Intervention de Pierre Page

Commission des affaires économiques — Réunion du 29 novembre 2006 : 1ère réunion
Services et délocalisations — Audition de M. Pierre Page président de teknosoft

Pierre Page :

a ensuite fait état des prévisions d'un rapport du cabinet McKinsey évaluant à 300 milliards de dollars le marché mondial potentiel de l'externalisation, dont aujourd'hui seuls 11 % sont exploités, essentiellement par l'Inde. Ce rapport prévoit aussi que d'ici à 2010, 110 milliards de dollars de prestations pourraient être réalisées, sur lesquels 60 milliards devraient l'être par les entreprises indiennes.

Au regard de ces perspectives de croissance, il a rappelé que les 700.000 informaticiens indiens directement employés dans le cadre de ces activités (le nombre d'emplois indirects concernés s'élevant à 2.500.000) ne représentaient guère plus que les 670.000 ingénieurs et techniciens en informatique employés en France. De même, il a fait valoir que les 30 milliards de chiffre d'affaires de volume d'activités liées à l'externalisation ne représentaient que 2 % du chiffre d'affaires actuel des sociétés de service et d'ingénierie informatiques (SSII) françaises.

Afin d'expliquer la place centrale de l'Inde dans les flux d'externalisation, il a fait état d'autres résultats de l'étude de Mac Kinsey selon lesquels ce pays présenterait, de très loin, le meilleur rapport entre le niveau de compétences des employés et l'attrait du lieu, notamment en termes de sécurité.

Il a indiqué que cette spécialisation du pays en informatique découlait de choix stratégiques effectués dans les années 1970 et 1980 visant à valoriser le haut niveau du système de formation hérité de la Grande-Bretagne et à privilégier une activité ne nécessitant pas d'investissements lourds.

Il a ensuite fait état de la question de savoir qui, des entreprises indiennes ou de leurs clients, tirait le principal avantage de ces mouvements d'externalisation. Il a notamment indiqué que, dans l'intérêt des donneurs d'ordre, on assistait à une évolution consistant à créer des « sociétés captives virtuelles ». Il a précisé que cela consistait, pour les entreprises clientes européennes ou américaines, à demander à un prestataire indien de créer une société « sur-mesure » ayant éventuellement vocation à travailler ensuite pour d'autres clients.

a poursuivi son exposé en présentant les contraintes et les avantages des différents intervenants des processus d'externalisation.

S'agissant des prestataires indiens, il a fait valoir que si, dans les activités strictement informatiques (de « offshore IT »), l'objectif essentiel était la recherche de nouveaux clients, en revanche, la principale difficulté rencontrée dans l'externalisation des processus d'entreprise (de « business process outsourcing ») résidait dans la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée capable de dépasser la seule technique informatique et de comprendre le secteur d'activité du client.

Concernant les donneurs d'ordres, il a mis en avant l'existence de trois types de motivations, à savoir la diminution des coûts, le risque qui s'attache à la création de structures internes qui risqueraient d'être ensuite sous-utilisées et enfin, dans le cas de la Suisse, l'absence de ressources humaines locales permettant de couvrir les besoins.

A titre d'illustration, il a cité la règle des trois fois 70, pratiquée par General Electric, qui vise à ce que :

- 70 % des services informatiques soient externalisés ;

- 70 % de ces 70 % soient attribués à des fournisseurs « offshore » ;

- et que 70 % des services informatiques attribués à des fournisseurs offshore soient effectivement traités en offshore, ces derniers chiffres étant progressivement passés à 80 %.

Il a toutefois nuancé l'importance des transferts de revenus occasionnés par l'externalisation, en précisant que, dans le cas américain, 67 % des dépenses réservées aux travaux externalisés se faisaient en réalité aux Etats-Unis et qu'ainsi la création totale de valeur pour l'économie américaine à l'occasion de ces opérations représentait 12 à 14 % de la dépense externalisée. Il a toutefois précisé que ces bénéfices macroéconomiques pouvaient s'accompagner de pertes d'emplois dans certaines entreprises dont les activités avaient été externalisées vers un pays à bas salaires, ce qui ne manquait pas de poser des problèmes politiques.

Il a ensuite pris l'exemple du Crédit Suisse pour montrer comment l'externalisation pouvait être pleinement intégrée dans la stratégie de développement de l'entreprise, notamment en permettant au donneur d'ordre de ne pas perdre le contrôle de ses projets. Pour ce faire, il a précisé que le Crédit Suisse avait fixé lui-même des taux d'externalisation de ses projets informatiques et posé le principe de la non-venue en Suisse des équipes indiennes.

Toujours en prenant l'exemple de la Suisse, il a indiqué que le fait de recourir à l'externalisation n'était pas incompatible avec une bonne tenue du commerce extérieur, tant un pays comme l'Inde connaissait lui-même une très forte croissance de la demande. Il a ainsi rappelé qu'à la différence de la France, la Suisse bénéficiait d'un commerce extérieur excédentaire avec l'Inde, et ce même sans prendre en compte les exportations d'or en lingots.

Puis, après avoir présenté les grandes entreprises françaises clientes de Teknosoft, M. Pierre Page a pris quelques exemples en particulier, tel que celui du système « Quartz » qui a permis à la Société générale de regrouper sur son seul site parisien une activité précédemment répartie entre sept équipes intervenant dans différents pays.

Il a aussi évoqué les opérations réalisées avec la BNP Paribas Securities Services (BPSS), filiale de BNP Paribas et leader européen de l'activité de garde des titres en dépôt et surtout le projet développé avec EADS.

S'agissant de cette dernière entreprise, il a fait valoir que le centre de technologie d'EADS, ouvert en Inde en 2006, avait vocation à devenir un véritable campus rassemblant plusieurs filiales du groupe et leurs partenaires indiens. Il a précisé que ce centre devrait représenter un investissement global de 2 milliards d'euros sur 15 ans et concernait d'ores et déjà des projets très divers, dont la mise au point d'hélicoptères, de moteurs ou de systèmes embarqués.

A titre de comparaison, il a cité le cas de la fabrication du Boeing 787 Dreamliner, dont 70 % sont réalisés hors des Etats-Unis (contre 60 % réalisés hors d'Europe pour son équivalent direct, l'Airbus A 350), ce qui donne lieu à la mise en place d'une véritable usine virtuelle répartie sur les cinq continents.

Puis M. Pierre Page a évoqué les défis que l'Inde devait relever pour atteindre son objectif de 60 milliards de dollars de chiffre d'affaires d'activités externalisées en 2010, considérant que cela exigeait d'agir en vue de :

- la progression des ressources humaines tant du point de vue quantitatif (l'Inde devra former 500.000 diplômés supplémentaires en informatique d'ici à 2010 pour maintenir sa position) qu'en termes de qualification et d'employabilité des informaticiens indiens ;

- la réduction de 20 à 30 % des coûts d'exploitation, de façon à compenser l'impact de l'inflation salariale ;

- l'amélioration de l'adaptation aux besoins des consommateurs, en particulier dans l'appréhension des processus des entreprises clientes ;

- le renforcement des infrastructures urbaines ainsi que des infrastructures de travail.

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