Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission ecologie développement et aménagement durables budget annexe contrôle et exploitation aériens comptes d'affectation spéciale contrôle de la circulation et du stationnement routiers et services nationaux de transport conventionnés de voyageurs et compte de concours financier avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres et articles 70 à 73 - examen du rapport spécial

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Je m'attacherai à vous présenter les crédits des politiques des transports et de sécurité maritime, ainsi qu'un nouveau compte d'affectation spéciale sur les trains d'équilibre du territoire.

Le programme 203 « Infrastructures et services de transport » est central dans le Grenelle de l'Environnement et mobilise 43 % des CP de la mission. Il est doté en 2011 de 4,31 milliards d'euros d'AE et 4,08 milliards d'euros de CP, soit pour ces derniers une baisse de 5,5 %.

Le programme bénéficie d'importants crédits extra-budgétaires : 1,7 milliard d'euros de fonds de concours de l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF) et des collectivités territoriales, l'AFITF étant elle-même financée en partie par une subvention d'équilibre, et 527 millions d'euros de dépenses fiscales. Le programme 217 de soutien porte quant à lui les crédits de masse salariale, soit 1,3 milliard d'euros pour 16 977 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Les 920 millions d'euros de crédits du plan de relance auront quant à eux été quasi intégralement dépensés fin 2010.

La diminution des CP est essentiellement liée à celle des concours à Réseau ferré de France (RFF) et des moyens consacrés au renouvellement des couches de surface des routes nationales. Elle s'explique aussi par une baisse de 5,2 % des crédits de fonctionnement. La seconde vague de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) a un effet budgétaire relativement limité ; une optimisation des moyens en personnel est néanmoins attendue de la réorganisation des services d'ingénierie routière.

Je constate cependant que les priorités du programme sont nombreuses, conformément aux ambitions portées par les lois « Grenelle I et II », mais n'ont pas toujours les moyens de cette ambition, notamment en matière de soutien au fret et au transport combiné. De même, le projet de Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) prévoit 170 milliards d'euros d'investissements d'ici 2020, sans pour autant que les modalités de financement soient arrêtées.

Le bilan de la performance du programme est mitigé : elle est satisfaisante en matière de coûts de construction des opérations routières, d'intérêt socio-économique des projets ou de disponibilité du réseau fluvial, mais médiocre ou en baisse s'agissant de l'état des voies du réseau ferré, de la ponctualité des trains, de développement de l'intermodalité pour le fret ou de compétitivité des ports pour le trafic conteneurisé.

J'en viens à présent aux opérateurs AFITF et Voies navigables de France (VNF) ainsi qu'à RFF, qui ont une grande importance dans la mise en oeuvre de ce programme.

Le budget de l'AFITF devrait être de 2,2 milliards d'euros en 2011 et sera, pour près de 60 %, consacré aux transports non routiers, conformément au redéploiement modal prévu par le Grenelle. La subvention de l'Etat est stable avec 974 millions d'euros. Contrairement à ce qui était initialement prévu, les recettes pérennes à compter de 2012 ne seront pas suffisantes pour permettre de la supprimer ; cette subvention est donc « un provisoire qui dure ». En outre, la gestion de 2009 a été tendue et a nécessité le recours à une avance du Trésor de 143 millions d'euros pour reconstituer le fonds de roulement.

Concernant le secteur ferroviaire, qui traverse actuellement une phase décisive et difficile, le volume des concours publics de toute nature, incluant ceux des collectivités territoriales, a dépassé 13 milliards d'euros en 2009. La situation de la SNCF est cependant loin d'être florissante alors qu'elle doit se préparer à affronter la concurrence et que la rentabilité des TGV tend à se dégrader.

La crise économique a exercé un impact réel sur ses comptes en 2009, en particulier sur l'activité de fret dont le déficit structurel s'est accentué. Faute d'une rentabilité suffisante, le groupe fait le pari de l'endettement et d'un modèle déséquilibré à court terme pour trouver à moyen terme une dynamique de croissance rentable. La SNCF dispose cependant de marges de manoeuvre étroites, car le potentiel d'augmentation des recettes des TGV est limité et les péages de RFF augmenteront de 5,5 % en 2011 pour couvrir le coût de maintenance du réseau.

