquelle les entreprises françaises avaient du mal à recruter et étaient, soit concurrencées par des entreprises des nouveaux Etats membres, soit incitées à leur sous-traiter des chantiers dans les conditions qu'il venait de dénoncer ;
- au niveau des acteurs de terrain, soulignant les efforts remarquables de sensibilisation et d'information menés en direction des entreprises, des maîtres d'ouvrage et des salariés par les organisations professionnelles en partenariat avec les services de l'Etat.
Estimant nécessaire d'accentuer l'ensemble des initiatives déjà prises, il a soumis à l'approbation de la commission un plan composé de quatorze actions réparties en trois axes.
Il a indiqué que le premier axe consistait en un renforcement des maillons faibles du cadre juridique actuel, s'agissant des informations que l'Etat d'accueil est en droit d'exiger en cas de contrôle, des échanges d'informations entre les sécurités sociales européennes, ou des menaces pesant sur le système de la déclaration préalable obligatoire. Sur ce dernier point, il a mis en garde contre les risques présentés par un projet de décret qui permettrait de dispenser de cette obligation les détachements de travailleurs inférieurs à quinze jours.
Il a ensuite présenté le deuxième axe, visant à favoriser l'action des pouvoirs publics sur le terrain, et notamment de l'inspection du travail dont il a souligné le rôle clé. Il a estimé nécessaire d'encourager cette action, au-delà des moyens supplémentaires prévus par le Gouvernement, en adaptant mieux les contrôles et en mettant très vite en place une coopération systématique avec la sécurité sociale, comme cela existe déjà en matière de lutte contre le travail illégal.
Enfin, il a insisté sur l'importance du troisième axe relatif à la responsabilisation des maîtres d'ouvrages en cas de sous-traitances multiples et à l'élargissement du droit de regard des comités d'entreprise sur ces cas de sous-traitance.
Il a conclu en soulignant la nécessité de poursuivre le travail dans un cadre européen et précisé que c'est dans cet esprit qu'il envisageait de rencontrer prochainement Mme Schroedter, députée européenne allemande du groupe des Verts, qui finalise un rapport au Parlement européen sur le détachement des travailleurs.
Il a indiqué que, dans la continuité des travaux déjà menés au sein de la commission au sujet des délocalisations, l'objectif était de contribuer à ce que l'intégration européenne se réalise par le haut.
A l'issue de cette présentation, M. Charles Revet a tenu à souligner que le secteur du BTP connaissait actuellement des difficultés de recrutement en France, dont il serait nécessaire de réfléchir plus avant sur les causes. Il a ensuite demandé au rapporteur dans quel cadre juridique s'inscrivait l'intervention d'une entreprise d'un autre pays de l'Union ayant remporté un appel d'offres européen, cette procédure étant désormais obligatoire pour les marchés publics de travaux d'un montant important.
a demandé des précisions sur l'ampleur du phénomène en termes de nombre de travailleurs concernés.
Dans le prolongement de la question de M. Charles Revet, M. Yves Coquelle a fait valoir que les difficultés de recrutement dans le secteur du BTP, comme du reste dans celui de la restauration, étaient dues à une dévalorisation des métiers concernés, en particulier en termes financiers.
Sur ce point précis, M. Jean-Paul Emorine, président, a toutefois tenu à rappeler que, depuis 2002, le SMIC avait été augmenté de 25 %.
En réponse à ces remarques et questions, M. Francis Grignon, rapporteur, a précisé que les besoins de recrutement non satisfaits dans le BTP étaient aujourd'hui de 60.000 personnes par an et que le nombre des salariés étrangers concernés par les problèmes de détachement pouvait être évalué à environ 100.000, étant entendu que ces derniers n'interviennent pas à plein temps sur notre territoire. Sur la question des appels d'offres européens, il a indiqué que les entreprises européennes intervenant dans ce cadre étaient soumises au respect de la directive 96/71 relative au détachement des travailleurs. Enfin, concernant les moyens de l'inspection du travail, M. Francis Grignon, rapporteur, a fait valoir que le plan de modernisation lancé par le Gouvernement prévoyait la création de 900 postes supplémentaires d'inspecteurs et de contrôleurs du travail.
