Intervention de Philippe Richert

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 14 janvier 2009 : 1ère réunion
Enseignement scolaire et périscolaire — Accueil des élèves - examen du rapport

Photo de Philippe RichertPhilippe Richert, rapporteur :

a indiqué en premier lieu que l'adoption, il y a six mois, de la loi consacrant le droit, pour tous les élèves de maternelle et de primaire, d'être accueillis en cas de grève des enseignants avait été inspirée par le souci de répondre aux besoins des parents qui n'ont pas toujours les moyens de prendre une journée de congé ou de payer un mode de garde.

Il a rappelé que l'examen de ce texte avait donné lieu à de larges débats de principe, tant sur le plan de son opportunité que de la constitutionnalité du service d'accueil lui-même. Force est pourtant de constater que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 août 2008, a déclaré la loi conforme à la Constitution, en notant, en particulier, que le législateur a souhaité créer un nouveau service public permettant d'assurer la continuité du service public de l'accompagnement.

Il a également mentionné les débats sur les conditions pratiques de mise en oeuvre de ce texte qui avaient précédé son adoption. Il a estimé que le choix de confier aux communes le soin de mettre en place le service d'accueil en cas de grève était à la fois pertinent et pragmatique, puisqu'en cas de grève importante, l'État n'est, par définition, plus en mesure d'assurer lui-même ce service. Il revient néanmoins à l'État d'accompagner les communes dans la mise en oeuvre du service d'accueil. Une première série de garanties a été apportée à l'occasion de l'examen du texte.

Il a indiqué que les amendements adoptés, à l'initiative de la commission des affaires culturelles du Sénat :

- s'efforçaient de régler la question du personnel nécessaire pour la mise en oeuvre de ce service en prévoyant que les communes constituent par avance comme un vivier de personnels capables d'accueillir des enfants ;

- donnaient des garanties financières aux communes en prévoyant que l'État leur verserait 110 euros par groupe de 15 enfants accueillis et que, en toute hypothèse, la somme qui leur serait versée ne pourrait être inférieure à 200 euros ;

- allégeaient les risques juridiques pesant sur les communes, en prévoyant que l'État, et non les communes, serait responsable devant les juridictions administratives en cas d'accident ;

- redéfinissaient le seuil de déclenchement du service d'accueil, en posant le principe d'un seuil calculé école par école et non plus commune par commune, et en portant ce seuil, à l'issue des travaux de la CMP, à 25 % de grévistes déclarés dans une école.

a ensuite jugé qu'il n'y aurait pas grand sens à décider d'abroger, six mois après l'avoir adoptée, une loi pour des raisons de principe. Pour se déjuger, le législateur doit avoir de bonnes raisons, alors que, sur le fond, rien n'a changé et que les familles qui avaient besoin de ce service en ont toujours autant besoin.

a ensuite cherché à tirer les enseignements des grèves qui ont émaillé l'automne dernier, afin d'évaluer les difficultés pratiques qui pourraient justifier de revenir sur la loi.

Il a établi un premier constat tiré de ces tests « grandeur nature » du service d'accueil en soulignant que, dans leur très grande majorité, les communes proposaient effectivement le service. C'est ainsi que, dans l'académie de Versailles, 95 % des communes le proposaient le 20 novembre dernier ; dans l'académie de Créteil, elles étaient 80 % ; dans l'académie de Rouen, ce pourcentage s'élevait à 97 % ; dans l'académie d'Aix-Marseille, il était de 92 %, et de 90 % dans l'académie de Strasbourg.

Poursuivant sa démonstration, il a noté qu'un deuxième enseignement pouvait être tiré des grèves de l'automne dernier. Parmi les communes, certaines n'arrivent pas réellement à mettre en oeuvre le service d'accueil tandis que d'autres ont décidé qu'elles n'y arriveront pas.

Il a précisé que les premières avaient été généralement confrontées à des difficultés liées aux personnels nécessaires pour la mise en oeuvre du service. Ne disposant pas de fonctionnaires communaux qualifiés, elles avaient lancé un appel à candidatures qui s'était révélé infructueux. Il a fait également part des interrogations des communes sur les modalités pratiques de rémunération de ces personnels.

Il a estimé que, sur ce point, l'accompagnement de l'État avait été défaillant : les inspecteurs de l'éducation nationale comme les membres du corps préfectoral auraient dû apporter ces réponses au cas par cas en cherchant à simplifier la tâche aux communes. Pour ce faire, ils auraient dû rencontrer systématiquement les associations locales de maires et répondre aux questions qui leur étaient posées à cette occasion.

Il a cependant indiqué que ces obstacles n'avaient pas empêché un nombre très important de petites communes de mettre en oeuvre le service.

a ensuite mentionné une seconde catégorie de communes ayant décidé, en toute connaissance de cause, de ne pas mettre en oeuvre le service. Il a considéré qu'une telle décision politique était, sur le fond, des plus discutables.

Il a relevé que, dans les communes en question, deux ordres d'arguments avaient été invoqués :

- des arguments de principe, qui ne sont pas acceptables dès lors que le Parlement a statué et que le Conseil constitutionnel a déclaré la loi conforme à la Constitution ;

- des arguments pratiques, mais qui sont manifestement infondés.

Il a cité un exemple particulièrement frappant, celui de la ville de Paris. Il a indiqué que, dans un premier temps, son maire avait choisi, par esprit républicain, d'appliquer une loi qu'il désapprouvait, et que, de fait, il avait été confronté à une forme de détournement du droit de grève des enseignants puisque ces derniers avaient déclaré massivement leur intention de faire grève avant de se raviser à la dernière minute. La mairie avait donc mobilisé trop de personnel au regard du nombre d'enfants finalement à accueillir.

