Une personne qui désire représenter les salariés dans une entreprise dépourvue de syndicats doit affronter moult pressions et intimidations de la part de la direction.
Pour en revenir au texte, toute la contradiction de ce projet de loi réside dans sa seconde partie, qui trahit le dialogue social que vous souhaitez développer dans la première partie, monsieur le ministre, et ignore complètement les initiatives des partenaires sociaux sur le sujet.
Le texte confère un rôle central à la négociation d’entreprise, qui prévaut sur les accords de branche. Pour être plus clair, chaque entreprise pourra fixer toutes les règles en matière de contingent d’heures supplémentaires, de taux de majoration et de repos compensateur. « Enfin la liberté ! », s’exclamait récemment le porte-parole de l’UMP. Mais la liberté pour qui ? Et pour quoi faire ?
Au niveau de l’entreprise, cela reviendra, dans bien des cas, à laisser les salariés dans un face-à-face bien inégal avec leurs employeurs, particulièrement dans les PME. Il suffit d’un peu de bon sens pour comprendre que les négociations seront risquées pour les salariés des PME qui manquent d’expérience et ont quelques lacunes dans le domaine de l’expertise juridique.
En outre, il serait quelque peu naïf d’imaginer que les dirigeants des entreprises feront preuve d’une grande bonté lors des négociations. Ce serait méconnaître profondément le monde du travail. Chacun le sait, les chantages à la délocalisation existent, on pourrait citer de nombreux exemples en la matière.
Ce texte démantèle complètement les 35 heures, et nous le regrettons, car la durée hebdomadaire du temps de travail dans notre pays n’est pas un problème, puisqu’elle correspond à la moyenne européenne. Elle est le fruit d’une réduction continue du temps de travail au cours de l’histoire, accompagnée d’une augmentation tout aussi continue de la productivité du travail et des salaires, sans compter que les 35 heures ont permis à de nombreux salariés d’améliorer leurs conditions de vie.
Avec les heures supplémentaires, les 48 heures hebdomadaires seront possibles, et le forfait en jours étendu à tous, par des conventions de gré à gré, signe la fin de la durée collective du travail. Toute référence dans la loi à un repos compensateur obligatoire en cas de dépassement du contingent d’heures supplémentaire a disparu, les modalités de ce repos étant renvoyées à la négociation de branche ou même d’entreprise.
Rappelons que le repos compensateur mis en place en 1977 par un gouvernement de droite était une mesure de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, ce dont le patronat se moque royalement !
Concernant les cadres, l’Assemblée nationale a fixé à 235 le nombre maximum de jours travaillés annuellement. Mais ce nouveau plafond, qui est un minimum, ne fait que préserver 25 jours de congés payés, 52 samedis et 52 dimanches, ainsi que le 1er mai. Rien n’empêchera une entreprise de décider, au moyen d’un accord, de fixer un plafond supérieur à 235 jours, dans la limite de 282 jours par an. Les cadres sont donc les grands perdants de ce projet de loi.
Le problème français ne réside pas tant dans la durée du temps de travail de ceux qui ont un emploi à temps plein que dans l’exclusion des jeunes, des seniors et des salariés à temps partiel, qui, eux, veulent vraiment travailler plus. Je devrais d’ailleurs plutôt employer le pronom personnel féminin, car ce sont les femmes qui occupent 80 % des contrats à temps partiels, et l’immense majorité d’entre elles voudrait travailler davantage.
Quid des demandeurs d’emploi ? Ils sont les grands absents de ce texte. Pourtant, s’il y a bien un public qui souhaite tout simplement travailler, c’est bien celui-là !
La formation professionnelle est, elle aussi, absente de ce texte. Alors qu’elle représente un enjeu considérable, son accès reste inéquitable et complexe. Elle aurait mérité que l’on s’en préoccupe bien avant la durée du temps de travail, qui, je le rappelle, n’était pas un problème. C’est non pas à cause des 35 heures que la situation économique est dégradée en France, mais à cause de la conjoncture générale. Bien au contraire, les 35 heures ont permis de créer des milliers d’emplois !
Au final, ce texte retire aux hommes et aux femmes politiques le peu de pouvoir qu’ils détenaient pour faire respecter certaines règles dans le monde du travail.
Ce projet de loi est inacceptable. Il défait le code du travail et constitue un recul sans précédent pour les droits des salariés. Ces reculs sociaux vont devenir des outils de compétition entre les entreprises, et les salariés en feront les frais.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.