s'est interrogé sur la localisation géographique des difficultés rencontrées et sur l'importance du phénomène par rapport à l'activité globale du secteur de la construction, ainsi que sur le point de savoir si le biais fiscal évoqué par le rapporteur concernait aussi les pays membres de l'Union européenne avant l'élargissement de 2004.
a confirmé que c'était, à ses yeux, dans le domaine de la construction, que se constataient les difficultés les plus importantes et il a insisté sur les propositions faites par le rapporteur relatives à la déclaration préalable de détachement et à la coopération européenne en matière de sécurité sociale. Il a aussi informé la commission de la réalisation, par la délégation à l'Union européenne, d'une étude sur la situation des différentes professions du secteur tertiaire au regard de la nouvelle proposition de directive européenne sur les services. Il a indiqué que la qualité du rapport présenté par M. Francis Grignon sur le BTP conduirait la délégation à ne pas revenir sur ce secteur dans ses travaux.
a tenu à saluer le travail du rapporteur qui, ne se limitant pas à un constat, avance plusieurs propositions précises et constructives. Il a ensuite posé une question sur l'existence de problèmes relatifs au travail à forfait, dans le domaine agricole, en particulier s'agissant des fruits rouges.
a lui aussi adressé des félicitations au rapporteur, faisant état de la situation nouvelle créée depuis quelques années par l'arrivée de salariés polonais dans le domaine du BTP dans sa région. Il a aussi mis en évidence, qu'au-delà des problèmes de recrutement, les petites entreprises du secteur étaient confrontées à des lourdeurs administratives, dont une des manifestations les plus frappantes est la complexité des fiches de paye.
En réponse à M. Thierry Repentin, M. Francis Grignon, rapporteur, a indiqué qu'il n'existait pas de cartographie particulière du phénomène dont l'appréciation par rapport à l'activité globale du BTP était difficile à évaluer, mais qu'il suffisait de quelques entreprises pratiquant des prix excessivement bas pour déstabiliser l'ensemble du système de concurrence en contraignant les autres à s'aligner, de peur de perdre des marchés. Aux questions relatives aux prélèvements obligatoires, il a, d'une part, répondu que le biais fiscal pouvait aussi s'appliquer aux pays membres de l'Union européenne avant 2004 et il a, d'autre part, précisé que les cotisations sociales françaises représentaient plus du double des cotisations sociales polonaises, auxquelles restent soumis les travailleurs de ce pays détachés sur un chantier en France.
En réponse à M. Jean Boyer, il a précisé que l'essentiel des fraudes concernait le secteur du bâtiment et des travaux publics, très loin devant l'agriculture, ce qui n'exclut pas l'apparition de difficultés locales, en particulier en matière de cueillette et de ramassage des fruits et légumes.
a ensuite indiqué qu'il partageait tout à fait les remarques de M. Paul Raoult relatives à la forme des fiches de paye, rappelant toutefois la nécessité de prendre en compte la complexité sociale inhérente à ce secteur en particulier.
En conclusion, les sénateurs des groupes communiste républicain et citoyen et socialiste ont tenu à exprimer leur approbation des propositions du rapporteur, M. Paul Raoult, soulignant l'intérêt qu'il y aurait à leur donner un écho médiatique. M. Jean-Paul Emorine, président, a, quant à lui, proposé qu'une conférence de presse soit organisée.
En confirmant son soutien à cette démarche, M. Thierry Repentin a exprimé le souhait que la communication autour de ce rapport ne puisse pas être interprétée dans un sens défavorable à l'élargissement de l'Union et comme un refus des nouveaux entrants, mais au contraire comme une contribution positive à l'intégration harmonieuse de ces pays dans l'ensemble européen.
a rappelé que tel était effectivement le but qu'il poursuivait, à savoir la construction de l'Europe par l'élévation du niveau économique et social.
a indiqué qu'il ne pouvait que partager cet objectif et soutenir les démarches allant dans ce sens.
La commission a adopté, à l'unanimité, le rapport d'information.
Puis la commission a entendu Mme Nicole Notat, présidente de Vigeo.
