Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 janvier 2008 : 1ère réunion
Constitution — Modification du titre xv - Audition de M. Jean-Pierre Jouyet secrétaire d'etat chargé des affaires européennes

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes :

a indiqué que le projet de loi constitutionnelle ne comportait que les modifications de la Constitution jugées nécessaires par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 décembre 2007 afin de permettre la ratification du traité de Lisbonne. Il a souligné qu'il ne proposait donc pas une réforme globale du titre XV de la Constitution qui soulèverait des questions plus larges et devrait être abordée à l'occasion de la prochaine réforme des institutions.

Il a rappelé que l'article 1er du projet de loi avait pour objet de lever les obstacles constitutionnels à la ratification du traité, dans l'attente de son entrée en vigueur.

Puis il a fait observer que l'article 2 du projet de loi permettrait à la France d'appliquer le traité de Lisbonne une fois ce dernier entré en vigueur, à l'issue du processus de ratification par les Etats membres de l'Union européenne. Il a estimé que quinze à vingt Etats membres devraient procéder à la ratification du traité avant la fin du premier semestre 2008. Il a souligné que la ratification par la France du traité en février 2008 lui permettra de se consacrer pleinement à la préparation de la présidence de l'Union européenne, qui débutera le 1er juillet 2008.

Détaillant les dispositions principales de cet article, M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, a précisé :

- que la modification apportée à l'article 88-1 de la Constitution autorisera la prise de décisions à la majorité qualifiée au Conseil et en codécision avec le Parlement européen, là où l'unanimité et la simple consultation étaient jusqu'alors exigées, en particulier dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière. Il a expliqué que, grâce à ces innovations, il ne sera plus possible à un seul Etat membre de bloquer la prise de décision, ce qui permettra un essor de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Il a souligné qu'il sera désormais possible d'instituer un parquet européen, chargé de la lutte contre la fraude et la criminalité organisée ;

- qu'il était procédé, aux articles 88-4 et 88-5 de la Constitution, à la suppression des mentions relatives aux Communautés européennes, dans la mesure où l'Union européenne était désormais dotée d'une personnalité juridique unique ;

- que les articles 88-6 et 88-7, introduits dans la Constitution, permettront au Parlement d'exercer les nouveaux pouvoirs qui lui sont reconnus par le traité de Lisbonne. Il a souligné que les Parlements nationaux devenaient les gardiens de la subsidiarité et, ce faisant, de la répartition des compétences entre l'Union européenne et ses Etats membres, le lien entre démocratie au niveau européen et démocratie au niveau national étant désormais mieux établi.

Il a insisté sur la possibilité donnée à l'Assemblée nationale et au Sénat d'adresser des avis motivés aux institutions européennes en cas de violation du principe de subsidiarité. Il a expliqué que la Commission européenne sera tenue de motiver le maintien de sa proposition lorsque plus du tiers des Parlements nationaux lui auront adressé de tels avis et qu'elle devra même la retirer si la moitié des Parlements nationaux ont émis un avis motivé et que le Conseil, à la majorité de 55 % de ses membres, ou le Parlement européen, à la majorité absolue des suffrages exprimés, estime qu'il existe une violation du principe de subsidiarité.

Il a indiqué que les deux assemblées pourront également saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour faire constater la violation du principe de subsidiarité.

Puis il a mis en exergue le fait que le Parlement pourra s'opposer à la mise en oeuvre du mécanisme de révision simplifiée des traités et à celle de la clause passerelle instituée dans le domaine du droit de la famille.

Saluant la participation active du Sénat aux travaux de la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, a estimé que les nouvelles prérogatives reconnues aux Parlements nationaux pourront d'autant mieux s'exercer que la coopération interparlementaire sera nourrie, le traité offrant un cadre plus favorable à cet égard.

Il a indiqué que l'article 3 du projet de loi constitutionnelle, qui abroge partiellement la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, traduisait la caducité du traité établissant une Constitution pour l'Europe et concrétisait l'abandon, lors du Conseil européen de juin 2007, de la démarche constitutionnelle européenne.

a ensuite rappelé les innovations du traité de Lisbonne, dont la nature justifie une ratification par voie parlementaire.

