Intervention de Philippe Dominati

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 novembre 2010 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission recherche et enseignement supérieur et article 78 - examen du rapport spécial

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, rapporteur spécial :

C'est la première fois que je vais m'exprimer devant vous en tant que rapporteur spécial. Comme vous le savez, je n'ai eu que peu de temps pour préparer la présentation des crédits de cette mission, ainsi que l'article 78 qui lui est rattaché.

Des cinq programmes qu'il me revient plus particulièrement de commenter, le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est le plus important en taille. Il finance les plus importants organismes publics de recherche, parmi lesquels le Centre nationale de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), ou encore l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Côté crédits, il regroupe 5,132 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit 20,4 % des CP de la mission. Il affiche une diminution de 1,5 % de ses CP à périmètre constant par rapport à 2010, essentiellement en raison de la baisse des crédits budgétaires de l'Agence nationale de la recherche (- 68 millions d'euros, soit - 8,1 % comparé à l'an dernier).

Cette contraction peut étonner après plusieurs années de montée en puissance de cette agence, traduction d'un choix politique clair : faire émerger et développer une « culture de projets » au sein du monde français de la recherche.

Le ministère indique que cette évolution des crédits vise essentiellement à éviter des « doublons » entre la MIRES et l'emprunt national. Je prends acte de ces explications, mais des précisions pourront sans doute être apportées en séance, l'emprunt national n'ayant normalement pas vocation à se substituer aux crédits budgétaires.

D'autre part, l'ANR ayant été désignée comme le principal opérateur des actions du programme des investissements d'avenir, elle gèrera à ce titre 17,9 milliards d'euros de crédits, non consomptibles pour l'essentiel. Ses effectifs croîtront de 65 emplois temps plein (ETP) pour atteindre 156 ETP. Il serait bon que la ministre puisse expliquer comment l'Agence absorbe ses nouvelles missions.

Les autres opérateurs du programme, bien qu'ayant des crédits orientés à la hausse, devront néanmoins faire preuve d'une gestion rigoureuse afin d'assumer d'une part, les conséquences financières de la poursuite du « plan carrières » dont bénéficieront les chercheurs, et, d'autre part, pour certains d'entre eux, l'évolution de la part des crédits qui leur sont consentis qui devront être mis en réserve.

Sur le programme « Recherche spatiale », j'évoquerai tout d'abord l'évolution de la dette de la France à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ESA), sur laquelle, à l'initiative de Christian Gaudin, la commission des finances avait demandé une enquête à la Cour des comptes.

Comme promis l'an dernier, les crédits budgétaires vont augmenter, mais pas autant qu'annoncé devant la commission : 755 millions d'euros en 2011 au lieu de 770 millions (à comparer à 685 millions par an jusqu'en 2010). Surtout, et c'est inquiétant, cette ligne ne suffira pas pour commencer à combler le « trou ». Au contraire, la dette devrait passer à 450 millions d'euros fin 2010, puis à 500 millions fin 2011. Les documents budgétaires montrent toujours une dette ramenée à zéro fin 2015, mais au prix d'un nouvel effort financier (plus de 800 millions d'euros par an dès 2012) et, bizarrement, d'une diminution des sommes que l'ESA réclamera à la France à compter de 2012. Cette dernière hypothèse méritera d'être vérifiée en séance publique...

Au sujet des actions purement nationales, ce budget, qui est le premier du nouveau contrat Etat-Centre national d'études spatiales (CNES) 2011-2015, offre une traduction concrète du caractère prioritaire de la recherche spatiale aux yeux de l'Etat. En effet, pour ses programmes en propre, le CNES enregistre une augmentation de 15 millions d'euros de sa dotation (+ 2,6 %), ce qui le place parmi les opérateurs de la MIRES les plus favorisés de l'Etat.

En revanche, plusieurs opérateurs du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » ne connaissent pas la même évolution.

C'est, dans une certaine mesure, le cas de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont les crédits diminueront de 30 millions d'euros, qui devraient être compensée par l'instauration d'une nouvelle redevance. Le caractère régulier et incontestable de cette redevance devra être particulièrement assuré, l'IRSN ne pouvant se passer des moyens budgétaires supprimés sans compensation à due concurrence.

C'est aussi le cas du CEA, dont l'augmentation de crédits ne fait que traduire la budgétisation du dividende qu'il tirait jusqu'à présent d'AREVA (104 millions d'euros).

C'est enfin et surtout le cas de l'IFP énergies nouvelles, dont la dotation affiche ainsi une diminution de 20 millions d'euros (- 12 %). Je note qu'un rapport de revue générale des politiques publiques (RGPP) recommande à cet institut de développer ses ressources extérieures. Toutefois, je relève qu'IFP énergies nouvelles sera, en 2011, l'un des très rares opérateurs de recherche dont plus de la moitié du financement ne sera pas constituée d'une subvention étatique. Il n'est donc pas prouvé que cette réduction de crédits n'affecte pas un établissement performant, ce dont les prochains budgets devraient tenir compte...

Un dernier mot sur les avances remboursables de la filière aéronautique. Leur diminution de plus de moitié résulte, là aussi, au moins en partie, d'un transfert de charge vers le grand emprunt (en particulier pour le programme Airbus A 350).

Quelques mots enfin sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » et plus particulièrement sur OSEO Innovation. Son mode de financement est grandement simplifié dans le présent projet de loi de finances car tout passe désormais par ce programme, du fait de l'épuisement de la réserve qu'OSEO tirait de sa fusion avec l'ancienne Agence pour l'innovation industrielle (AII) en 2008. Cette budgétisation entraîne une importante augmentation apparente de crédits, de 170 millions à 285 millions d'euros dans ce budget. Mais, en tenant compte de l'effet de périmètre dont je vous ai parlé, cette augmentation correspond, en réalité, à une diminution de 26 millions des crédits d'intervention de l'agence.

Il s'agit là d'une évolution particulièrement dommageable et je ne souhaite pas que, l'année prochaine, le soutien aux PME innovantes subisse de nouvelles coupes claires.

Le programme « Recherche duale » n'appelle pas de remarque particulière.

Sous le bénéfice de ces observations, je rejoins Philippe Adnot pour recommander l'adoption sans modification des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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