Intervention de Michèle Alliot-Marie

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 février 2007 : 1ère réunion
Audition de Mme Michèle Alliot-marie ministre de la défense

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

a tout d'abord rappelé que l'OTAN est une réponse pertinente à l'évolution du contexte stratégique actuel, marqué par des enjeux de sécurité de plus en plus nombreux et complexes : terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, multiplication des crises régionales, accentuation des tensions liées aux enjeux énergétiques et à l'accès à l'eau et aux ressources naturelles, déstabilisations liées aux pressions migratoires, aux catastrophes naturelles et au pandémies. En matière de protection de nos intérêts de sécurité, il devient ainsi impossible de dissocier les dimensions intérieure et extérieure des situations localisées loin de nos frontières, pouvant se traduire par des menaces concrètes sur notre territoire. Il en résulte, pour notre défense, la nécessité d'une capacité d'action hors du territoire national dans le cadre d'opérations multinationales. Au niveau politique, l'Organisation des Nations unies constitue l'enceinte naturelle pour une approche globale de ce type de situations, mais seules des organisations spécialisées, comme l'OTAN ou l'Union européenne, répondent réellement aux critères d'efficacité requis, dès lors qu'une approche militaire globale est nécessaire.

a estimé que par l'ancienneté de son action dans le domaine de la sécurité et par sa composition, qui permet de bénéficier des capacités militaires des Etats-Unis, l'OTAN demeurait la garantie de protection ultime en cas d'attaque massive contre ses membres, tout en constituant également une réponse pertinente aux défis du contexte stratégique actuel, grâce à sa capacité d'action extérieure, quels que soient par ailleurs les progrès indéniables de la politique européenne de sécurité et de défense.

Elle a précisé que la France se situait aujourd'hui au 3e rang des contributeurs financiers et au 4e rang des contributeurs en troupes dans les opérations de l'OTAN, et qu'elle prenait une part active au processus de « transformation » lancé à partir de 1999 (réunion de Washington) et lors du sommet de Prague en 2002, qui vise à renforcer la capacité de projection et la réactivité de l'Alliance. Elle a estimé que sur ce point, l'OTAN connaissait encore des lacunes capacitaires, notamment en matière d'avions de transport et d'hélicoptères. Elle a considéré que l'effort de défense d'un trop grand nombre de pays européens restait insuffisant au regard des besoins identifiés tant dans le cadre de l'OTAN que dans celui de l'Union européenne, le Royaume-Uni, la France et la Grèce étant les seuls en Europe à consacrer plus de 2 % du PIB à leur défense. Elle a précisé que face aux difficultés rencontrées pour la génération de forces, les responsables de l'OTAN avaient tendance à préconiser l'acquisition par l'Alliance, en tant que telle, de certaines capacités et le recours accru au financement collectif des opérations. Elle s'est inquiétée d'une telle orientation qui reviendrait à priver les nations du contrôle d'une partie des moyens qu'elles affectent à la défense. Elle a en revanche estimé qu'il fallait privilégier la réalisation de programmes d'équipement européens, tels que l'avion de transport A400M, qui permettent à tous les Etats, y compris ceux disposant d'un budget de défense limité, d'acquérir des matériels et de mutualiser certains coûts de formation ou de soutien.

a ensuite abordé le débat sur la nature de l'Alliance atlantique et sur les principes politiques devant orienter son action. Elle a rappelé que pour la France, l'OTAN devait fondamentalement rester centrée sur sa fonction d'alliance militaire, de récentes expériences ayant en outre prouvé qu'elle n'était pas pleinement adaptée à une gamme de missions plus large, comme l'assistance humanitaire. Evoquant le souhait du secrétaire général de l'OTAN ou de certains pays, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, d'engager l'Alliance dans des missions de reconstruction, elle a estimé que cette dernière devait prioritairement se concentrer sur ses opérations actuelles, pour lesquelles elle se heurte déjà à une insuffisance de moyens. Elle a également estimé que l'OTAN ne devait pas se substituer à d'autres organisations, qui ont clairement des compétences dans le domaine civil, ni prétendre concurrencer l'ONU, alors qu'elle n'en a pas la légitimité. S'agissant d'un élargissement de l'Alliance à des pays situés hors de la zone euro-atlantique, comme l'Australie ou le Japon, elle a mis en garde contre les risques d'une organisation de sécurité qui s'érigerait en représentante du monde occidental et qui ne pourrait que susciter des réactions négatives de la part d'autres pays, notamment dans le monde arabo-musulman. Elle a en revanche considéré que la contribution de ces pays alliés à des opérations de l'OTAN était envisageable au cas par cas.

