Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur la gestion de la pandémie grippale H1N1.
A titre liminaire, elle a précisé que la campagne de vaccination nationale se poursuivra jusqu'en septembre, mais sous d'autres formes puisqu'il est désormais logistiquement possible de développer la vaccination dans les cabinets libéraux.
Le risque demeure en effet, pour les personnes non encore vaccinées, d'être contaminées par un virus qui, une fois sur 5 000, peut être à l'origine d'une forme très grave de la maladie, voire d'un décès. On a déjà constaté plus de 1 220 cas graves et 263 décès, et l'évolution de l'épidémie reste imprévisible. Trois scénarios sont possibles à ce jour : l'extinction pure et simple de l'épidémie après le pic de la fin 2009 ; la survenance d'un second pic précoce au début de cette année, qui pourrait être moins important que le premier, notamment parce que près de six millions de Français ont déjà été vaccinés ; la survenance d'un second pic tardif à l'automne prochain, avec la possibilité que le virus ait muté. Quoi qu'il en soit, la grippe reviendra probablement sous une forme ou une autre, avec plus ou moins de virulence et la raison commande de se faire vacciner, ce qui est un acte de prévention simple et efficace. L'heure n'est pas à la démobilisation et c'est aux résultats, en septembre, que l'on pourra juger la politique de prévention qui a été mise en place.
Revenant sur le contexte des premiers mois de la pandémie, elle a rappelé que l'alerte a été donnée le 24 avril par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, le 29 avril, a annoncé le passage à la phase 5 attestant de l'extension géographique de la circulation interhumaine du nouveau virus. Le 30 avril, le Premier ministre a donc décidé d'activer le niveau 5 A du plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale.
A cette date, très peu d'éléments étaient disponibles sur la virulence de ce nouveau virus et sur sa mortalité potentielle, mais la situation du Mexique, puis d'autres pays d'Amérique latine, était très préoccupante et l'on redoutait déjà une atteinte particulière des sujets jeunes, voire des enfants. Le 11 juin, l'état de pandémie a été déclaré par l'OMS avec le passage en phase 6.
C'est dans ce contexte, et alors que l'on ignorait la date à laquelle le virus atteindrait la France, qu'ont été prises les décisions relatives aux commandes de vaccins.
Souhaitant replacer l'éthique au coeur du débat, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a noté qu'au printemps 2009, tous les spécialistes recommandaient la vaccination, à l'exception du professeur Marc Gentilini qui, à partir d'une analyse mondiale, critiquait non pas le principe de la vaccination mais les moyens à lui affecter.
Trois stratégies vaccinales ont été mises en oeuvre à travers le monde : la Pologne, par exemple, a souverainement décidé de ne pas vacciner sa population ; une deuxième catégorie de pays a choisi de proposer la vaccination à une partie seulement de la population : l'Allemagne, l'Italie ou encore l'Espagne ; enfin, une troisième catégorie, dans laquelle se range la France, aux côtés de la Suède, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et du Canada, a opté pour un dispositif permettant d'assurer une protection à toute la population.
Le Royaume-Uni avait commandé 130 millions de doses, soit 2,1 par habitant, le Canada 51 millions de doses, soit 1,55 par habitant et les Etats-Unis voulaient commander 600 millions de doses, ce qui excédait la capacité de production des laboratoires. La commande par la France de 94 millions de doses, soit 1,46 dose par habitant, n'avait donc rien d'extravagant. Après résiliation, cette commande est ramenée à 44 millions de doses, soit 0,68 dose par habitant.
Les contrats d'acquisition des vaccins ont été négociés âprement et leur résiliation le sera dans le même souci des intérêts de la collectivité nationale.
Au niveau national, les meilleurs spécialistes ont participé à cette négociation. Outre l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), en charge de la passation des contrats, elle a été conduite avec le concours des experts de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et du président du comité économique des produits de santé (CEPS), Noël Renaudin.
