Intervention de Roland Courteau

Commission des affaires économiques — Réunion du 29 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « développement et régulation économiques » et articles 44 à 47 rattachés - examen du rapport pour avis

Photo de Roland CourteauRoland Courteau, rapporteur pour avis :

Puis M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a abordé le secteur du commerce extérieur, en soulignant, à titre liminaire qu'il avait choisi un thème différent de l'énergie cette année, estimant qu'un rapporteur pour avis sur une mission budgétaire aussi vaste que le « Développement et régulation économiques » ne pouvait ignorer la diversité des actions financées par cette mission. Il a ensuite fait part de sa préoccupation face à l'aggravation du déficit commercial en 2005 tout en s'interrogeant sur la pertinence et l'efficacité des politiques gouvernementales mises en oeuvre pour y répondre.

Constatant que le déficit commercial avait triplé entre 2004 et 2005, passant de 8 milliards d'euros à 26 milliards d'euros, il a souligné que ce déficit était intervenu après une période continue d'excédents commerciaux depuis 1992. Il a ajouté, en outre, que le solde des échanges de produits manufacturés était devenu déficitaire de plus de 4 milliards d'euros, pour la première fois, ce qui ne s'était produit, sur les trente dernières années, qu'entre 1987 et 1992.

Mettant l'accent sur le fait que le déficit commercial n'avait pas été compensé par l'excédent des échanges des services, qui s'élève cette année à un peu moins de 8 milliards d'euros, en raison notamment du ralentissement du tourisme, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a observé que le solde des échanges de biens et de services en prix constants était devenu déficitaire en 2005 (- 12 milliards d'euros), et ce pour la première fois depuis 1991.

Après avoir souligné l'aspect paradoxal de la contre-performance des exportations de la France en 2005, dans un contexte d'appréciation du dollar depuis un peu plus d'un an et de croissance de la demande mondiale, il a exposé les différentes causes de l'aggravation du déficit du commerce extérieur.

En premier lieu, constatant que la hausse des prix du pétrole, qui avait augmenté notre facture énergétique de 10 milliards d'euros, représentait la moitié de l'aggravation du déficit commercial, mais que la flambée des cours pétroliers n'avait pas compromis la vigueur du commerce international, il a regretté que les exportations françaises n'aient pas tiré parti de cette croissance en 2005, à la différence des entreprises allemandes.

Il a alors comparé les performances des deux pays, en faisant valoir que, bien que le déficit énergétique eût augmenté, à partir de 2001, à peu près du même montant en Allemagne et en France, les évolutions des balances commerciales avaient divergé. Observant qu'entre 2001 et 2005, les exportations allemandes avaient progressé plus vite que les importations, et ce à un rythme plus soutenu que celui du commerce mondial, il a déploré que les exportations françaises aient stagné durant cette période et que la balance commerciale française soit devenue déficitaire au début de 2004. Tout en se félicitant du succès d'Airbus en 2005, dont les ventes ont rejoint leur maximum historique de 2001 avec 212 appareils, contre 184 en 2004, il s'est inquiété à l'inverse du rythme de progression des exportations françaises, moitié moins élevé que celui de l'augmentation des importations.

a poursuivi son analyse des évolutions divergentes, hors facteur énergétique, des soldes commerciaux français et allemand, en invoquant l'orientation géographique du commerce extérieur de la France vers la zone euro qui a été marquée par une plus faible croissance que celle de la zone hors euro. La France n'a donc pas pu bénéficier pleinement de la demande mondiale, a-t-il ajouté.

Mentionnant ensuite la spécialisation sectorielle de la France, il en a conclu que celle-ci n'avait pas permis à la France de répondre autant que l'Allemagne à la demande mondiale. Inversement, il a relevé que le dynamisme des dépenses de consommation des ménages français, observé ces deux dernières années, avait alimenté les importations, la demande intérieure privilégiant soit les marchandises à fort contenu de main-d'oeuvre, telles que les vêtements, soit les produits de nouvelles technologies, majoritairement importés.

Enfin, il a jugé qu'en dépit de la récente stabilisation de l'euro en 2005, les deux années d'appréciation de celui-ci avaient considérablement réduit la compétitivité des produits français.