A propos des relations entre l'OTAN et l'Union européenne, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a rappelé la méfiance qui prévalait initialement au sein de l'Alliance, surtout de la part des Etats-Unis, à l'égard de la politique européenne de sécurité et de défense. Elle a estimé que cette situation était désormais dépassée, les crises étant malheureusement suffisamment nombreuses pour que toute idée de concurrence entre les deux organisations soit écartée. Elle a souligné que l'OTAN et l'Union européenne possédaient des caractéristiques différentes qui les rendent en réalité complémentaires et permettent de faire appel à l'une ou à l'autre selon le type de situation. Elle a ainsi considéré que l'OTAN était particulièrement adaptée aux opérations impliquant un haut niveau d'équipement et des déploiements de longue durée, car elle peut faire appel aux moyens américains et dispose de structures de commandement rodées aux rotations périodiques. L'Union européenne, grâce notamment aux groupements tactiques « 1 500 hommes », dispose d'une capacité de réaction très rapide lui permettant d'intervenir efficacement dans des régions qu'elle connaît bien, dans le cadre d'opérations conçues dès le départ pour des durées limitées, notamment pour des opérations visant à éviter l'extension des conflits.

a ensuite rappelé que l'OTAN comme l'Union européenne devaient pouvoir s'appuyer sur un effort de défense suffisant de la part de leurs Etats membres. Elle a souligné sur ce point que le redressement du budget d'équipement militaire français, au cours de l'actuelle loi de programmation militaire (LPM), avait considérablement renforcé la crédibilité de notre pays vis-à-vis de nos partenaires et avait joué un rôle clef pour le développement de la politique européenne de sécurité et de défense.

Elle a toutefois estimé que si la loi de programmation avait permis de rattraper certains retards dus à l'exécution de la précédente LPM, des besoins importants restaient toujours à satisfaire. Elle a notamment cité les moyens qui concourent à l'autonomie d'information et de communication, estimant qu'au-delà de la mise en service des satellites d'observation Helios II et de télécommunications Syracuse III, l'effort devrait être amplifié dans le domaine spatial, appelé à jouer un rôle clef dans les opérations futures. Citant les travaux du groupe d'orientation stratégique sur la politique spatiale de défense qu'elle avait mis en place, elle a estimé que le niveau du budget spatial militaire français, actuellement de l'ordre de 450 millions d'euros par an, mériterait d'être progressivement porté à 650 millions d'euros par an, ce qui permettrait, si d'autres pays européens amplifient également leur effort dans ce domaine, de doter l'Europe de capacités spatiales militaires réellement adaptées aux enjeux actuels. Elle a également considéré que les moyens de projection des forces devaient demeurer prioritaires, notamment l'avion de transport A400M, l'hélicoptère NH90 et les bâtiments de projection et de commandement, mais également les frégates européennes multi-missions et le 2e porte-avions, qui répond à une véritable nécessité opérationnelle pour assurer la permanence de notre capacité d'action autonome depuis la mer.

Evoquant de récents échos de presse qui mentionnaient une insuffisance de ressources pour mener à bien la réalisation du modèle d'armée 2015, elle a précisé que l'étude qu'elle avait demandée à l'Etat-major des armées visait à recenser, sans considération de coûts, l'ensemble des besoins qui pouvaient apparaître nécessaires ou utiles à l'horizon 2020. C'est l'addition de ces besoins, et non la réalisation du modèle 2015, qui représenterait un coût supérieur de 40 milliards d'euros au niveau actuel des ressources consacrées à l'équipement militaire. Ce chiffre ne tient pas compte des arbitrages qui interviendront nécessairement entre certains de ces programmes d'équipement, du fait de redondances entre les besoins militaires couverts, ni des négociations de prix conduites par la DGA, ni des enseignements tirés des opérations qui conduisent régulièrement à revoir certains besoins. Ainsi, dans le cadre de la loi de programmation militaire, un ajustement annuel est opéré. Il conduit à inclure des programmes qui n'étaient pas prévus par la programmation et, à l'inverse, à supprimer des opérations initialement envisagées par la loi. C'est ainsi qu'a été abandonné le développement de la version biplace du rafale pour la Marine, qu'a été retiré du service le système Sarigue et qu'il a été décidé de remplacer deux frégates anti-aériennes Horizon par deux frégates multi-missions.

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