Après avoir souligné la qualité des interventions et en particulier la hauteur de vue et la responsabilité dont ont fait preuve les commissaires du groupe socialiste, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a confirmé que des leçons sont bien à tirer de cette épidémie, même s'il faut se garder d'élaborer un modèle de réponse à un type de crise et espérer pouvoir l'adapter aux cas ultérieurs. Une de ces leçons est la difficulté d'informer convenablement le public dans un monde où coexistent des sources et des formes d'informations multiples, contradictoires, plus ou moins fiables, entre lesquelles il est difficile de faire le tri. Si l'on doit considérer que l'information des élus avait été plus complète sur la grippe aviaire que sur la grippe A, la situation n'est pas comparable puisqu'il n'y a pas eu d'épidémie de grippe aviaire : il est beaucoup plus facile d'informer quand on n'est pas confronté à la réalité d'une crise et à la nécessité d'amener les uns et les autres à prendre des décisions opérationnelles, tout en faisant face à des polémiques.
Il lui paraît difficile de soutenir que les médecins n'ont pas eu accès à une information de qualité, que ce soit sur le site du ministère, à travers la presse médicale, qui a publié des articles de qualité, les courriers envoyés par le ministère, les nombreuses réunions d'information organisée par les préfets. Les médecins qui le souhaitaient ont donc eu tous les moyens d'être informés.
La méfiance à l'égard de la vaccination n'est pas un phénomène nouveau en France. On pourrait au contraire considérer que la pandémie grippale a permis des progrès par rapport à la situation préexistante, y compris au sein des professions de santé : au début de la campagne, moins de 20 % des professionnels de santé déclaraient vouloir se faire vacciner ; aujourd'hui, 60 % des personnels hospitaliers le sont, et jusqu'à 100 % dans les services de réanimation ou ceux qui accueillent des personnes atteintes de maladies infectieuses. De même, 50 % des médecins libéraux ne voulaient pas entendre parler de vaccination, y compris pour leurs malades, et redoutaient d'être chargés d'assurer cette vaccination ; ils demandent aujourd'hui à l'être. Quant au taux national de vaccination H1N1 de la population, voisin de 10 %, il est un des plus importants de ceux des pays comparables, mis à part le Canada et la Suède, qui ont dépassé le taux de 50 %. Ces deux exemples sont d'ailleurs très intéressants car ils sont totalement différents :
- le Canada a fait un choix comparable à celui de la France, avec cette différence qu'il est uniquement fondé sur la vaccination collective et qu'il n'est pas prévu de passer progressivement à la vaccination en ambulatoire. L'excellent résultat obtenu tient sans doute à la présence du Sras au Canada et à certains cas particulièrement aigus de grippe A (H1N1) qui ont suscité l'inquiétude et incité à la vaccination ;
- le système suédois est diamétralement opposé. Il est fondé sur la vaccination en ambulatoire mais selon des modalités propres puisqu'elle s'exerce dans un millier de centres pluridisciplinaires, rassemblant médecins et infirmières dans le cadre d'un régime de salariat. Sans ouvrir le débat sur la médecine libérale, l'exemple suédois démontre que pour répondre à une grande crise épidémique, on peut s'appuyer efficacement sur une médecine ambulatoire quasi étatisée. La médecine libérale paraît moins adaptée à la conduite d'une politique de santé globale ou d'une opération de vaccination générale.
Sur ce point, il n'y a jamais eu de volonté d'écarter les médecins libéraux de la campagne de vaccination. Le choix d'un système évolutif, en assurant dans une première phase la vaccination dans des centres, a répondu à des raisons logistiques. Les premières livraisons de vaccins ont été faites par unités de 500 doses, soit cinquante boîtes de dix doses non déconditionnables, et elles représentaient au total six millions de doses. S'il avait fallu fournir au moins 500 doses à quelque 60 000 médecins - généralistes, pédiatres, le cas échéant pneumologues ou cardiologues - il aurait fallu disposer d'emblée d'au moins trente millions de doses. On fait valoir que la Belgique a organisé un déconditionnement chez les grossistes mais c'est une dérogation aux règles de sécurité pharmaceutique dont il aurait été impossible de prendre le risque en France. En effet, les grossistes ne disposent pas des laboratoires réfrigérés, des personnels et des équipements nécessaires pour procéder à de telles opérations.
En outre, on savait que le pic de l'épidémie interviendrait à un moment où les médecins seraient surchargés. Il n'était donc pas envisageable de leur imposer la tâche supplémentaire d'organiser la vaccination. En revanche, ils ont pu vacciner dans les centres, où les tâches logistiques, organisationnelles et administratives étaient assurées par des personnels non médecins.
Désormais, la vaccination en ambulatoire va pouvoir être développée, notamment grâce aux six millions de vaccins monodoses qui n'ont été livrés qu'à la fin de décembre. On constate cependant que les médecins s'inquiètent des aspects logistiques et administratifs de la vaccination, c'est-à-dire précisément des inconvénients que la vaccination en centres collectifs avait pour objet de leur épargner.
On arrive cependant à une organisation équilibrée associant les hôpitaux, où sont accueillis les malades les plus atteints, et un système de vaccination actuellement mixte, les centres devant passer prochainement le relais aux médecins. La question cruciale de l'approvisionnement des cabinets médicaux devrait être réglée quand, sans doute très vite, les vaccins seront mis à la disposition des médecins dans les 22 000 officines pharmaceutiques.
Il est exact que l'utilisation de conditionnements multidoses occasionne une perte d'à peu près 10 % du produit : avec 94 millions de doses en conditionnements de ce type, on ne peut faire que 85 millions d'injections. Ce problème n'existe en revanche naturellement pas avec le conditionnement monodose.
L'organisation des centres de vaccination a pu présenter quelques difficultés d'adaptation mais il faut souligner que l'on n'avait jamais mené une opération d'une telle ampleur et qu'au surplus, la fréquentation des centres est passée en une semaine de 10 000 à 250 000 personnes par jour. Il est donc tout à fait remarquable que ces difficultés aient été surmontées en cinq ou six jours. Le mérite en revient aux personnels de la fonction publique, qu'il faut remercier d'avoir fait preuve d'une grande réactivité et d'avoir travaillé sans compter pour monter un système qui a permis de vacciner six millions de personnes, en particulier les plus fragiles.