Au niveau européen, le refus commun opposé par les Etats membres, à l'initiative de la France, à la demande initiale des industriels de faire supporter par les Etats la responsabilité du fait d'éventuels produits défectueux a permis d'aboutir à un partage équilibré des responsabilités, ce qui n'a pas été le cas, par exemple, aux Etats-Unis. La responsabilité assumée par l'Etat est celle des dommages résultant des effets secondaires liés à une vaccination réalisée dans le cadre de la campagne qu'il conduit. Il est, en revanche, regrettable de n'avoir pu susciter une stratégie d'achats mutualisée et coordonnée : le désordre européen dans le processus global de négociation a finalement coûté cher. Les laboratoires ont négocié avec chaque Etat et les Etats ne donnaient pas d'information à leurs partenaires, même si des contacts fructueux mais trop ponctuels ont pu avoir lieu avec certains ministres européens. En l'absence de position commune ou d'achats mutualisés, les pays de l'Union européenne n'ont pas eu de stratégie coordonnée, d'autant que les laboratoires ont fait valoir que la rapidité de la transaction était une des garanties de la rapidité relative des livraisons.
a ensuite rappelé les fondements du choix effectué par le gouvernement français, qui est d'abord un choix éthique, déterminé par l'attachement aux valeurs d'égalité et de solidarité.
Selon l'avis n° 106, du 5 février 2009, du comité consultatif national d'éthique relatif à la survenance d'une pandémie grippale, la protection était due, au titre de l'égalité, à toute la population, la priorisation de certains groupes exposés ou vulnérables étant la réponse, qui ne pouvait être que provisoire, à la contrainte de ne pas disposer tout de suite d'assez de doses de vaccin. Le choix des produits et la définition de leurs conditions d'utilisation ont été effectués suivant les indications de l'Afssaps et de l'agence européenne du médicament. Les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ont également été suivies pour déterminer une stratégie vaccinale adaptée.
Le HCSP, dans ses recommandations du 27 août 2008, avait établi que le vaccin était le meilleur moyen de protection contre la grippe en termes d'efficacité et de coût. Il apparaissait donc essentiel de disposer aussi rapidement et en quantité aussi importante que possible de vaccins afin d'assurer la couverture de la totalité de la population.
Le 26 juin 2009, le HCSP a confirmé la pertinence du recours à la vaccination contre le virus A (H1N1) et il a fait, le 7 septembre, une proposition de priorisation des populations à vacciner. Cet avis a été suivi par le Gouvernement et a guidé l'organisation de la campagne de vaccination.
Les commandes de vaccins réalisées au début de l'alerte pandémique, auprès de quatre industriels, représentaient un total de 94 millions de doses. Cette quantité correspondait, dans le cadre du schéma vaccinal à deux injections annoncé par les scientifiques et les industriels pharmaceutiques, à la protection de la population avec un taux d'attrition de l'ordre de 25 % et elle prenait en compte la probabilité qu'une injection pourrait être suffisante pour les sujets âgés de plus de soixante-cinq ans.
L'achat de 94 millions de doses correspondait donc à la prise d'un risque mesuré. Pour la couverture de 100 % de la population, une tranche conditionnelle avait été prévue avec les laboratoires Novartis et Sanofi-Pasteur. La France s'est ainsi donné les moyens d'un combat solidaire. Ce choix peut être discuté, mais il est pleinement assumé, dès lors qu'il a été fait en conscience et éclairé par l'analyse des experts.
La justice impliquait également d'appréhender la question de l'accès aux soins et d'éviter toute discrimination. Dans le souci d'évaluer, jusqu'au dernier moment, la nécessité de la campagne de vaccination, un nouvel avis a été demandé au HCSP avant son lancement. Le 2 octobre 2009, celui-ci a confirmé que l'accès à la vaccination devait être offert in fine à toute la population. Il a également souligné que, même si des travaux préliminaires témoignaient de l'efficacité d'une seule dose pour un des vaccins, il fallait envisager un schéma à deux injections.
Le schéma vaccinal à une dose restait, en effet, une hypothèse très fragile au début d'octobre. A la fin du mois, l'Afssaps soulignait encore la nécessité de disposer des résultats des essais cliniques relatifs à la stabilité dans le temps de la protection développée par le vaccin : face à un virus nouveau et imprévisible, le passage à une seule injection supposait des essais cliniques robustes. Ce n'est qu'au cours du mois de novembre que, peu à peu, les données se sont consolidées, et le 20 novembre, les autorisations de mise sur le marché ont été adaptées à un schéma vaccinal à une injection pour les adultes. Seule cette mesure, prise par l'agence européenne du médicament, permettait, en toute sécurité, de modifier nos orientations.