Il a insisté sur le fait que le traité de Lisbonne était d'une nature différente de celle du traité établissant une Constitution pour l'Europe, ainsi que le Conseil constitutionnel l'avait jugé dans sa décision du 20 décembre 2007. Il a souligné qu'il s'agissait d'un traité classique qui, dans le prolongement des traités d'Amsterdam et de Nice, modifiait les traités antérieurs.

Il a estimé que, bien que plus modeste que le traité précédent dans son objet, le traité de Lisbonne apportait des avancées suffisantes pour permettre à l'Europe de fonctionner de manière plus démocratique, plus efficace et plus simple, au bénéfice de l'ensemble des citoyens.

Il a en particulier évoqué les avancées sociales du traité, soulignant :

- la reconnaissance de la pleine compétence des Etats membres et de leurs collectivités locales pour organiser et financer les services publics en garantissant un haut niveau de qualité et un accès à ces services sur tout leur territoire ;

- le fait que l'Union avait désormais la mission de protéger ses citoyens ;

- la suppression de l'objectif de concurrence libre et non faussée, traduisant ainsi un changement de priorités et de valeurs qui aura des répercussions sur la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier dans le cadre des aides d'Etat ;

- l'impossibilité de remettre en cause par des mesures européennes les équilibres fondamentaux en matière de protection sociale.

Il a relevé que ces avancées étaient complétées par l'insertion de droits sociaux au sein de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par le fait que, désormais, les objectifs de lutte contre l'exclusion, de promotion de l'emploi et de protection sociale devront être inclus dans la conception et la mise en oeuvre des politiques européennes.

a indiqué que les différences de contenu et d'approche avec le traité établissant une Constitution pour l'Europe expliquaient le choix du président de la République de privilégier la démocratie parlementaire, dans l'entier respect de nos institutions.

Il a souligné que cette démarche confirmait une longue pratique antérieure, à l'exception de celle suivie pour le traité de Maastricht qui s'expliquait par l'importance des transferts de souveraineté consentis alors, en particulier l'abandon du franc et la création d'une nouvelle monnaie commune avec des effets immédiats pour tous les Français.

Il a relevé que le choix de la procédure parlementaire était largement partagé, puisque vingt-six Etats membres, y compris les Pays-Bas et le Danemark, y avaient recours. Il a rappelé que seule l'Irlande, compte tenu de ses règles constitutionnelles propres, utiliserait la voie du référendum pour ratifier le traité de Lisbonne.

a mis en exergue le fait que la ratification du traité de Lisbonne permettrait de relancer le projet européen, la présidence française de l'Union européenne concrétisant cette volonté.

Il a souhaité que celle-ci soit l'occasion :

- de montrer que l'Union européenne permet de ne pas subir les effets de la mondialisation grâce aux politiques communes mises en oeuvre au profit des citoyens, des entrepreneurs, des ouvriers et des consommateurs ;

- de développer une véritable gouvernance économique, d'encourager la recherche et l'innovation, et de faciliter la mobilité des jeunes ;

- de relever le défi de la solidarité énergétique et du changement climatique en promouvant l'idée d'un « Grenelle mondial », et en mettant en place une véritable politique européenne de l'énergie permettant de sécuriser nos approvisionnements et de développer les énergies renouvelables ou non polluantes ;

- de développer une approche européenne dans la gestion des migrations, associée à une réelle politique d'intégration et de codéveloppement ;

- de renforcer la politique européenne de sécurité et de défense qui a déjà fortement progressé, comme en témoignent les opérations menées par l'Union européenne en République démocratique du Congo, en Bosnie, en Palestine, ainsi qu'à Aceh en Indonésie.

a conclu que le projet de loi constitutionnelle constituait un premier pas nécessaire vers la ratification du traité de Lisbonne qui permettra de sortir du débat institutionnel européen et de l'impasse où il se trouvait depuis l'adoption du traité de Maastricht. Il a estimé que ce nouveau traité assurerait la transition vers la définition de politiques européennes nouvelles allant au-delà de l'achèvement du marché intérieur.

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