Après avoir salué Mme Nicole Notat, M. Jean-Paul Emorine, président, a exprimé le souhait qu'elle puisse exposer à la commission le rôle de sa société et lui faire part du regard que ses fonctions lui permettaient de porter sur la mondialisation.
a expliqué, en préambule, que la société Vigeo faisait de la notation sociale des entreprises. Estimant que la mondialisation constituait une formidable occasion de développement économique et d'échanges, en particulier pour les entreprises multinationales, elle a souligné que ce phénomène contribuait à faire de ces entreprises des puissances financières et économiques impressionnantes. Parallèlement, on n'assistait pas à l'émergence d'un gouvernement mondial pour gérer cette évolution, si bien que l'on constatait une dilution de la puissance publique face à la montée en puissance économique et financière des multinationales.
Il convenait, toutefois, de prendre également en compte la mondialisation de l'information et des prises de conscience, que ce soit par rapport aux questions environnementales (climat, eau, ressources non renouvelables), de développement (pauvreté, santé, accès aux biens essentiels) ou politiques, la vulnérabilité de nombreux systèmes politiques non démocratiques constituant un frein au développement, mais aussi à l'activité des entreprises. Elle jugeait donc qu'on assistait à une mondialisation des contre-pouvoirs et à l'émergence d'une opinion citoyenne mondiale qui était de nature à exercer une pression sur l'entreprise et parfois même à modifier son mode de fonctionnement interne.
Concomitamment, les investisseurs et les gestionnaires d'actifs évoluaient eux-mêmes. Il convenait, de ce point de vue, de distinguer l'investissement éthique, apparu au début du XXe siècle chez les Quakers américains qui souhaitaient pouvoir investir dans des entreprises aux activités conformes à leurs valeurs, et l'investissement socialement responsable qui intégrait dans le calcul du risque le caractère durable et pérenne de l'entreprise. Elle a rappelé que l'investissement éthique, qui représentait 11 % des encours aux Etats-Unis, s'était peu développé en Europe, sauf au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, en Allemagne. En revanche, l'investissement socialement responsable connaissait un essor réel. Comme exemple de la prise en compte du risque lié au caractère durable ou non d'une activité, elle a rappelé que Total avait été considéré par l'opinion publique comme responsable de la catastrophe écologique de l'Erika, alors que ce n'était pas juridiquement le cas. De tels incidents pouvaient être de nature à compromettre le développement d'une entreprise à long terme et de telles analyses fondaient l'investissement responsable. Celui-ci prenait donc au total en compte de nombreux aspects, comme la transparence et la gouvernance d'une entreprise, ce qui pouvait inclure l'analyse des conditions de rémunération de ses dirigeants, le respect de l'environnement, des droits de l'Homme et des droits sociaux.
Estimant que cette évolution connaissait une montée en puissance, elle a cité l'exemple de la publication par un groupe de grands investisseurs d'une liste de principes pour l'investissement responsable. Enfin, il fallait rappeler que les puissances publiques participaient à cette évolution, en particulier dans les réflexions menées pour élaborer une normalisation sociale. Au niveau français, on avait vu apparaître l'obligation pour les entreprises cotées de publier un rapport de développement durable et, pour les grands fonds publics, d'investir une partie de leurs actifs sur des valeurs responsables.
Elle a jugé que cette évolution constituait un mouvement irréversible et qu'il était de l'intérêt des entreprises elles-mêmes de prendre en compte cette dimension nouvelle. C'était ce qui l'avait amenée à créer cette société de notation sociale. L'évaluation des entreprises était transmise soit à des acteurs extérieurs, soit aux responsables des entreprises elles-mêmes, qui y voyaient une forme d'audit spécifique leur permettant de progresser dans ce domaine. Reconnaissant que la dimension éthique de l'activité économique faisait, sans doute, l'objet d'une mode, elle s'est déclarée convaincue qu'elle correspondait également à un mouvement de fond irréversible, même s'il n'était pas encore stabilisé ce qui ne permettait pas de savoir où exactement il aboutirait. Elle a jugé que deux catégories d'acteurs clés joueraient un rôle prépondérant dans les orientations à venir dans ce domaine, à savoir, d'une part les investisseurs et, d'autre part, les clients ou consommateurs, l'entreprise étant, en quelque sorte, prise en tenailles entre la dictature des investisseurs et la dictature des clients.