Constatant néanmoins que ces raisons macro-économiques n'expliquaient la contre-performance française que de manière très partielle, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a cité le rapport du Conseil d'analyse économique (CAE), publié le 15 novembre 2006, sur l'« Evolution récente du commerce extérieur français » qui identifiait d'autres facteurs explicatifs, d'ordre micro-économique. Il a ainsi mentionné, en premier lieu, la faible réactivité des exportateurs français face aux évolutions des marchés extérieurs, les exportations françaises augmentant au rythme de la demande alors que celles des concurrents allemands augmentent près de deux fois plus vite, a-t-il fait remarquer.

Il a, en second lieu, ajouté que le tissu industriel français était peu adapté aux conquêtes des marchés lointains, la variation des exportations dépendant largement de la variation du nombre d'entreprises exportatrices. Or, a-t-il précisé, les entreprises qui exportent se distinguent par une taille plus grande et une productivité plus forte. Il a d'ailleurs rapporté que certaines PME lui avaient indiqué leur manque de professionnalisme à l'export, en l'absence de services dédiés à cette activité, services dont ne disposent que les grandes entreprises.

Abordant le marché du vin, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a relevé que ce dernier, à bien des égards, illustrait de manière emblématique les carences du commerce extérieur français précitées.

Il a relevé le contexte de crise de ce secteur, en déplorant la réduction de la part de marché des vins français dans le monde, sur les dix dernières années, de 70 % à 40 % en 2005, en dépit, cependant, d'une évolution positive, en 2005, des ventes de vins mousseux contrebalançant les mauvais résultats des vins de pays et de table.

Observant que cette situation était le fruit d'une double évolution, il a souligné, en premier lieu, que les nouveaux pays exportateurs tels que l'Australie, la Californie ou l'Argentine menaçaient les positions françaises dans le monde et attiraient également la clientèle française, ainsi que l'indique l'augmentation des importations de vins en provenance des Etats-Unis (+ 13 %), d'Argentine et du Chili. La raison de leur succès réside, notamment, dans une approche marketing ciblée et concentrée sur quelques marques ainsi que dans des moyens commerciaux conséquents, a-t-il ajouté.

En second lieu, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a déploré que les efforts de restructuration de la filière du vin n'aient pas suffi à protéger celle-ci de la concurrence étrangère, alors que la taille de l'entreprise est un facteur essentiel dans la génération de marges suffisantes pour rivaliser avec ces nouveaux concurrents. La multitude d'entreprises du secteur vinicole ne peuvent exister à l'export sans mettre en commun leurs moyens, leurs compétences et leurs stratégies, et sans proposer ensemble des volumes conséquents.

Puis il a insisté sur l'importance des répercussions des performances françaises à l'export sur le marché, les cours et les stocks, et donc sur la santé de l'ensemble de la filière viticole française, en raison de l'importance du volume d'exportation qui représente un tiers de la production de vins. A ce titre, il a rappelé que le Gouvernement avait annoncé en mars 2006 un plan de 12 millions d'euros pour stimuler les ventes de vins français à l'étranger, mais il a fait observer que ce montant de soutien public au secteur vinicole était sans commune mesure avec celui consenti dans divers pays concurrents.

Examinant la pertinence et l'efficience de la politique gouvernementale face à cette détérioration du solde commercial, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé l'existence des nombreux instruments destinés à soutenir les entreprises françaises à l'export, tels que les crédits d'impôt, les assurances à l'exportation, les aides à la prospection des marchés, soulignant néanmoins que cette multiplicité constituait une source de complexité pour les entreprises.

Il a ensuite évoqué le plan de soutien aux exportations vers 25 pays cibles, engagé depuis deux ans, pour rendre les exportations françaises moins tributaires du ralentissement de la demande européenne, en précisant que ce plan avait pour objet d'inciter les entreprises à renforcer leur présence sur les marchés lointains et dans les pays à fort potentiel grâce à un plan d'action commerciale, pour chaque pays cible, qui devrait, à terme, accentuer la présence française dans les pays émergents à forte croissance.