Evoquant les polémiques auxquelles a donné lieu la gestion de la pandémie grippale, Mme Roselyne Bachelot-Narquin s'est interrogée sur la remise en cause de l'analyse des experts, dont la vocation n'est pas d'exagérer les menaces, redoutant que l'on en arrive à ne se fier qu'à la rumeur ou à des informations fantaisistes. Dès le début de l'épidémie et tout au long de la crise, elle s'est entourée de l'avis des meilleurs spécialistes - virologues, épidémiologistes, infectiologues, neurologues, etc. - dans un souci constant de pluridisciplinarité et de collégialité, et dans celui de ne pas être « instrumentalisée » par des analyses isolées ou, pire, partisanes.
En outre, à sa demande, le Gouvernement n'est pas passé au stade 6 du plan « pandémie grippale », et le dispositif de réponse à la crise a été rééchelonné en permanence, en liaison avec le ministère de l'intérieur et parfois en se démarquant des décisions de l'OMS.
En ce qui concerne la stratégie d'utilisation des excédents potentiels, quatre options ont toujours été défendues : le don, la revente, le stockage stratégique de certains composants de vaccins et l'aménagement des contrats.
Les reventes seront sans doute peu importantes car les laboratoires, dont c'est le métier, sauront commercialiser leurs produits.
La résiliation des contrats pour les doses encore non livrées et donc non payées est un autre élément de cette stratégie. La résiliation unilatérale des contrats administratifs est une prérogative de puissance publique, que l'autorité administrative peut exercer même en l'absence d'une stipulation contractuelle expresse. Dans le cas présent, cette résiliation a pu s'appuyer sur un motif évident d'intérêt général. De plus, l'on est passé d'un schéma vaccinal à deux doses par personne à une injection unique.
Les négociations avec les laboratoires pharmaceutiques sont en cours et se poursuivent pour déterminer le niveau de la compensation qui leur sera notifiée par l'Etat. Contrairement à certaines affirmations publiées dans la presse, ces négociations ne portent absolument pas sur l'élaboration d'un quelconque schéma « partenarial » de long terme avec les laboratoires sous la forme de droits de tirages complémentaires. Il ne pourra s'agir que d'une simple indemnisation, dont le montant final n'est pas encore arrêté.
A titre de comparaison, les autorités allemandes se sont engagées à recevoir et à payer 68 % de la commande initiale, soit trente-quatre millions de doses sur les cinquante millions commandées de façon ferme.
La France a, pour sa part, résilié la commande de cinquante millions de doses de vaccins : trente-deux millions pour GlaxoSmithKline (GSK), onze millions pour Sanofi Pasteur et sept millions pour Novartis. Pour les neuf millions de doses du vaccin Humenza de Sanofi Pasteur commandées, cette résiliation a été faite sans dédit. En effet, l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce vaccin serait intervenue à une date beaucoup trop tardive. En revanche, l'autre produit commandé à cet industriel français, le vaccin Panenza, a été livré dans les temps, voire avec une légère avance. Il faut, en outre, souligner que tous les vaccins livrés, au vu des résultats connus de la pharmacovigilance, sont des produits de santé sûrs et efficaces.
Enfin, la lutte contre une pandémie grippale ne saurait se limiter à la seule vaccination. Si le nombre des décès a été, à ce jour, relativement limité, les nombreuses actions engagées ont concouru à ce résultat, tels les mesures barrière, la mise en oeuvre des mesures d'isolement, les traitements antiviraux des malades et des sujets à risque ou le développement de la vaccination anti-pneumococcique qui a bénéficié à plus de 300 000 patients, soit six fois plus que les autres années. Par ailleurs, l'observation des formes graves de grippe survenues dans l'hémisphère sud a conduit à renforcer les équipements de lutte contre les atteintes pulmonaires les plus graves : cent respirateurs très spécialisés et trente-quatre appareils d'oxygénation extra corporelle ont été acquis et répartis dans les principales unités de réanimation, et ont permis de sauver des vies.
En conclusion, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a rappelé que le choix de l'égalité, excluant la pénurie des moyens et la pratique délétère du passe-droit, a été le fondement de la politique suivie. Pour la première fois, la mise en oeuvre d'une vaccination a pu intervenir avant le pic pandémique. L'absence de recours aux centres de vaccination et l'exigence de vaccins monodoses auraient coûté deux mois de délai : la campagne de vaccination aurait alors démarré en janvier 2010 au lieu de novembre 2009, c'est-à-dire après le premier pic épidémique.