s'est dit convaincu que la prise en compte de l'aspect du développement responsable de l'entreprise était désormais une réalité durable. Il a jugé que l'environnement des entreprises constituait également un élément d'appréciation important pour les investisseurs, comme l'avaient démontré les missions de la commission en Chine et en Inde, pays où les entrepreneurs étaient confrontés au phénomène de la corruption.
a estimé que les collectivités territoriales et les élus pouvaient jouer un rôle important dans ce domaine. Ainsi, dans son département, la Meurthe-et-Moselle, des clauses d'insertion avaient été prévues dans le cadre des appels d'offres. Elle a souhaité savoir si des personnes publiques faisaient appel aux services de sa société, par exemple, des communes engagées dans la démarche d'Agenda 21, quels étaient les actionnaires de Vigeo et enfin, si l'Organisation des Nations unies jouait un rôle dans le développement de l'investissement responsable.
s'est réjoui de l'audition d'une personnalité atypique qui avait à la fois une expérience syndicale et une expérience de dirigeante d'entreprise, et qui parlait de façon très franche. Il s'est inquiété de la dilution de la puissance publique parallèle à l'accélération économique qu'avait évoquée Mme Nicole Notat. Il a noté, pour le déplorer, que les Français percevaient souvent mal cette situation et le poids réel de la France dans l'évolution mondiale. Concluant que l'action de la puissance publique ne pouvait s'inscrire qu'au niveau européen, voire au niveau mondial, il a souhaité savoir comment sensibiliser les Français à cette réalité.
après avoir rappelé que le Sénat avait mis en place une mission commune d'information sur l'attractivité du territoire dont il était rapporteur, a souhaité savoir quels critères déterminaient l'installation des firmes multinationales et quels atouts la France avait en ce domaine.
après avoir considéré que certaines pratiques agricoles récentes, comme les organismes génétiquement modifiés (OGM), ou éprouvées, comme la récupération des boues d'épuration, étaient remises en cause au nom du principe de précaution, s'est interrogé sur la possibilité pour la France de rester compétitive. Il a fait part de son inquiétude par rapport aux choix des consommateurs qui privilégiaient des produits asiatiques en raison de leur prix, indépendamment de leurs conditions de production.
a interrogé Mme Nicole Notat pour savoir si, à rebours de la démarche consistant à éclairer les investisseurs sur le caractère durable de l'activité économique des entreprises, Vigeo était parfois sollicité par les entreprises pour évaluer le profil des investisseurs sur le plan de la responsabilité sociale et environnementale.
En réponse aux différents intervenants, Mme Nicole Notat a précisé que le rôle croissant de l'évaluation du caractère durable des activités économiques ne faisait pas disparaître le cadre traditionnel d'analyse, par exemple les relations entre la puissance publique et le marché, ou le fonctionnement du marché. Il ne fallait donc pas imaginer que la prise en compte du développement durable constituait une baguette magique résolvant tous les problèmes classiques du développement économique. En revanche, c'était un élément de levier qui avait un grand potentiel et qui pouvait faire bouger les lignes dans les rapports de force, à défaut de changer le monde.
Concernant l'interrogation de M. Ladislas Poniatowski, elle a souligné que les entreprises ne choisissaient pas les investisseurs et que Vigeo n'entendait pas conseiller les entreprises sur l'opportunité, pour elles, de faire l'objet de l'attention de tel ou tel investisseur.
En réponse à M. Gérard Bailly, elle a reconnu qu'il existait bien un écart de compétitivité entre les pays développés et les pays émergents, la question étant de savoir comment le réduire au plus vite de façon favorable au développement économique et social. Elle s'est déclarée tout à fait frappée par le fait que dans les pays européens l'impact positif des investissements de firmes européennes dans les pays émergents n'était pas du tout mis en valeur. En effet, les conditions de production de ces pays étaient elles-mêmes modifiées à la suite des investissements directs des grandes entreprises occidentales. Certes, il ne fallait pas se bercer d'illusions sur la rapidité de ce rattrapage, mais il convenait de tenir compte de ces aspects positifs. Elle a regretté que les entreprises soient toujours diabolisées dans le cadre de la présentation de la mondialisation, sans qu'on parle des aspects positifs que celle-ci pouvait comporter, ce qui privait l'opinion publique de perspectives d'espoir.