Il a fait observer que, dans un second temps, la mairie de Paris avait expliqué que le trop faible taux d'encadrement des élèves risquait de les mettre en danger et avait décidé de suspendre l'application du service d'accueil. Ce second argument n'est pas le plus cohérent, puisque la mairie s'était plainte, dans un premier temps, de l'excès de personnel qu'elle avait réussi à mobiliser effectivement. De plus, la mairie de Paris dispose de tous les personnels nécessaires dans ses Centres de loisirs sans hébergement (CLSH) et est plutôt parvenue facilement à les mobiliser. De manière générale, il est plus facile pour les grandes villes de mettre en place le service d'accueil, car elles disposent déjà des moyens humains nécessaires, à l'exemple de Marseille où le service avait été mis en oeuvre dans de bonnes conditions.

Il a relevé que ce constat était confirmé par l'étude des décisions rendues par les tribunaux administratifs lorsque ces derniers avaient été saisis par les préfets. Deux types de décisions ont en effet été rendus :

- l'immense majorité des arrêts suspend les décisions de refus des communes et leur enjoint, le cas échéant sous astreinte, de proposer le service d'accueil à l'avenir. Ce fut notamment le cas pour les villes de Paris, de Toulouse ou de Montpellier ;

- quelques rares arrêts ont constaté l'impossibilité matérielle, pour les maires concernés, de mettre en oeuvre le service et n'ont donc prononcé ni suspension ni astreinte.

a fait observer que l'ensemble des informations dont il disposait étaient donc cohérentes : sur les deux catégories de communes, seule l'une d'entre elles était confrontée à de véritables difficultés d'application. S'appuyant sur ce constat, il a salué les mesures annoncées par le Président de la République, lors du salon des maires, le 27 novembre dernier.

Approuvant la nécessité d'apaiser les conflits, mais aussi pour des raisons de bon sens, il a recommandé le retrait des recours à l'endroit de tous les maires qui n'avaient pas réussi à mettre en oeuvre le service d'accueil pour des raisons pratiques. Une instruction commune de M. Xavier Darcos et de Mme Michèle Alliot-Marie a été adressée en ce sens à tous les préfets, le 22 décembre dernier. Ces derniers n'ayant pas toujours fait preuve de tout le discernement nécessaire, cette première décision était indispensable et a recueilli le soutien de l'AMF.

Il a précisé que cette suspension des recours ne concernait, toutefois, que les seules communes qui n'avaient pas pris de délibérations refusant par principe d'appliquer la loi ou déclarant leur intention de ne plus l'appliquer.

Il a affirmé que l'État devait jouer tout son rôle en accompagnant les communes dans l'exercice d'une nouvelle compétence qui leur était confiée en raison de l'impossibilité, pour lui, de l'assurer lui-même.

Il a mentionné les principales remarques qu'il avait eu l'occasion d'adresser aux ministères concernés, à savoir :

- que les préfets, sous-préfets et inspecteurs de l'éducation nationale concernés se devaient de faire le travail de pédagogie nécessaire auprès des maires, en venant à leur rencontre et en répondant systématiquement à chacune de leurs questions pratiques ;

 - qu'il fallait réfléchir à l'implication éventuelle des centres de gestion de la fonction publique territoriale dans la mise en oeuvre pratique du dispositif afin, par exemple, d'adresser aux communes les formulaires nécessaires à l'embauche et au paiement des contractuels qu'elles recrutent pour la mise en oeuvre du service ;

- que les services de l'éducation nationale devaient s'impliquer plus avant dans la constitution des « listes-viviers », comme il l'avait proposé lors de l'examen du texte.

Il a observé que le ministère de l'éducation nationale s'était déclaré prêt à intégrer ces recommandations dans l'instruction qu'il se préparait à envoyer aux inspecteurs de l'éducation nationale.

Par ailleurs, il a souligné que le ministère de l'éducation nationale lui avait d'ores et déjà indiqué que, le 2 décembre dernier, au cours d'une réunion entre le ministre de l'éducation nationale et le président de l'AMF, il avait été acté :

- que les services de l'État allaient s'efforcer de simplifier la mise en oeuvre pratique du droit d'accueil en communiquant aux communes, en temps réel, le taux de grévistes déclarés afin de permettre aux maires d'avoir, trois ou quatre jours avant le conflit, une première idée des effectifs d'élèves à accueillir ;

- que, de la même manière, les services de l'éducation nationale allaient demander aux familles d'indiquer quelques jours à l'avance si elles souhaitaient bénéficier du service ce qui, là encore permettrait aux maires d'avoir une première approximation du nombre d'élèves à accueillir ;

- qu'enfin, le ministère allait proposer aux communes qui le souhaitent, d'avoir recours aux services de contractuels intervenant régulièrement dans les écoles pour constituer leur vivier de personnels ainsi qu'à des membres des associations familiales ou de parents d'élèves, sous réserve, bien entendu, que les personnes concernées acceptent.

a salué l'annonce de toutes ces mesures, qui devraient permettre d'aplanir une large partie des difficultés que rencontraient les communes.

Pour conclure, il a déclaré que la tâche des communes serait facilitée par l'intégration des propositions qu'il avait faites au ministère de l'éducation nationale dans l'instruction adressée aux inspecteurs de l'éducation nationale. Soulignant que les maires attendaient en effet un soutien de la part de l'État, il a déploré que celui-ci ne le leur ait pas apporté plus tôt.

Après avoir réaffirmé que ces difficultés d'application ne témoignaient pas d'un vice de la loi, mais plutôt d'un effort de pédagogie insuffisant, voire lacunaire, il a proposé de rejeter la proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire et d'interroger en séance publique le ministre de l'éducation nationale sur les mesures qu'il compte prendre pour simplifier la tâche aux élus locaux.

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