Intervention de Robert Badinter

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 mai 2009 : 1ère réunion
Conférence de durban ii tenue à genève du 20 au 24 avril 2009 — Communication

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

a rappelé qu'il avait été chargé par la commission d'observer le déroulement de la Conférence de suivi de la mise en oeuvre de la déclaration et du plan d'action de la Conférence de Durban qui s'était tenue en 2001 quelques jours avant les attentats du World trade center. Il a rappelé les nombreuses manifestations de racisme qui s'étaient manifestées, non pas tant au sein de la Conférence elle-même, que parmi les ONG réunies dans un Forum tenu en parallèle. Ces manifestations n'avaient pas empêché l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne de signer les textes de la Conférence.

Il a souligné que l'attitude des pays occidentaux à l'égard de cette Conférence de suivi avait été marquée par trois interrogations, la première portant sur l'opportunité d'y participer ou pas. L'Etat d'Israël militait pour une défection massive des Etats occidentaux, alors que la France était favorable à une participation, considérant que la « politique de la chaise vide » laissait les adversaires des droits de l'Homme libres de rédiger à leur guise le communiqué final publié au nom de l'ONU. La deuxième interrogation portait sur le contenu de cette déclaration finale ; l'Union européenne avait tracé des « lignes rouges » et avait annoncé qu'elle ne consentirait en aucun cas à les franchir. Etaient ainsi prohibés la condamnation d'un Etat spécifique, la suppression de la référence à l'Holocauste, et le recours à la notion de « diffamation des religions ». Ce concept est en effet contraire au principe fondateur de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, qui accorde à chaque citoyen la liberté de croire ou non. Cette notion était par ailleurs en forte opposition avec le principe de liberté d'expression.

a estimé que l'affrontement entre ces deux conceptions avait été au coeur des débats de Genève, dans le contexte d'une revanche à prendre sur la publication des caricatures de Mahomet, perceptible particulièrement au sein de la délégation égyptienne. De leur côté, les pays occidentaux souhaitaient voir prohiber l'homophobie, ce qui n'avait pu être obtenu.

a déploré que les pays occidentaux, et particulièrement la France, n'aient pas conscience du vif conflit opposant deux conceptions antagonistes des droits de l'Homme au sein des instances de l'ONU. Ce conflit idéologique oppose les tenants de l'universalisme à ceux du multiculturalisme ; il a comparé la vigueur de cet affrontement à celui qui avait opposé les blocs de l'Est et de l'Ouest sur les droits réels ou les droits formels de l'homme durant la Guerre froide. Il a estimé que, au sein du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, les multiculturalistes étaient majoritaires, avec les pays islamistes rassemblés au sein de l'OCI (organisation de la conférence islamique) appuyés par des pays comme la Chine ou le Venezuela.

Ces oppositions expliquent la longueur des négociations pour la rédaction du document final sous présidence libyenne de la Conférence. Celle-ci n'a pu sortir de l'impasse que grâce à un facilitateur russe qui a su trouver les voies d'un compromis. In fine, l'accord final de la Conférence de suivi a respecté les lignes rouges tracées par l'Union européenne.

La troisième interrogation portait sur l'opportunité de signer ou non la déclaration finale. En France, le Président de la République et le ministre des affaires étrangères et européennes étaient favorables à une signature, tout comme les grandes ONG, qui considèrent qu'un texte, même imparfait, peut toujours constituer une référence opposable à ses auteurs.

a cité en exemple la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, conclue par l'accord d'Helsinki de 1975, dont la troisième « corbeille » était consacrée aux droits de l'Homme, et avait été abondamment utilisée par les dissidents des pays de l'Est comme référence morale et internationale contre les gouvernements signataires. De même, le texte de la Conférence de Genève permettra de protéger les minorités ethniques et religieuses contre les tenants de la persécution religieuse et de l'intolérance.

a déploré la division des pays membres de l'Union européenne qui n'ont pas adopté une attitude unique : en effet, l'Italie a manifesté, dès le début de la Conférence, son refus de signer, l'Allemagne, comme les Pays-Bas, se sont ralliés à cette position après des hésitations ; quant aux Etats-Unis d'Amérique, ils n'avaient pas signé la déclaration finale de Durban I et ont donc adopté la même attitude pour Durban II.

a néanmoins estimé que la participation des pays occidentaux à cette Conférence de Durban II avait été positive et que le document final, même imparfait, méritait d'être signé.

Evoquant la déclaration provocante du Président iranien à l'ouverture de cette Conférence, il a constaté qu'elle avait été ovationnée par les représentants de certains Etats islamistes, et a considéré qu'il aurait été opportun qu'une personnalité politique occidentale, comme la secrétaire d'Etat française aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, lui réponde, en soulignant que l'Iran figure parmi les pays qui attentent le plus aux droits de l'Homme, avec un nombre croissant d'exécutions capitales, touchant non seulement des femmes, mais également des adolescents mineurs au moment des faits incriminés.

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