En réponse à l'interrogation de M. Christian Gaudin, elle s'est déclarée convaincue que les multinationales ne pouvaient être réellement et durablement apatrides. Les entreprises avaient, en effet, une histoire et des racines, qui expliquaient souvent la localisation des centres de décision. En outre, on trouvait dans les entreprises une véritable culture managériale spécifique, qui était un autre reflet de leur histoire. Elle en a conclu que l'Europe devrait travailler à affirmer sa propre culture d'entreprise afin de la valoriser, ce qui pourrait renforcer l'attractivité du territoire européen. Quant aux critères des conditions de production, la France n'était pas mal placée, puisqu'on lui reconnaissait une bonne qualification de la main-d'oeuvre et de très bonnes infrastructures. Certes, les charges pouvaient y être plus élevées que chez certains de ses concurrents, mais cela n'empêchait pas un certain nombre d'entreprises de s'installer en France.
Quant au rôle de la puissance publique et des collectivités territoriales évoquées par Mme Evelyne Didier, elle a précisé que Vigeo menait pour certaines collectivités et, en particulier des communes engagées dans l'Agenda 21, des audits spécifiques avec des outils adaptés. Elle a précisé que les actionnaires de Vigeo étaient des multinationales et que l'entreprise travaillait surtout pour des entreprises cotées. Toutefois, les petites et moyennes entreprises (PME) étaient nécessairement concernées par cette problématique, dans le cadre de la sous-traitance. A ce propos, elle a reconnu que la tendance des grandes entreprises à externaliser certaines activités avait fait peser des contraintes parfois considérables sur les sous-traitants ; elle a aussi fait remarquer que les excès dans ce domaine aboutissaient à pénaliser les grandes entreprises elles-mêmes. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres de la vie des entreprises, on pouvait donc constater des tendances contradictoires. Cela devait conduire à une évaluation plus fine et nuancée des entreprises.
S'agissant de l'ONU, dont elle a convenu de la faiblesse des pouvoirs, elle a rapporté avoir perçu, à travers ses procédures de notation, la prise de conscience par les entreprises américaines de l'importance des enjeux environnementaux, en dépit du refus du président Bush de ratifier le protocole de Kyoto.
Synthétisant l'esprit général des propos de l'intervenante comme tendant vers un idéal sans négliger la réalité, M. Daniel Reiner a évoqué l'audition, par la commission des affaires économiques, de M. Jean Peyrelevade, qui avait décrit le passage d'un capitalisme rhénan, à visage humain, à un capitalisme financier, aveugle, où les fonds d'investissement se substituent aux dirigeants traditionnels et exigent des taux de rendement supérieurs aux taux de croissance. Il a interrogé l'intervenante sur la façon dont elle se positionnait face à ce phénomène, en lui demandant si elle cherchait à peser sur cette évolution ou bien à remettre en cause le système lui-même. Evoquant le conflit opposant les investisseurs aux consommateurs, il l'a décrit comme équilibré par les salariés des entreprises, dont il s'est enquis auprès de l'intervenante du rôle qu'elle leur prêtait à l'échelle mondiale. Enfin, il l'a interrogée sur la place qu'elle reconnaissait au politique, estimant à titre personnel qu'il devait jouer un rôle, quand bien même la réalité ne s'accordait pas avec cette opinion.
Observant que l'entreprise de l'intervenante cherchait à peser sur l'organisation de l'économie et à réduire les inégalités de développement, M. Benoît Huré s'est demandé dans quelle mesure elle ne participait pas, par ce biais, à l'affaiblissement de l'influence des mouvements extrémistes et permettait ainsi de garantir une plus grande sécurité à l'échelle internationale.
l'a quant à lui interrogée sur la syndicalisation dans les pays en voie de développement et dans les pays émergents.
a souhaité connaître sa position concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM).
En réponse, Mme Nicole Notat a apporté les éléments de précision suivants :
- déclarant intéressante et nécessaire la multiplication des approches intelligemment critiques des dérives du capitalisme financier, illustrée par les récents ouvrages sur le sujet de Jean Peyrelevade, Patrick Artus ou Claude Bébéar, elle a jugé qu'il serait présomptueux pour son entreprise de prétendre les combattre directement. Estimant toutefois que son action contribuait à un mouvement global de résistance, elle a insisté sur la légitimité de l'action politique, en tant qu'elle énonce une règle de droit permettant d'atteindre le bien commun ;
- voyant dans les syndicats de salariés un contre-pouvoir historique, elle a toutefois souligné qu'il n'était plus le seul et douté de son efficacité à l'échelle mondiale. Regrettant cette faiblesse et la jugeant paradoxale, du fait de l'importance historique de l'internationalisme dans les mouvements syndicaux, elle l'a expliquée par leur ancrage désormais national. Disant voir poindre avec espoir la conclusion d'accords mondiaux au niveau de multinationales, elle a estimé qu'ils constituaient, en dépit de leur faible nombre à ce jour, une piste à privilégier pour restaurer l'influence syndicale à l'échelle internationale. Ajoutant que ce mouvement devait, pour être efficace, partir de l'entreprise, elle a néanmoins douté qu'il parvienne à donner davantage de visibilité d'un point de vue macroéconomique. Décrivant ensuite le paysage syndical au niveau mondial, elle a opposé la Fédération syndicale mondiale (FSM), d'obédience communiste et présente dans les pays de l'Est, à deux regroupements de syndicats occidentaux se rapprochant pour des raisons idéologiques autant que matérielles, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), luttant pour un syndicalisme libre et indépendant, et la Confédération mondiale du travail (CMT), d'influence chrétienne. S'interrogeant sur les objectifs politiques que pouvait se fixer la CISL dans un monde dépourvu d'affrontement Est-Ouest, elle a estimé que la lutte contre les aspects négatifs de la mondialisation ne constituait pas en soi un but fédérateur, concluant à la nécessité pour ce mouvement syndical de prendre le temps de redéfinir entièrement ses orientations ;
- observant que les organisations syndicales ne faisaient qu'apparaître dans les pays en voie de développement et les pays émergents, elle a considéré qu'elles auraient nécessairement besoin du renfort d'organisations internationales sectorielles pour parvenir à se faire réellement entendre sur la scène mondiale ;
- estimant que ces mouvements seraient à eux seuls insuffisants pour affaiblir durablement l'influence des éléments extrémistes, elle a souligné que la manière dont il était fait état des dérives de la mondialisation pouvait aussi bien porter à la radicalisation que redonner de l'espoir, sans rien nier pour autant de la réalité ;
- voyant dans le dossier des OGM un parfait exemple de cette ambiguïté, elle a estimé que le débat, de nature scientifique autant que sociétale, se poursuivait et donnait lieu à des rapports de force mouvants. Disant se refuser, à titre personnel, à nier le besoin d'OGM tout comme à accepter de tout ouvrir aux OGM, elle a indiqué que ses procédures de notation prenaient en compte le fait, pour une entreprise, d'avoir pris conscience des enjeux du débat et cherché à y apporter des solutions adaptées.
a remercié l'intervenante d'être venue s'exprimer devant la commission et a dit avoir apprécié son analyse de la mondialisation et le pragmatisme de ses réponses aux questions des sénateurs.
La commission a ensuite nommé M. Bruno Retailleau co-rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 467 (2005-2006) relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Elle a enfin poursuivi l'examen des amendements sur le projet de loi n° 3 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au secteur de l'énergie.
La commission a tout d'abord examiné cinq amendements présentés par M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
A l'article 2 quinquies (pouvoir réglementaire de la CRE dans le domaine gazier), elle a adopté un amendement de précision.
A l'article 3 ter (création d'un mécanisme de compensation destiné à financer le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché), la commission, après les interventions de MM. Daniel Reiner, Jean Desessard et Ladislas Poniatowski, rapporteur, a rectifié l'amendement n° 762 pour clarifier sa rédaction et permettre le financement du tarif de retour en 2008, avant d'adopter un amendement de coordination.
Enfin, elle a adopté un amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 5 pour favoriser l'exploitation du gaz de mines.
Puis la commission a donné aux autres amendements les avis suivants :