s'est à son tour réjouie que la délégation ait été saisie par la présidente de la commission des affaires sociales de l'examen de l'article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 : ce texte concerne, en effet, les femmes et, particulièrement, les mères relevant du dispositif de retraite de base du régime général. Elle a souligné que les femmes retraitées constituaient aujourd'hui l'une des catégories de la population française les plus fragiles.
Elle a rappelé que le droit en vigueur, à savoir l'article L. 354-1 du code de la sécurité sociale, leur accordait aujourd'hui deux années de majoration de durée d'assurance par enfant. Socialement justifiée par la persistance d'importants écarts de salaire entre femmes et hommes (20 % en France) et, plus encore, de retraite (qui atteignent 40 %), l'attribution de ces majorations aux seules femmes a été juridiquement remise en cause par une série d'arrêts de la Cour de cassation qui confirment un arrêt de référence en date du 19 février 2009. D'un point de vue budgétaire, elle a signalé que le Gouvernement avait calculé que l'extension pure et simple aux pères du dispositif en vigueur risquait d'aggraver le déficit de la branche vieillesse de 5 milliards d'euros - à supposer que les pères intentent massivement des recours en justice - et de 14 milliards à moyen terme.
Puis elle a observé que le droit européen, le Parlement, le Gouvernement et le Conseil constitutionnel admettaient traditionnellement que les inégalités justifient des mesures de compensation : le fait nouveau est que la Cour de cassation estime que le dispositif de majoration de durée d'assurance pour enfants dans le régime général comporte, dans sa formulation juridique, une discrimination entre les sexes non fondée sur un critère objectif.
La rapporteure a alors indiqué que, pour prendre en compte cette contrainte, les partenaires sociaux, le Gouvernement et, en première lecture, l'Assemblée nationale, avaient donné leur aval à un nouveau dispositif qui s'efforce de concilier des exigences sociales, juridiques et financières contradictoires. Elle a noté que, pour sa part, la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, avait souhaité un réaménagement plus global des avantages familiaux de retraite et n'avait pas manqué de faire observer qu'il serait peu logique, au nom du principe d'égalité, d'aggraver un peu plus les écarts entre hommes et femmes.
Résumant les grandes lignes de son rapport, la rapporteure a tout d'abord replacé le mécanisme des majorations d'assurance (MDA) dans l'évolution récente de la « mosaïque » de régimes de retraite et dans l'ensemble des avantages familiaux. Elle a constaté que la majoration de durée d'assurance dans le régime général de base demeurait l'un des seuls avantages réservés exclusivement aux femmes. Financièrement, elle a indiqué que la masse des MDA représentait un peu plus de 6 milliards d'euros et 20 % de la pension de base moyenne des femmes retraitées.
Puis, Mme Jacqueline Panis, rapporteure, a montré que cet avantage de retraite féminin avait été volontairement sauvegardé jusqu'à aujourd'hui, malgré une tendance des régimes de retraites à aligner la situation des femmes et des hommes. Elle a précisé que cet avantage avait tout d'abord été préservé des exigences du droit communautaire dont la logique repose sur une distinction entre le régime général et les régimes spéciaux ; les pensions du régime général de base sont considérées comme relevant de la sécurité sociale, et, dans ce domaine, le droit communautaire admet les mesures de compensation des inégalités, la directive du 19 décembre 1978 prévoyant explicitement la possibilité de protéger la maternité. En revanche, a-t-elle poursuivi, la pension de retraite des régimes spéciaux est considérée comme une « rémunération différée » et, par conséquent, la Cour de justice des communautés européennes a jugé nécessaire, par un arrêt Griesmar du 29 novembre 2001, d'appliquer le principe d'égalité salariale entre femmes et hommes : en conséquence, les majorations de durée d'assurance prévues par le régime de retraite de la fonction publique ont été étendues aux pères justifiant d'une interruption de carrière de deux mois par la reforme des retraites du 21 août 2003 ; par la suite, en 2004, le départ en retraite avec quinze années de service a également été étendu aux hommes fonctionnaires en vertu de nouvelles décisions de la Cour de justice des communautés européennes ; enfin, la Commission européenne a demandé au français d'aligner les régimes spéciaux, ce qui a été fait par une série de décrets pris en 2008.
Puis la rapporteure a insisté sur le fait que, en 2003, le législateur avait volontairement préservé les MDA du régime général en tant qu'avantage réservé aux femmes et que le juge constitutionnel, saisi sur ce point au nom de l'inégalité dont seraient victimes les pères, avait répondu très clairement, dans sa décision du 14 août 2003, que le législateur pouvait régler de façon différente des situations différentes et qu'il lui appartenait de « prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet ».
Elle a ensuite rappelé que, en 2006, la Cour de cassation avait accordé les majorations à un père ayant élevé seul ses enfants, le Gouvernement ayant alors considéré qu'il s'agissait d'un cas d'espèce et qu'il n'y avait pas lieu de légiférer ; cependant, depuis le début de l'année 2009, une salve d'arrêts a employé une formulation plus générale, « ouvrant la voie » à une réforme législative. Elle a fait observer que la Cour de cassation ne se fondait ni sur le droit interne français, ni sur le droit communautaire, mais sur deux dispositions de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme, qui imposent le respect de la propriété et interdisent toute discrimination fondée sur le sexe : la Cour de cassation assimile les MDA à un bien et juge incompatible avec le droit international le code de la sécurité sociale qui désigne « les femmes » comme seules bénéficiaires de cette compensation.
Face à une telle situation, Mme Jacqueline Panis, rapporteure, sur la base des informations recueillies au cours des auditions, a montré que le Gouvernement avait dû s'engager dans une voie entièrement nouvelle et négociée avec l'ensemble des partenaires.
Rappelant que le droit en vigueur tient en une seule phrase : « les femmes assurées sociales bénéficient d'une majoration (...) dans la limite de huit trimestres par enfant », Mme Jacqueline Panis, rapporteure, dans un second temps de son exposé, a analysé le dispositif prévu par l'article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Elle a précisé que, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, des mesures transitoires s'efforçaient de préserver les droits acquis de la mère, tout en ouvrant des majorations au père qui, pour bénéficier d'un trimestre de majoration par année d'éducation, devrait apporter, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi, la preuve « qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption ». Elle a ajouté que, pour les enfants nés après le 1er janvier 2010, alors que le droit en vigueur accordait deux ans à la mère, la réforme prévoyait d'attribuer un an à la mère au titre de « l'incidence sur sa carrière de la maternité » et un an au titre de l'éducation de l'enfant. Elle a indiqué que cette dernière année de majoration faisait l'objet d'un dispositif de répartition complexe et a détaillé les quatre possibilités prévues par le projet de loi :
- le silence du couple dans les six mois suivant le quatrième anniversaire de l'enfant, hypothèse la plus fréquente d'après le Gouvernement, vaudrait désignation de la mère ;
- le couple pourrait, d'un commun accord, accorder les quatre trimestres à l'un des deux parents ou les répartir entre eux ;
- en cas de désaccord, la caisse désignerait celui des parents « qui établit avoir contribué, à titre principal, à l'éducation de l'enfant » ;
- enfin, en cas de désaccord, et si la caisse ne parvenait pas à déterminer le parent qui a contribué « à titre principal » à l'éducation de l'enfant, la majoration serait, dans le projet de loi initial, partagée par moitié entre les deux parents.
Elle a ensuite commenté les autres dispositions de l'article 38 du projet de loi relatives à l'adoption et au cas des personnes auxquelles la garde a été confiée par une décision de justice et qui, assumant effectivement l'éducation de l'enfant, sont substituées dans les droits des parents.
Puis Mme Jacqueline Panis, rapporteure, a expliqué que ses recommandations reposaient sur le constat de la persistance du partage inégal des tâches familiales ainsi que des écarts salariaux et de retraite entre femmes et hommes. Elle a relevé que, contrairement à l'idée reçue, les femmes partaient en retraite plus tard que les hommes et souligné que, dans ce contexte, les MDA jouaient un rôle compensateur non négligeable entre les hommes et les femmes puisque leur suppression diminuerait de 20 % la pension moyenne de ces dernières. Elle a ajouté que la durée d'assurance des femmes était d'autant plus faible qu'elles ont eu de nombreux enfants. Les MDA permettaient précisément d'égaliser les durées moyennes d'assurance entre les femmes qui ont eu ou non des enfants, les gains liés à la présence de ces trimestres pouvant représenter jusqu'à 50 % de la pension de base pour les petites pensions, contre à peine 5 % pour les plus élevées.
Elle a considéré que le mécanisme de répartition et de partage des MDA prévu par l'article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale était « la moins mauvaise des solutions » au regard du principe d'égalité des chances entre femmes et hommes, car il s'efforçait d'en préserver le bénéfice au profit des mères, tout en permettant une avancée en direction des hommes qui assument seuls, ou à titre principal, l'éducation de leurs enfants, qu'il serait injuste de priver de toute possibilité de bénéficier d'une partie de la MDA.
De façon plus précise, Mme Jacqueline Panis, rapporteure, a recommandé à la délégation de prendre en compte deux principales préoccupations. Elle a rappelé tout d'abord que, en première lecture, l'Assemblée nationale avait ramené de quatre à trois ans le délai à compter duquel le couple peut effectuer son choix en estimant que « plus on attend pour qu'une décision soit prise, plus les risques de séparation et donc de conflit existent ».
Elle a signalé que ce raccourcissement à trois ans risquait de fragiliser juridiquement l'ensemble du dispositif, dans la mesure où l'irrévocabilité de l'attribution des majorations d'assurance rendait nécessaire un délai suffisant pour que les parents effectuent leur choix en connaissance de cause ou puissent prouver qu'ils ont contribué « à titre principal » à l'éducation de l'enfant. En outre, elle a indiqué que le maintien d'une durée de quatre années serait utile à la préservation de la clarté de la conception ainsi que de la gestion du dispositif.
En second lieu, rappelant que la signification première des majorations de durée d'assurance est de compenser les discontinuités de carrière et, plus fondamentalement, d'essayer de réparer les accidents de la vie qui peuvent frapper les mères comme les pères, elle s'est demandé si, de ce point de vue, l'irrévocabilité du partage des MDA prévue par le projet de loi initial ne contribuerait pas à fragiliser certains parents en cas de séparation.
Elle a signalé que l'Assemblée nationale avait ouvert une première brèche au caractère définitif du partage en adoptant un amendement prévoyant que, en cas de décès, les MDA sont attribuées au conjoint survivant.
a estimé que, dans l'idéal, en cas de séparation, il serait cohérent que les MDA soient comptabilisées au parent qui a la garde des enfants, sans cacher les réserves que suscitait la traduction de ce principe auprès de la caisse qui aurait à le gérer. Elle a cependant proposé à la délégation d'exprimer cette idée pour qu'elle puisse être prise en compte, au moins à l'occasion d'un réaménagement plus global et plus rationnel des avantages familiaux dans le cadre du rendez-vous « retraites » prévu au milieu de l'année 2010.
Un débat a suivi son exposé