S'il n'y avait qu'une leçon à tirer des crises pandémiques récentes, c'est qu'aucune pandémie ne ressemble à une autre et que l'on ne peut reprendre, pour une nouvelle, les choix effectués pour le traitement d'une précédente. La souplesse est nécessaire, même si les choix reposeront toujours sur les mêmes principes éthiques, opérationnels et politiques.
Un débat a suivi.
Evoquant les critiques et les polémiques sur la gestion de l'épidémie grippale, M. Alain Gournac s'est demandé quelles auraient été les réactions si la France, comme la Pologne, avait choisi de ne pas vacciner sa population. S'il est aisé de se montrer critique a posteriori, la ministre a pris les bonnes décisions et s'est montrée responsable en prenant toutes les dispositions pour protéger la population, sans se limiter d'ailleurs à la vaccination. Il a déclaré apporter son entier soutien à son action et aux choix qu'elle a effectués.
a rappelé que, pour sa part, il avait au contraire, dès la première audition de la ministre par la commission, exprimé son désaccord avec son appréciation de la crise car on disposait déjà d'informations rassurantes sur l'évolution de la situation dans l'hémisphère sud.
Le Gouvernement donne l'impression d'avoir surestimé en permanence les risques liés à l'épidémie. La ministre juge que les commandes françaises de vaccins correspondent à la prise d'un risque mesuré : elles se traduisent, en fait, par des stocks démesurés. On peut donc se demander si les choix opérés par la ministre ne relèvent pas, à côté des raisons éthiques avancées et du souci de protéger la population, de celui de se protéger également elle-même, ce que l'on peut d'ailleurs tout à fait comprendre, car il est plus risqué d'être traduit devant la Cour de justice de la République que d'encourir la censure de la Cour des comptes.
Objectivement, cependant, il est clair que l'on en a fait beaucoup trop. Le HCSP a émis en juillet, avant les commandes de vaccins, des doutes sur la virulence de la pandémie et il a relevé, le 7 septembre, la létalité modérée de la grippe A (H1N1). Il est donc regrettable que le ministère ait plutôt écouté ceux qui dramatisaient la situation et évoquaient la perspective de 10 000 à 30 000 morts.
Dès le mois d'août, il apparaissait que l'épidémie était moins grave que la grippe saisonnière. Si l'on parle aujourd'hui de deuxième, voire de troisième vague de l'épidémie, n'est-ce pas simplement pour écouler les stocks de vaccins ?
Pourquoi, compte tenu de l'incertitude sur l'importance et la gravité de l'épidémie, n'avoir pas prévu de clauses optionnelles permettant de réduire, si nécessaire, les quantités de vaccins commandées ?
S'est-on seulement interrogé sur la possibilité matérielle de vacciner la totalité de la population, ce qui n'a jamais été fait dans aucun pays ? Il était prévu de vacciner 30 millions de personnes avant la fin de février : c'était totalement irréalisable et cela l'aurait été tout autant si la grippe avait été plus grave. Pourquoi, par conséquent, avoir commandé autant de vaccins ? Pourquoi, également, le directeur général de la santé veut-il obliger les médecins à prescrire des antiviraux, et notamment de l'oseltamivir, c'est-à-dire du Tamiflu ? Le British Medical Journal a récemment réaffirmé l'inefficacité de ce produit, dont on sait depuis longtemps que le service médical rendu est contestable et qui a, par ailleurs, des effets secondaires non négligeables. Si l'on veut le distribuer gratuitement dans les pharmacies, est-ce pour écouler des stocks de Tamiflu qui seront bientôt périmés ?
En conclusion, M. François Autain a indiqué que le groupe politique auquel il appartient demandera la création d'une commission d'enquête sur la gestion gouvernementale de l'épidémie de grippe et sur le rôle joué par l'industrie pharmaceutique.
