Le programme « Lutte contre la pauvreté » a prioritairement retenu notre attention. Il finance, à travers le Fonds national des solidarités actives (FNSA), le « RSA activité », c'est-à-dire le complément de revenus versé à ceux que l'on appelle les « travailleurs pauvres ».
En 2009, nous avions voté un amendement réduisant de 500 millions d'euros la subvention de l'Etat au FNSA. Nous avions en effet jugé que la montée en charge du « RSA activité » serait beaucoup plus lente que celle annoncée par le Gouvernement. Les faits nous ont donné raison ! Fin 2010, le FNSA connaîtra un excédent d'environ 1,3 milliard d'euros. Nous devons regretter que ce PLF soit en forme de « bis repetita ».
Du coté des dépenses, le Gouvernement prévoit, sans raisons dûment justifiées, que la montée en charge sera deux fois plus rapide en 2011 qu'en 2010.
Nous ne pensons pas, par exemple, que le « RSA jeunes » puisse constituer une dépense de 20 millions d'euros en 2010 et de 75 millions d'euros en 2011 alors que seulement 163 000 euros ont été consommés depuis le 1er septembre, date d'entrée en vigueur du dispositif. Nous doutons fort que le FNSA soit amené à dépenser plus de 2,2 milliards d'euros en 2011.
Du côté des recettes, le Gouvernement nous propose un artifice budgétaire astucieux. Le FNSA pourrait s'auto-financer en 2011 et pourtant le Gouvernement préfère lui apporter une subvention de 700 millions d'euros. Il argue pour ce faire qu'il veut stabiliser sa contribution à ce montant pour les trois prochaines années tout en réduisant progressivement l'excédent de trésorerie du Fonds.
De fait, cette subtilité permet surtout de contourner la norme de progression des dépenses dite « zéro volume ». En effet, si le Fonds s'auto-finance en 2011, la contribution de l'Etat sera nulle. A l'inverse, en 2012, la part d'auto-financement sera réduite et l'Etat devra apporter une dotation d'équilibre.
En conséquence, d'une année sur l'autre, du point de vue du budget de l'Etat, la dépense serait en augmentation. Or compte tenu de la norme de progression des dépenses, cela contraindrait le Gouvernement à dégager des économies sur d'autres postes.
Nous constatons que ce montage budgétaire est en contradiction avec les principes d'annualité, d'unité et d'universalité budgétaires. Autant dire qu'il pourrait amener à vider de sa substance le concept « d'autorisation parlementaire ». Nous en avons récemment débattu avec la commission des affaires sociales lors de la présentation de notre contrôle budgétaire sur la mise en place du RSA.
De surcroît, il contribue à laisser subsister un excédent considérable dans le FNSA. Or l'expérience récente nous a appris qu'une telle situation conduit à financer des dépenses sans lien avec l'objet du Fonds tel que la prime de Noël ou même les investissements d'avenir.
C'est pourquoi, nous vous proposons de réduire la subvention du budget de l'Etat au Fonds de 700 à 100 millions d'euros, soit une diminution de 600 millions d'euros. Nous souhaitons que le Gouvernement tienne un langage de vérité sur les dépenses réellement financées par ce Fonds.
Nous vous présentons un premier amendement de 100 millions d'euros visant à sécuriser le financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) portée par le programme « Handicap et dépendance » de la présente mission.
Nous préconisons ensuite, dans notre deuxième amendement, de réduire de 500 millions d'euros le déficit pour l'année prochaine.
Le Fonds resterait excédentaire de plus de 330 millions d'euros malgré ce prélèvement important. Nous ne mettons donc pas en péril le financement du RSA.
Je précise, à ce stade, que l'article 87 du projet de loi de finances, rattaché à la mission, a pour objet de faire financer le « RSA jeunes », pour l'année 2011, et le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA), pour les années 2011 et 2012, par le FNSA.
Suite aux troubles sociaux outre-mer, le Gouvernement avait mis en place le RSTA en tant que précurseur du RSA. Il disparaît le 1er janvier 2011, date d'entrée en vigueur du RSA outre-mer. A titre transitoire, le RSTA est maintenu pour ses bénéficiaires qui pourront le percevoir jusqu'au 31 décembre 2012, le temps pour eux de basculer dans le RSA. Il apparaît donc logique que cette dépense soit financée par le FNSA, sachant que RSTA et RSA s'adressent au même public et ne peuvent être cumulés.
En ce qui concerne le « RSA jeunes », déjà en 2010, par dérogation au droit commun du RSA, il est prévu que le FNSA le finance en totalité. Normalement, les conseils généraux devraient le prendre en charge en partie. Néanmoins, la complexité induite, notamment l'obligation de calculer une compensation aux départements, apparaît sans commune mesure avec la modestie de la dépense.