De même, la viabilité du modèle économique de RFF est loin d'être garantie car elle passe par l'augmentation d'une dette déjà très élevée - plus de 28 milliards d'euros en 2010 - pour mener à bien l'ambitieux plan de rénovation et de développement nécessaire à la rentabilisation du réseau. Ce plan a bien progressé, avec 968 kilomètres de voies renouvelées en 2009. RFF respecte donc mieux les objectifs commerciaux du contrat de performance que la trajectoire financière que lui a assignée l'Etat. RFF attribue cependant cette situation au non-respect par l'Etat de ses engagements de concours financiers au titre du contrat de performance, qui pourrait se traduire par un manque à gagner de 300 millions d'euros. Il existe en tout cas un risque de requalification de la dette de RFF en dette publique « maastrichtienne ».

S'agissant de VNF, je regrette que le nouveau contrat de performance pour 2010-2013 ait pris du retard. Il devrait cependant consolider les grands axes actuels, en particulier la poursuite des importants investissements de modernisation, de sécurisation et de développement du réseau fluvial, estimés à 895 millions d'euros. La subvention de l'Etat sera quasiment reconduite en 2011 avec 59,4 millions d'euros, et le plafond d'emplois sera réduit de 75 ETPT.

Je conclus sur ce programme par deux points :

- les compensations des tarifs sociaux en faveur de la mobilité, versées à la SNCF, représenteront un coût de 70 millions d'euros en 2011. Si ces tarifs sont souvent justifiés, ils n'en forment pas moins un édifice complexe. Il serait sans doute utile de simplifier et moderniser ces tarifs, voire d'en supprimer certains ;

- le plan de relance a eu un effet positif mais temporaire sur l'entretien préventif du réseau routier. Il devrait cependant diminuer fortement en 2011. Il semble ainsi relever plutôt d'une logique du « coup par coup », avec pour conséquence une dégradation de la qualité du réseau à moyen et long termes, nécessitant des réparations plus coûteuses.

J'en viens au programme 205 « Sécurité et affaires maritimes », dont les crédits diminuent d'environ 2 % avec 130 millions d'euros d'AE et 132 millions d'euros de CP. La dépense fiscale de taxe au tonnage est désormais évaluée - de façon assez approximative - à 100 millions d'euros, au lieu de 200 millions l'année dernière. La réduction des effectifs se poursuit avec 92 ETPT supprimés en 2011.

Le Comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009 a validé un certain nombre d'orientations importantes, telles que la création d'une fonction « garde-côtes », d'aires marines protégées outre-mer et d'un Conseil supérieur des gens de mer.

De même, la rationalisation de l'organisation administrative se poursuit :

- l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) devient un établissement public à part entière, mais la relocalisation de certains services à La Rochelle est retardée ;

- après les services déconcentrés de métropole, l'administration territoriale d'outre-mer sera à son tour réorganisée en 2011 ;

- le pilotage du contrôle des pêches est unifié ;

- le programme est doté d'un nouvel « opérateur LOLF », l'Ecole nationale supérieure maritime (ENSM), qui remplace les quatre écoles de la marine marchande et délivrera un diplôme d'ingénieur. Ce nouvel établissement, qui bénéficiera d'une subvention de 3,4 millions d'euros, doit contribuer à améliorer la reconnaissance et l'attractivité de la formation maritime.

S'agissant des crédits, je relève les points suivants :

- une subvention exceptionnelle d'un million d'euros est prévue au profit de l'Association internationale de signalisation maritime. Je me suis interrogée sur son bien-fondé. Il apparaît cependant qu'elle doit contribuer à maintenir le siège de l'association à Saint-Germain-en-Laye, et des contreparties devraient conforter la représentation française ;

- le budget de l'action « Gens de mer et enseignement maritime » progresse de plus de 20 %, en raison de la revalorisation des subventions aux douze lycées maritimes, et surtout du doublement des aides aux marins privés d'emploi, liées aux plans de sortie de flotte et aux plans sociaux de la SNCM et de la société de remorquage du Havre ;

- le dispositif de remboursement des charges sociales patronales dites « non ENIM » est progressivement mis en extinction ;

- d'importants efforts sont consentis sur les dépenses de soutien et de fonctionnement, qui diminuent de 9 % hors subvention à l'ENSM.

