Intervention de Claude Bertaud

Mission d'information médicaments — Réunion du 7 mars 2006 : 2ème réunion
Audition de M. Claude Béraud professeur honoraire à l'université de bordeaux

Photo de Claude BertaudClaude Bertaud :

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Gilbert Barbier, président, la mission d'information a d'abord procédé à l'audition de M. Claude Béraud, professeur honoraire à l'Université de Bordeaux.

a tout d'abord fait état de trois dates importantes dans l'histoire de la prise de conscience de la nécessité de mesurer non seulement l'efficacité, mais aussi la sécurité sanitaire des médicaments : en 1938, la première intoxication massive aux Etats-Unis par un médicament a conduit à la création de la Food and Drugs administration (FDA), initialement chargée de vérifier le caractère non toxique des médicaments ; en 1942, à la suite de la multiplication de cas de décès dus à la prise de thalidomide, le gouvernement français a rendu obligatoire la déclaration des cas de décès liés à une intoxication médicamenteuse et la mise en oeuvre d'essais cliniques préalablement à la mise sur le marché des médicaments ; en 2004-2005 enfin, l'affaire du Vioxx et du Celebrex a mis en lumière la nécessité de contrôler la sécurité sanitaire des médicaments.

Il a reconnu que la procédure actuelle d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments ne s'attache pas à vérifier la sécurité sanitaire de ceux-ci, mais uniquement leur efficacité par rapport à un produit de référence. Les laboratoires mettent en place des protocoles d'essais entachés d'un certain nombre de biais méthodologiques : ainsi, les patients retenus pour les tests sont sélectionnés de façon à limiter les risques d'effets secondaires et le produit de référence est souvent sous-dosé de façon à mettre en lumière une plus grande efficacité du nouveau médicament. Prenant l'exemple du Vioxx, il a observé que les études fournies par le laboratoire sur ce médicament faisaient état d'une fréquence plus importante des accidents cardiovasculaires chez les patients traités par ce médicament que chez ceux traités par le médicament de référence, à savoir le Naproxène, mais ces études mettaient cette fréquence accrue sur le compte de l'absence d'effet protecteur cardiovasculaire dans le cas du Vioxx, et non sur un défaut du médicament lui-même. Telle est la raison pour laquelle il a insisté sur la nécessité pour l'Agence du médicament d'avoir ses propres experts, notamment en termes de méthodologie et de statistiques, de façon à analyser les protocoles et les choix méthodologiques utilisés dans les études organisées par les laboratoires.

S'agissant de la commission de la transparence aujourd'hui intégrée à la Haute autorité de santé, M. Claude Béraud a indiqué que celle-ci se réunit tous les quinze jours pour examiner un minimum de quarante dossiers par séance et que cet ordre du jour chargé rend impossible un examen approfondi des études fournies par les laboratoires.

Il a ensuite insisté sur la nécessité de garantir l'indépendance des experts, considérant que ceux qui ont testé le médicament sont certes ceux qui le connaissent le mieux, mais qu'ils ne sont pas les mieux placés pour apprécier son intérêt en termes de santé publique. Il a toutefois estimé que la déclaration d'intérêt n'est pas l'instrument le plus efficace pour y parvenir et il a exprimé sa préférence pour un dispositif de publicité des débats, aussi bien lors de l'attribution de l'AMM que devant la commission de transparence. Il a observé qu'aux Etats-Unis, les réunions de la FDA concernant les autorisations de mise sur le marché de médicaments sont enregistrées et que leurs comptes rendus sont publiés sur internet. Les votes sont nominatifs et le compte rendu fait état des explications de vote de chacun des membres de la commission. Les réunions s'y tiennent en deux temps : une première partie est consacrée à l'audition du laboratoire concerné tandis que la seconde, qui aboutit au vote sur l'AMM, se déroule hors de la présence des industriels.

a expliqué que les industriels attachent plus d'importance à la décision de la commission de la transparence qu'à l'autorisation de mise sur le marché elle-même : dès lors que le médicament est au moins aussi efficace que le produit de référence et qu'il n'est pas notoirement dangereux, l'AMM est presque automatique. A l'inverse, les laboratoires maîtrisent mal le processus de fixation du niveau d'amélioration du service médical rendu (ASMR) par la commission de la transparence. Il a toutefois reconnu que celle-ci ne s'attache encore une fois qu'à l'efficacité relative du médicament, celle-ci permettant de fixer son taux de remboursement par la sécurité sociale, et non à son degré de sécurité sanitaire. Il a enfin regretté la présence de représentants de l'industrie pharmaceutique au sein de la commission de la transparence, estimant qu'elle conduit à une autre forme de pression sur les autres membres de la commission.

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