Nous sommes donc favorables à l'adoption, sans modification, de l'article 87 rattaché.
En ce qui concerne le programme « Actions en faveur des familles vulnérables », la disparition définitive de l'API conduit à stabiliser la dotation budgétaire autour de 230 millions d'euros. La grande majorité, plus de 210 millions d'euros, est destinée à financer les mesures de protection juridique des majeurs (tutelles, curatelles). En lien avec notre collègue Roland du Luart, rapporteur spécial de la mission « Justice », la commission va demander à la Cour des comptes un rapport d'évaluation de la réforme de 2007 sur la protection juridique des majeurs.
Par ailleurs, le programme porte une subvention de 3,25 millions d'euros pour l'Agence française de l'adoption (AFA). Nous vous proposons, dans notre troisième amendement, de réduire cette enveloppe d'un million d'euros car le fonds de roulement de l'Agence est proche de 3 millions d'euros, soit un peu moins que son budget annuel. Voilà déjà plusieurs années que l'AFA dégage des excédents importants en fin d'exercice, notamment parce qu'elle peine à remplir sa mission et que son activité n'augmente pas. Dans ces conditions, il convient de limiter la participation de l'Etat au budget de l'Agence. Mais, là encore, nous ne mettons pas en péril son fonctionnement.
Nous devons enfin déplorer une absence : celle du financement du Fonds national de la protection de l'enfance. Le FNPE devait être créé en application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Son objet est de compenser aux départements les charges résultant de ladite loi. Le Gouvernement a longtemps refusé de prendre le décret nécessaire à sa création. En décembre dernier, le Conseil d'Etat l'a enjoint de le faire sous astreinte et le décret a été publié en mai 2010.
Pourtant, alors que la loi de finances doit prévoir, chaque année, la participation de l'Etat au FNPE, nous constatons qu'aucune ligne n'est inscrite à ce titre dans le présent projet de loi. Au final, le FNPE est doté, par la CNAF seulement, de 10 millions d'euros en 2010, 2011 et 2012. Les départements peuvent espérer recevoir, en moyenne, 70 000 euros !
Sur ce point, nous attendons des explications circonstanciées de la part du Gouvernement ainsi que des engagements fermes pour indemniser les départements.
En ce qui concerne le programme « Handicap et dépendance », nous observons que la budgétisation de l'AAH apparaît plus sincère cette année. Elle représente près de 7 milliards d'euros, soit plus de la moitié des crédits de la mission. Néanmoins, nous estimons qu'il est important de sécuriser cette dépense très dynamique par l'amendement que nous vous proposons.
Nous notons également un transfert de près de 47 millions d'euros aux MDPH, ce qui reflète un effort soutenu de la part de l'Etat.
Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » est de loin le plus faible de la mission, avec 18,6 millions d'euros. Notre commission des finances s'est souvent interrogée sur l'efficacité et la valeur ajoutée de certaines dépenses, compte tenu de la faiblesse des sommes prévues par rapport aux enjeux.
Pour la présente mission, les crédits d'intervention connaissent une légère diminution en 2011, mais, comme les années précédentes, ils seront « saupoudrés » entre près de 1 273 associations. Celles-ci reçoivent, en moyenne, une subvention d'environ 13 000 euros, mais le plus souvent cette somme ne dépasse pas 5 000 euros. Les associations d'envergure nationale voient, en revanche, leurs subventions maintenues à des niveaux élevés.
Nous demeurons par ailleurs dubitatifs sur les frais de gestion du programme. Nous avons calculé que pour 1,6 euro distribué sous forme de subventions, 1 euro est consommé en gestion !
Je terminerai par quelques observations sur le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » qui regroupe plus de 1,5 milliard d'euros pour un plafond d'emplois qui s'établit à 12 362 ETPT. 278 emplois seront supprimés en 2011 du fait du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Les crédits du programme sont constitués, à plus de 80 %, par des dépenses de personnel, y compris les personnels des agences régionales de santé. 160 millions d'euros sont consacrés aux moyens matériels des administrations centrales et régionales dans le champ social, de la jeunesse et des sports.
Le programme verse aux vingt-six agences régionales de santé (ARS) une subvention pour charges de service public qui s'élève à près de 550 millions d'euros. Nous regrettons que le ministère ne nous ait pas transmis d'éléments détaillés permettant de justifier le montant de cette dotation.
Au total, les crédits inscrits sur ce programme sont en diminution de 2,7 %, ce dont il faut à la fois se féliciter et se plaindre car cet effort est encore éloigné de l'objectif de 5 % annoncé par le Gouvernement.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons d'adopter nos trois amendements, d'adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi modifiés et d'adopter sans modification l'article 87 rattaché.