Rappelant les explications données par la ministre devant la commission, puis lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Pierre Godefroy s'est dit personnellement convaincu par ses arguments. Il a voulu savoir comment sera poursuivie l'action de sensibilisation nécessaire, alors que beaucoup pensent que le problème de la grippe est désormais réglé. Il a souhaité avoir confirmation de la possibilité que le prochain vaccin contre la grippe saisonnière protège également contre le virus A (H1N1). Il a enfin posé des questions sur :
- l'indemnisation des résiliations de commandes de vaccins ;
- les techniques de production des vaccins disponibles en France, en se référant à la mise en cause, par le président de la commission santé du Conseil de l'Europe, d'un vaccin produit dans un bioréacteur à partir de cellules vivantes et qui pourrait contenir des cellules cancéreuses. Des produits similaires sont-ils diffusés en France ?
- les conditions de vaccination des personnes allergiques aux oeufs, qui doivent produire un certificat médical puis se faire vacciner dans un CHU, ce qui peut entraîner des frais et des déplacements importants les dissuadant de recourir à la vaccination.
s'associant aux propos d'Alain Gournac et de Jean-Pierre Godefroy, a approuvé les pouvoirs publics d'avoir voulu protéger l'ensemble de la population, même si on peut s'interroger sur la possibilité technique de le faire. Elle a également apprécié le souci de la ministre d'informer les parlementaires.
Convenant qu'aucune crise ne ressemble à une autre, elle s'est cependant interrogée sur les leçons que l'on pourrait retenir des trois récentes crises sanitaires liées au syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), à la grippe aviaire et à la grippe A (H1N1), car on en connaîtra sans doute de nouvelles, d'autant plus que le principe de précaution et le rôle joué par les instances internationales peuvent susciter une réaction mondiale même dans le cas d'une affection bénigne. Il faut également tirer des enseignements de l'expérience de la campagne de vaccination collective, qui a connu quelques dysfonctionnements.
Elle a aussi posé des questions sur l'évolution du dispositif de vaccination, sur l'information des médecins sur la grippe A (H1N1), qui ne semble pas avoir été suffisante, et elle a souhaité que la contribution des organismes d'assurance complémentaire à l'achat des vaccins, qui risque d'être répercutée sur les cotisations des assurés, soit réduite à la suite des résiliations de commandes.
a remarqué qu'au printemps dernier, la grande majorité des spécialistes, ainsi que l'OMS, recommandaient la vaccination. La minorité qui était d'un avis contraire semble, au bout du compte, avoir eu raison. Pouvait-on pour autant la suivre et faire courir un risque à la population ? La campagne de vaccination a donné lieu, dans les médias, à une campagne de dénigrement de la vaccination choquante, mais qui n'a pas découragé près de six millions de personnes de se faire vacciner, dans des conditions qui n'étaient pas toujours faciles.
Il est en tout cas très positif que l'action du Gouvernement ait permis un développement important de la vaccination anti-pneumococcique, qui protège pendant cinq ans contre les complications pulmonaires de la grippe. Il est également positif que des progrès aient été réalisés dans l'éducation sanitaire et le respect des règles d'hygiène, en particulier en milieu scolaire.
En fait, le plus grave aurait été qu'en présence d'un risque fondé, le Gouvernement ait choisi de ne rien faire pour des raisons financières. La ministre de la santé a agi en personne responsable et on ne peut pas la déclarer coupable.
a également souligné les aspects positifs de l'action gouvernementale, tout en observant que la sensibilisation de la population a pu varier selon les départements ou les régions.
a jugé que la démarche éthique suivie par la ministre et son souci de protéger l'ensemble de la population l'honorent, remarquant que si l'épidémie avait été plus grave, la position des pays qui ont décidé, comme la Pologne, de ne pas prévoir de vaccination aurait créé des problèmes importants.
Il a cependant regretté que les médecins n'aient pas été impliqués, dès le début, dans la campagne de vaccination, ce qui aurait sans doute facilité l'adhésion de la population et il a jugé inquiétante la campagne de dénigrement de la vaccination à laquelle on a assisté ces derniers mois.
Il a enfin déploré que les contrats de fourniture de vaccins n'aient pas prévu des tranches optionnelles qui auraient permis de mieux adapter aux besoins les quantités commandées.
a observé que le Gouvernement avait dû faire des choix à un moment où il n'était pas facile de les faire. Elle a néanmoins relevé un certain défaut d'information des maires et des élus locaux, qui avaient été mieux informés sur la grippe aviaire et qui ont eu par conséquent quelques difficultés à répondre aux inquiétudes, notamment dans les écoles.