Faisant observer que des plans d'action sectoriels avaient aussi été mis en place pour renforcer le positionnement de la France sur les secteurs les plus dynamiques, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a relevé qu'en ce domaine, la configuration du commerce français était déjà assez porteuse puisque près de 40 % des exportations françaises intervenaient dans des secteurs dans lesquels la France détenait des avantages comparatifs, et qui, de surcroît, étaient en progression dans le commerce mondial. Il a illustré son propos en citant les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique et de l'espace, des matériels de télécommunications et des produits pharmaceutiques. Il a néanmoins convenu que la France était peu présente sur le secteur de moyenne technologie des biens d'équipement -équipement électroménager, matériel audio, télévisuel et informatique-, alors que ce secteur avait constitué un avantage certain pour les exportations allemandes dans un contexte de forte demande, sous l'effet de l'industrialisation de certains pays émergents et du redressement de l'investissement dans les économies développées.

a conclu que ces actions ne semblaient pas avoir enrayé la dégradation du solde commercial, et a déclaré partager les préconisations du Conseil d'analyse économique, en vue de réorienter le soutien public à l'export vers le niveau micro-économique.

En premier lieu, il a souhaité que soit accrue la variété des produits français à l'export et leur positionnement haut de gamme, ajoutant qu'un tel objectif exigeait notamment de soutenir l'innovation pour élargir le spectre des produits compétitifs et favoriser l'accroissement du nombre des entreprises exportatrices.

Il s'est ensuite déclaré favorable à une démarche accompagnant les entreprises pour leur permettre d'atteindre la taille critique qui puisse dynamiser leur capacité exportatrice, relevant que le handicap de la France ne portait pas sur le nombre de créations d'entreprises, ni leur taux de survie, mais sur l'absence de croissance des entreprises nouvelles, liée à l'insuffisance de leur financement. Les banques françaises, a-t-il relevé, rechignent à prêter aux jeunes entreprises, même à des taux élevés pour rémunérer le risque pris.

En conclusion, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur les limites de sa politique à l'exportation, alors même qu'un milliard d'euros d'exportations représente 13.000 emplois, et a déclaré qu'à titre personnel, il voterait contre les crédits de la mission.

Il a ensuite présenté l'article 46 du projet de loi de finances pour 2007, qui prévoit, pour des raisons de technique financière, l'augmentation du taux des taxes affectées à quatre des cinq centres techniques industriels (CTI) de la mécanique, ces centres, créés par une loi de 1948, ayant pour objet de promouvoir le progrès des techniques et de participer à l'amélioration de la qualité dans l'industrie.

Relevant que leur financement public, assuré auparavant par des taxes parafiscales supprimées par la LOLF, puis désormais par des dotations budgétaires éventuellement complétées par des taxes affectées, versées par les fabricants de produits des secteurs d'activités concernés, il a constaté que la hausse du taux de la taxe affectée proposée compensait la baisse progressive de la dotation budgétaire, appelée à diminuer d'un quart chaque année de 2005 à 2008.

Il a proposé d'adopter cet article sans modification.

Puis il a présenté les articles 46 bis à 46 quater, introduits en première lecture par l'Assemblée nationale visant à étendre l'assiette de taxes affectées à des CTI, en indiquant que l'article 46 bis assujettissait les fabricants du secteur des industries du bois à la taxe pour le développement des industries de l'ameublement, afin que la profession soit dotée de moyens supplémentaires, notamment en vue d'aider l'industrie de l'ameublement à mieux exporter.

Soulignant qu'un tel dispositif existait déjà pour d'autres professions comme le textile où il avait pu démontrer son efficacité, il a proposé d'adopter cet article sans modification.

Il a indiqué que l'article 46 ter procédait de même pour le secteur des arts de la table, en le soumettant à la taxe affectée au comité professionnel de développement de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie.

Relevant que ce secteur était confronté depuis quelques années à des difficultés majeures, liées au fort développement des importations en provenance des pays à bas coût de main-d'oeuvre et également à l'évolution des modes de vie, il a proposé d'adopter cet article sans modification.

Puis il a présenté l'article 46 quater qu'avait introduit l'Assemblée nationale, contre l'avis de la commission des finances hostile à l'accroissement des prélèvements obligatoires sur les industriels concernés, mais avec l'avis favorable du Gouvernement, et qui rend les fabricants et importateurs de produits de roche ornementale redevables d'une taxe s'élevant à 0,2 % du chiffre d'affaires hors taxe, déjà applicable au secteur des matériaux de construction en béton et terre cuite.

Il a précisé que dans le secteur des roches ornementales, les industriels étaient divisés sur l'opportunité du dispositif, ce qui avait conduit le ministre de l'industrie à annoncer que cette cotisation resterait volontaire, puis il a proposé d'adopter cet article sans modification.

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