Intervention de Michèle Alliot-Marie

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 septembre 2009 : 1ère réunion
Application des articles 61-1 et 65 de la constitution — Audition de Mme Michèle Alliot-marie garde sceaux ministre de la justice et des libertés

Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés :

a présenté tout d'abord le projet de loi organique portant application de l'article 61-1 de la Constitution.

Soulignant que la mise en place des questions préjudicielles de constitutionnalité par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 constituait une avancée importante dans la pratique démocratique au quotidien, elle s'est félicitée qu'un esprit de consensus, dépassant les clivages partisans, ait marqué les débats à l'Assemblée nationale. Elle a également estimé que le projet de loi organique permettait de surmonter deux risques qui avaient, jusqu'à présent, dissuadé le constituant de prévoir un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois : d'une part, un engorgement des juridictions, provoqué par l'afflux de questions sans objet, déjà tranchées ou dilatoires ; d'autre part, une déstabilisation de l'organisation juridictionnelle.

Affirmant que le projet de loi organique garantissait la cohérence entre le mécanisme de l'article 61-1 de la Constitution et les principes du droit français, Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que la question prioritaire de constitutionnalité permettait de réaffirmer et de renforcer la hiérarchie des normes. Parallèlement, elle a jugé que ce procédé ne remettait pas en cause la spécificité de chacun des ordres de juridiction et ne les privait ni de leurs compétences propres, ni de leur souveraineté : à ce titre, elle a souligné qu'il appartiendrait au seul Conseil constitutionnel de vérifier la conformité des lois à la Constitution, mais qu'il ne deviendrait pas pour autant une cour suprême, dans la mesure où son contrôle resterait abstrait et ne préjugerait pas de la solution retenue par les autres juges pour trancher le litige au fond.

En ce qui concerne la procédure, Mme Michèle Alliot-Marie a fait valoir que le caractère « prioritaire » de la question de constitutionnalité permettait aux justiciables de tirer pleinement profit de leur droit de contester, à tout moment et devant toutes les juridictions, la validité de la loi qui leur est appliquée. Elle a ainsi déclaré que, dans un souci de cohérence, il était nécessaire que cette règle de priorité s'applique à toutes les juridictions et a salué le travail de l'Assemblée nationale, celle-ci ayant apporté d'importantes clarifications en la matière.

a ensuite indiqué que, pour ne pas dénaturer le dispositif de l'article 61-1 de la Constitution, le système procédural de « filtrage », voulu par le constituant, devait ménager un équilibre entre l'impératif de célérité et celui d'efficacité. Ayant rappelé que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale prévoyait l'examen, par les juges du fond, de la question de constitutionnalité « sans délai, dans une limite de deux mois », elle a craint que ce délai maximal ne provoque la multiplication des procédures dilatoires, une déresponsabilisation des juridictions, incitées à attendre passivement l'expiration du délai de deux mois, et ne retarde des procédures déjà longues, entraînant l'engorgement des juridictions suprêmes. Elle a ajouté que, compte tenu de l'automaticité de la saisine du Conseil constitutionnel dans le cas où les cours suprêmes n'auraient pas statué dans le délai de trois mois, il serait possible que des lois contestées parviennent au Conseil constitutionnel sans qu'il n'y ait eu un filtrage effectif, en méconnaissance de l'esprit de l'article 61-1 de la Constitution.

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