Elle a également soulevé le problème des travailleurs frontaliers, qui ont été confrontés à des informations différentes et qui n'ont pas reçu de bons de vaccination. Elle a jugé nécessaire de développer en 2010 des efforts en direction de ces populations, ainsi que de celle des eurodistricts.
a suggéré que l'indemnisation du préjudice résultant des résiliations de commandes soit financée par une taxe acquittée par l'ensemble de l'industrie pharmaceutique, ce qui permettrait de mutualiser les pertes subies et correspondrait à une démarche de solidarité.
Il a souhaité avoir des précisions sur les gaspillages de vaccin résultant de l'utilisation de conditionnements multidoses. A propos de l'organisation de la vaccination, il a déploré certaines erreurs dans la gestion des ressources humaines, telle la réquisition d'étudiants en pleine période d'examens, erreurs qui n'ont sans doute pas favorisé l'adhésion des professions médicales à la campagne de vaccination. Il a par ailleurs noté que si l'épidémie avait été plus grave, le rapport bénéfice-risque aurait sans doute balayé les réticences vis-à-vis de la vaccination.
Il a enfin demandé si l'on avait analysé les catégories de la population auxquelles appartenaient les 263 victimes de la grippe afin de savoir si elles présentaient des fragilités préexistantes.
a partagé le jugement d'Alain Milon sur les progrès réalisés dans le respect des règles d'hygiène. Elle s'est inquiétée de la complexité et de la lourdeur des tâches administratives liées à la vaccination H1N1 en ville, craignant qu'elles ne découragent les médecins de la pratiquer.
s'est dite peu encline à polémiquer sur le sujet de la grippe A. Il serait toutefois utile de s'interroger sur le rôle de l'OMS, qui a largement contribué à propager au départ un certain alarmisme, et sur la façon dont ses recommandations sont édictées. Est-il exact que l'OMS a modifié en mai 2009 la définition de la pandémie, en supprimant les critères liés au niveau élevé de mortalité ? Est-il également exact que les vaccins préparés à partir de souches de virus A H1N1 ne pouvaient être utilisables en l'absence de déclaration d'un état de pandémie ? Enfin, on peut aussi relever le manque de transparence du fonctionnement de l'OMS et du mécanisme de prise de ses décisions.
Elle a estimé que la défiance du public vis-à-vis de la vaccination peut se comprendre, les professionnels de santé ayant eux-mêmes été peu nombreux à adhérer à la campagne de vaccination. Cette défiance a sans doute été renforcée par les recommandations successives et contradictoires relatives à la prescription de Tamiflu. En outre, l'organisation de la vaccination a tout de même donné le sentiment d'un « grand bazar » et, si l'épidémie avait été plus grave, on peut se demander comment on s'en serait sorti.
Enfin, le Gouvernement semble avoir été un piètre négociateur : il n'a pas su imposer de clause de révision des contrats en cas de modification des données disponibles lors de leur conclusion ; il a en revanche accepté d'assumer la responsabilité des effets secondaires des vaccins.
Après avoir souligné la qualité des interventions et en particulier la hauteur de vue et la responsabilité dont ont fait preuve les commissaires du groupe socialiste, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a confirmé que des leçons sont bien à tirer de cette épidémie, même s'il faut se garder d'élaborer un modèle de réponse à un type de crise et espérer pouvoir l'adapter aux cas ultérieurs. Une de ces leçons est la difficulté d'informer convenablement le public dans un monde où coexistent des sources et des formes d'informations multiples, contradictoires, plus ou moins fiables, entre lesquelles il est difficile de faire le tri. Si l'on doit considérer que l'information des élus avait été plus complète sur la grippe aviaire que sur la grippe A, la situation n'est pas comparable puisqu'il n'y a pas eu d'épidémie de grippe aviaire : il est beaucoup plus facile d'informer quand on n'est pas confronté à la réalité d'une crise et à la nécessité d'amener les uns et les autres à prendre des décisions opérationnelles, tout en faisant face à des polémiques.
Il lui paraît difficile de soutenir que les médecins n'ont pas eu accès à une information de qualité, que ce soit sur le site du ministère, à travers la presse médicale, qui a publié des articles de qualité, les courriers envoyés par le ministère, les nombreuses réunions d'information organisée par les préfets. Les médecins qui le souhaitaient ont donc eu tous les moyens d'être informés.
La méfiance à l'égard de la vaccination n'est pas un phénomène nouveau en France. On pourrait au contraire considérer que la pandémie grippale a permis des progrès par rapport à la situation préexistante, y compris au sein des professions de santé : au début de la campagne, moins de 20 % des professionnels de santé déclaraient vouloir se faire vacciner ; aujourd'hui, 60 % des personnels hospitaliers le sont, et jusqu'à 100 % dans les services de réanimation ou ceux qui accueillent des personnes atteintes de maladies infectieuses. De même, 50 % des médecins libéraux ne voulaient pas entendre parler de vaccination, y compris pour leurs malades, et redoutaient d'être chargés d'assurer cette vaccination ; ils demandent aujourd'hui à l'être. Quant au taux national de vaccination H1N1 de la population, voisin de 10 %, il est un des plus importants de ceux des pays comparables, mis à part le Canada et la Suède, qui ont dépassé le taux de 50 %. Ces deux exemples sont d'ailleurs très intéressants car ils sont totalement différents :
- le Canada a fait un choix comparable à celui de la France, avec cette différence qu'il est uniquement fondé sur la vaccination collective et qu'il n'est pas prévu de passer progressivement à la vaccination en ambulatoire. L'excellent résultat obtenu tient sans doute à la présence du Sras au Canada et à certains cas particulièrement aigus de grippe A (H1N1) qui ont suscité l'inquiétude et incité à la vaccination ;
- le système suédois est diamétralement opposé. Il est fondé sur la vaccination en ambulatoire mais selon des modalités propres puisqu'elle s'exerce dans un millier de centres pluridisciplinaires, rassemblant médecins et infirmières dans le cadre d'un régime de salariat. Sans ouvrir le débat sur la médecine libérale, l'exemple suédois démontre que pour répondre à une grande crise épidémique, on peut s'appuyer efficacement sur une médecine ambulatoire quasi étatisée. La médecine libérale paraît moins adaptée à la conduite d'une politique de santé globale ou d'une opération de vaccination générale.
Sur ce point, il n'y a jamais eu de volonté d'écarter les médecins libéraux de la campagne de vaccination. Le choix d'un système évolutif, en assurant dans une première phase la vaccination dans des centres, a répondu à des raisons logistiques. Les premières livraisons de vaccins ont été faites par unités de 500 doses, soit cinquante boîtes de dix doses non déconditionnables, et elles représentaient au total six millions de doses. S'il avait fallu fournir au moins 500 doses à quelque 60 000 médecins - généralistes, pédiatres, le cas échéant pneumologues ou cardiologues - il aurait fallu disposer d'emblée d'au moins trente millions de doses. On fait valoir que la Belgique a organisé un déconditionnement chez les grossistes mais c'est une dérogation aux règles de sécurité pharmaceutique dont il aurait été impossible de prendre le risque en France. En effet, les grossistes ne disposent pas des laboratoires réfrigérés, des personnels et des équipements nécessaires pour procéder à de telles opérations.
En outre, on savait que le pic de l'épidémie interviendrait à un moment où les médecins seraient surchargés. Il n'était donc pas envisageable de leur imposer la tâche supplémentaire d'organiser la vaccination. En revanche, ils ont pu vacciner dans les centres, où les tâches logistiques, organisationnelles et administratives étaient assurées par des personnels non médecins.
Désormais, la vaccination en ambulatoire va pouvoir être développée, notamment grâce aux six millions de vaccins monodoses qui n'ont été livrés qu'à la fin de décembre. On constate cependant que les médecins s'inquiètent des aspects logistiques et administratifs de la vaccination, c'est-à-dire précisément des inconvénients que la vaccination en centres collectifs avait pour objet de leur épargner.
On arrive cependant à une organisation équilibrée associant les hôpitaux, où sont accueillis les malades les plus atteints, et un système de vaccination actuellement mixte, les centres devant passer prochainement le relais aux médecins. La question cruciale de l'approvisionnement des cabinets médicaux devrait être réglée quand, sans doute très vite, les vaccins seront mis à la disposition des médecins dans les 22 000 officines pharmaceutiques.
Il est exact que l'utilisation de conditionnements multidoses occasionne une perte d'à peu près 10 % du produit : avec 94 millions de doses en conditionnements de ce type, on ne peut faire que 85 millions d'injections. Ce problème n'existe en revanche naturellement pas avec le conditionnement monodose.