J'en termine à présent avec le nouveau compte d'affectation spéciale (CAS) sur les transports conventionnés de voyageurs, créé par l'article 33 du projet de loi de finances. De quoi s'agit-il ?

La grande majorité des quarante lignes d'équilibre du territoire, soit les Corail, Téoz, Lunéa et Intercités, sont déficitaires, à hauteur de 190 millions d'euros en 2009. Seules quatre lignes seraient rentables. L'équilibre financier de ces lignes est aujourd'hui assuré par une péréquation interne à la SNCF, qui repose largement sur les TGV. Or le règlement européen du 23 octobre 2007, dit « règlement OSP », conduit à assimiler ces lignes à une obligation de service public, susceptibles d'être compensée par l'Etat dans le cadre d'une contractualisation qui n'existe pas aujourd'hui.

A cette contrainte juridique s'ajoute la perspective d'une ouverture à la concurrence des transports ferroviaires nationaux de voyageurs, dans le cadre du troisième paquet ferroviaire. L'ensemble des entreprises ferroviaires devra alors pouvoir contribuer au financement de ces trains d'équilibre du territoire (TET).

Il était donc nécessaire d'externaliser la péréquation, ainsi que cela a été annoncé le 9 février 2010 en clôture des Assises des territoires ruraux. Pour des raisons de conformité, de transparence et de soutenabilité budgétaires, c'est la formule du compte d'affectation spéciale qui a été retenue. Une convention de service public entre l'Etat, nouvel opérateur de transports, et la SNCF sera prochainement conclue. Elle a été précédée de la formalisation d'un engagement à Troyes le 4 novembre dernier. De même, le cahier des charges de la SNCF, prévu par un décret du 13 septembre 1983, sera modifié.

Ce CAS sera donc financé par deux ressources :

- une nouvelle contribution de solidarité territoriale due par les entreprises de transport ferroviaire sur les services non conventionnés, soit 175 millions d'euros en 2011. Il est cependant envisagé de lui substituer en partie une nouvelle taxe sur les résultats des entreprises ferroviaires, pour ne pas trop solliciter les TGV ;

- une fraction de la taxe d'aménagement du territoire due par les sociétés d'autoroutes, à hauteur de 35 millions d'euros. Ces sociétés contribueront donc de manière assez réduite, au titre du report modal et de l'aménagement du territoire. Le tarif de la TAT est ainsi majoré par l'article 34 du projet de loi de finances.

Les 210 millions d'euros de recettes et dépenses du CAS correspondent au déficit d'exploitation moyen des TET, tel qu'évalué par un audit. Pour matérialiser la péréquation, le CAS comporte deux programmes budgétaires :

- la contribution de l'Etat à la couverture du déficit d'exploitation des TET, soit 127,5 millions d'euros. Elle inclut le financement du « bénéfice raisonnable » prévu par le règlement OSP, qui désigne la rémunération du risque de la SNCF. Cette rémunération représente 25 millions d'euros, soit environ 2,5 % des charges d'exploitation ;

- la compensation des investissements nécessaires à la maintenance et la régénération des matériels roulants, soit 82,5 millions d'euros. En revanche le contrat de service public ne couvre pas le renouvellement des matériels, qui n'interviendra qu'à partir de 2015.

Le dispositif de performance repose sur deux objectifs et quatre indicateurs, relatifs à l'efficience de la contribution à l'exploitation et au matériel roulant, à la ponctualité et au taux de remplissage des trains.

Au final, ce nouveau dispositif ne doit évidemment pas constituer une garantie de financement du déficit quelles que soient les conditions d'exploitation, mais une incitation au retour progressif à l'équilibre. Le contrat de service public doit y contribuer, de même que la détermination du bénéfice raisonnable, qui comprendra un mécanisme de « bonus/malus » en fonction des recettes et de la qualité de service.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion