Après que Jean-Marc Todeschini vous a rappelé l'historique de la réforme et présenté l'état d'avancement de sa mise en oeuvre, je souhaite revenir sur deux points essentiels : les conditions de reclassement des personnels d'une part, le maintien de la qualité de service pour les usagers, d'autre part.
Grâce au savoir-faire dont le ministère de la défense dispose en matière d'accompagnement des restructurations militaires, le reclassement des personnels concernés par les premières fermetures de directions interdépartementales s'est, jusqu'à présent, déroulé dans des conditions satisfaisantes. Le nouveau dispositif en vigueur depuis 2009 combine en effet incitations financières à la mobilité et au départ et accompagnement personnalisé, au plus près des personnels.
Il est appréciable que tous les personnels, qu'ils relèvent des catégories A, B ou C, profitent du même niveau d'aides à la mobilité, qui varient uniquement en fonction de la situation familiale et de la distance - en particulier selon qu'elle implique ou non un changement de domicile. On regrettera, en revanche, la différence de traitement manifeste entre fonctionnaires et ouvriers de l'État en matière d'IVD : en plus d'un montant d'indemnité plus élevé, les ouvriers de l'État sont les seuls à bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu et d'un droit à l'indemnisation chômage et peuvent y accéder jusqu'à deux ans avant l'âge d'ouverture du droit à pension, contre cinq ans pour les fonctionnaires. Cette situation crée un fort ressentiment parmi les fonctionnaires et réduit considérablement l'attractivité, pour ces derniers, de cette disposition.
Au-delà des aides matérielles, le dispositif d'accompagnement des restructurations se décline, au niveau local, entre les antennes mobilité reclassement (AMR), chargées du suivi des personnels tout au long du processus, et les commissions locales de restructuration (CLR), instances de concertation avec les organisations syndicales. Il est complété par l'action des sept médiateurs mobilité qui sont chargés de traiter des cas les plus difficiles et d'assurer l'interface avec les administrations d'accueil. Cet accompagnement personnalisé des agents les a protégés, jusqu'à présent, contre les syndromes d'isolement ou d'abandon et certains drames sociaux vécus lors d'autres restructurations.
Au 30 avril 2010, les services de la DSPRS estimaient qu'une solution avait été trouvée ou était en passe de l'être pour 469 agents, soit près de 58 % des 814 effectifs présents au 1er janvier 2009 : 42 agents avaient pris leur retraite, 16 avaient choisi l'IDV, 192 étaient déjà détachés ou mis à disposition et 97 dossiers de reclassement étaient en cours de traitement, tandis que 117 personnes devront avoir pris leur retraite d'ici à 2012 ; les personnels des directions fermées au 1er mars ont été reclassés sans difficulté majeure de même que ceux des directions de Clermont et Rouen, fermées au 1er mai, et les prévisions sur les fermetures à venir sont plutôt optimistes.
A contrario, les conditions de fermeture des sites de Montpellier et, pour l'avenir, de Limoges ou de Château-Chinon sont plus préoccupantes, car marquées par la conjonction de restructurations civiles et militaires qui limitent considérablement les solutions locales de reclassement.
Autre difficulté : le profil des agents de la DSPRS, dont la moyenne d'âge est plus élevée que dans le reste du ministère - cinquante-deux ans contre quarante cinq ans et dix mois - et qui relèvent majoritairement de la catégorie C, supposés moins mobiles, entraînerait de fortes réticences à la mobilité. Cette dernière idée reçue est cependant mise à mal sur le terrain puisque les solutions de reclassement sont parfois plus difficiles à trouver pour les « catégorie B », aux tâches de secrétariat peu différenciées, que pour les « catégorie C », à la technicité recherchée.
En dernier recours, des procédures plus contraignantes peuvent être mises en oeuvre comme le reclassement d'office après trois refus d'affectation, voire, en cas de refus de ce dernier poste, la mise en disponibilité d'office sans traitement.
Le second objectif poursuivi par la réforme a consisté à préserver le droit à réparation dû à nos anciens combattants en confortant l'ONAC dans son ancrage de proximité : au-delà des missions nouvelles qui leur sont confiées, les services départementaux de l'office sont désormais l'interlocuteur privilégié du monde combattant et doivent à ce titre accueillir, informer et orienter les ressortissants dans le nouveau système. À cet égard, on regrettera seulement que les formations à l'accueil et aux nouvelles procédures des personnels de l'ONAC n'aient pas été organisées plus en amont des premières fermetures. L'interconnexion avec les outils de gestion des services repreneurs doit aussi progresser pour assurer le suivi des dossiers.
Grâce à l'appui de pôles de soutien mutualisant les tâches strictement administratives, les services départementaux seront recentrés sur leurs missions de proximité et les temps de traitement réduits.
Au vu, notamment, des premiers retours de terrain, la qualité du service rendu par les nouveaux services repreneurs apparaît aussi préservée. Cette réussite, qu'il faudra toutefois valider sur plus long terme, s'explique d'abord par le caractère progressif de la réforme mais surtout par la logique de métier qui a procédé au choix des services : ainsi, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), choisie pour la gestion des soins médicaux gratuits, avait déjà pour mission de rembourser des prestations maladie et maternité et le service des pensions de La Rochelle traitait déjà des pensions d'invalidité des militaires. Certains repreneurs ont dû gérer des difficultés transitoires, par exemple pour résoudre les différences de régimes indemnitaires avec les personnels reclassés - c'est le cas de l'INI pour le rattachement du Centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH) - ou pour recruter des personnels supplémentaires : les soixante-quinze postes ouverts aux agents de la DSPRS pour gérer les soins médicaux gratuits n'ayant pas été pourvus, la CNMSS a été contrainte d'ouvrir un concours pour quarante postes, avec toutes les charges d'organisation correspondantes. Elle a cependant accueilli très favorablement cette nouvelle activité, dans un contexte marqué par la remise en cause régulière des régimes spéciaux. De la même façon, l'INI voit, avec la reprise du CERAH, sa capacité d'expertise en matière d'appareillage renforcée.
Malgré la satisfaction générale exprimée par la très grande majorité de nos interlocuteurs, plusieurs points particuliers, liés à la réforme elle-même ou aux chantiers de modernisation en cours à l'ONAC, soulèvent encore l'inquiétude des ressortissants et de leurs représentants : outre la crainte que les services de l'office ne disposent pas de moyens humains et matériels suffisants, ceux-ci souhaitent recevoir l'assurance que les dossiers de PMI seront traités avec la même bienveillance que par le passé. Dans les deux cas, rien ne permettait, à la date de notre contrôle, de douter de la qualité du service rendu.
Autre sujet de vive préoccupation : le devenir du réseau de l'appareillage. En reprenant les consultations et prescriptions d'appareillage, le Service de santé des armées (SSA) a mis en place un maillage territorial souple, combinant sites primaires et sites secondaires et préservant la possibilité de consultations à domicile. Or, si la solution retenue a le mérite d'assurer la proximité, plusieurs éléments attestent de son caractère non pérenne : chute d'activité prévisible dans les cinq prochaines années, refus de la CNAM de conventionner, pour ses assurés, avec le nouvel opérateur, prochains départs à la retraite de nombreux médecins et techniciens et mise à disposition par le SSA de praticiens à temps complet auprès d'établissements où ils n'exerceront pourtant qu'une part très minoritaire de leur activité au profit des anciens combattants. Cette problématique se posait déjà, il est vrai, à la DSPRS avant la réforme.
La suppression des « délégués mémoire » et la mise en place de « pôles mémoire » régionalisés, qui fait craindre à certains une baisse de l'activité mémoire de l'office, devraient permettre aux directeurs, par ailleurs déchargés de tâches administratives, d'exercer pleinement leur rôle de chef de file en la matière, avec l'appui des « coordonnateurs mémoire ».
Enfin, et bien que les projets de textes correspondants aient été adoptés à une très large majorité au conseil d'administration de l'ONAC, la création de la fondation « Mémoire et solidarité pour le monde combattant », qui doit reprendre la gestion des établissements médico-sociaux de l'office - écoles de reconversion professionnelle et maisons de retraite - suscite encore, chez une minorité de représentants, la crainte d'une privatisation des établissements ou d'une perte de substance de l'ONAC. De mon point de vue, cette solution a l'avantage de répondre aux difficultés actuelles de gestion des établissements et de leur permettre de faire face aux défis nouveaux du vieillissement, de la dépendance et des handicaps sociaux tout en maintenant un lien fort avec le monde combattant, comme en atteste le fait que les associations resteront majoritaires dans le conseil d'administration de la fondation.
Au terme de cette mission de contrôle budgétaire, il nous est apparu que, dès lors que le reclassement des personnels s'opérait dans des conditions satisfaisantes, chacun avait à gagner dans la réforme :
- le contribuable, d'abord, car la rationalisation administrative doit produire, à terme, des gains financiers et de productivité importants ;
- les ressortissants, ensuite, qui bénéficieront, tout à la fois, du maintien d'un maillage territorial de proximité et de la garantie d'un haut niveau de prestations ;
- les opérateurs, enfin : l'ONAC est consacré dans son rôle de pivot du système quand les autres établissements voient leur capacité d'expertise renforcée.
Ce rapport détaille les interrogations, et parfois les craintes, exprimées par le monde combattant à mesure de l'avancement de la réforme. Nous avons reçu les responsables des principales associations qui ont tous témoigné de leur satisfaction d'avoir un secrétariat d'État bien à eux, en charge de leurs problèmes et à l'écoute de leurs aspirations.
Le monde combattant reste, en tous les cas, très vigilant sur le droit à réparation et attaché au fait que l'ONAC demeure et soit conforté. À part un seul interlocuteur, tous les représentants que nous avons rencontrés étaient sereins et confiants.