L'organisation des centres de vaccination a pu présenter quelques difficultés d'adaptation mais il faut souligner que l'on n'avait jamais mené une opération d'une telle ampleur et qu'au surplus, la fréquentation des centres est passée en une semaine de 10 000 à 250 000 personnes par jour. Il est donc tout à fait remarquable que ces difficultés aient été surmontées en cinq ou six jours. Le mérite en revient aux personnels de la fonction publique, qu'il faut remercier d'avoir fait preuve d'une grande réactivité et d'avoir travaillé sans compter pour monter un système qui a permis de vacciner six millions de personnes, en particulier les plus fragiles.
Sur l'utilisation du Tamiflu, M. Didier Houssin, directeur général de la santé, a précisé, à l'invitation de la ministre, que la recommandation - et non, bien sûr, l'obligation - faite aux médecins de prescrire précocement du Tamiflu se fonde sur les résultats d'observations faites dans plusieurs pays, selon lesquelles les cas les plus graves de grippe et les décès sont plus fréquents parmi les patients qui n'ont pas reçu de traitement antiviral précoce. L'article du British Medical Journal mettant en cause l'efficacité du Tamiflu porte sur la grippe saisonnière et non sur la grippe A (H1N1). En outre, il est également observé en Norvège, qui est aussi un pays où le taux de vaccination de la population est très important, que l'utilisation large des antiviraux a contribué à réduire la mortalité.
En réponse aux précisions techniques demandées par Jean-Pierre Godefroy, M. Jean Marimbert, directeur général de l'Afssaps, a tout d'abord précisé que le vaccin mis en cause par le président de la commission santé du Conseil de l'Europe devait être exclusivement réservé au marché allemand, le contrat ayant d'ailleurs été annulé. Toutefois, ont été commandés en France des vaccins élaborés suivant une technique comparable, c'est-à-dire produits dans un bioréacteur à partir de cellules animales, qui sont en particulier utilisés pour la vaccination des personnes allergiques aux oeufs.
La question de la possible pénétration de cellules cancéreuses dans des vaccins issus de cellules animales n'est pas totalement absurde et c'est une préoccupation à prendre en compte dans le cas de cultures réalisées sur des lignées anciennes qui ont été conservées. La réponse à cette préoccupation réside dans les techniques susceptibles, au niveau de la fabrication ou du contrôle, de détecter ou d'éliminer de telles cellules. Les vaccins produits selon des techniques de ce type ont été évalués, au niveau français, au cours de l'automne dernier.
La procédure spécifique de vaccination en CHU des personnes allergiques, s'explique par le petit nombre de doses de vaccin adapté : 50 000 doses ont été commandées mais, au début de la campagne, 15 000 seulement étaient disponibles. L'allergie à la protéine d'oeuf pouvant provoquer des accidents très sérieux, il est essentiel que les personnes présentant cette allergie soient vaccinées avec un produit adapté.
Répondant enfin aux propos de François Autain dénonçant la dramatisation de l'épidémie grippale et attribuant au souci de sa protection personnelle le choix des actions engagées contre la pandémie, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a dit laisser à leur auteur la responsabilité d'allégations qui mettent directement en cause son honorabilité et qui constituent une accusation tellement grave qu'elle ne peut les considérer que comme une insulte délibérée.
Elle a ensuite rappelé que le discours qu'elle tient sur la grippe A (H1N1) n'a jamais varié et répond au souci d'apporter une information mobilisatrice, mais toujours mesurée et reflétant un consensus scientifique qui n'a jamais été démenti. S'il y a eu dramatisation, elle n'a été le fait ni du Gouvernement ni de la ministre de la santé.
a exprimé ses regrets que la ministre ait pu considérer ses propos comme une insulte et lui a demandé, si tel était le cas, d'accepter ses excuses. Il avait simplement entendu se référer aux exemples de ministres traînés devant la Cour de justice de la République parce qu'on estimait qu'ils n'avaient pas suffisamment pris de précautions, jugeant légitime que l'on souhaite éviter de se trouver dans la même situation. Encore faut-il que les précautions prises soient à la mesure des risques qui les justifient. Mais peut-être est-ce à l'OMS qu'il faut reprocher d'avoir exagéré le danger présenté par la grippe A (H1N1).