Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 13 mai 2009 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

a rappelé que sa collègue, Mme Monique Cerisier-ben Guiga et lui étaient allés à Bagdad, un mois auparavant, et qu'ils revenaient de l'Iraq du nord, ou « Kurdistan », et de Turquie. Sur le point de partir aux Etats-Unis, ils achèveraient leur mission sur un déplacement à Bruxelles en juin prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

a ensuite indiqué que, selon lui, trois sujets dominaient la situation au Moyen-Orient : le conflit israélo-palestinien, le programme nucléaire militaire iranien et l'avenir de l'Iraq.

Jusqu'en 2007, l'avenir de ce pays restait obscur. Depuis, un renversement s'est produit dont on peut se demander s'il ne finira pas par transformer « l'erreur historique » des Etats-Unis d'envahir l'Iraq en succès. Trois questions se posent : la pacification est-elle réelle ? Survivra-t-elle au départ des forces américaines ? Comment le nouvel Iraq s'insérera-t-il dans son nouvel environnement régional et international ?

A la première question, que tout le monde se pose, de savoir si la sécurisation est un mythe ou une réalité, M. Jean-François-Poncet, rapporteur, a clairement apporté une réponse positive dans trois domaines : la sécurité, la démocratisation et la question nationale.

A l'appui de sa réponse, il a tout d'abord indiqué que l'amélioration était sensible sur le plan de la sécurité. Cette affirmation résulte des informations convergentes et croisées de l'ambassade de France à Bagdad, des personnalités iraquiennes, ainsi que du général américain Raymond T. Odierno. Quatorze provinces sur dix-huit sont sécurisées. Quatre ne le sont pas encore, mais sont en passe de le devenir, notamment celle de Mosoul et celle de Diyala à la frontière avec l'Iran. Alors qu'on comptait cent morts par mois en 2008, il n'y en a plus aujourd'hui que dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

En second lieu, Al Qaïda semble avoir été défait. Certes, des cellules dormantes sont encore présentes ici ou là et conservent une capacité offensive. Mais, globalement, les interlocuteurs rencontrés considèrent qu'Al Qaïda a perdu la partie en Iraq. Quand on emprunte la route qui va de l'aéroport de Bagdad à l'hôtel Racheed, qui était terriblement dangereuse et que les forces américaines ont eu beaucoup de mal à sécuriser, on traverse une ville en état de siège, mais sans assiégeants. Toute la structure urbaine témoigne de ce combat : les murs, les ralentisseurs, les check points. Des membres du Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) assurent en permanence la sécurité de l'ambassade et l'ambassadeur ne peut se déplacer qu'en convoi. La mission a passé la nuit à Bagdad sous la surveillance permanente de ces mêmes membres du GIGN dont M. Jean François-Poncet, rapporteur, a souligné les très grandes qualités de courage, de courtoisie et de professionnalisme. Mais il a précisé que la mission n'avait jamais été menacée, qu'elle n'avait jamais entendu un coup de feu, ni une explosion.

Cette situation s'explique d'abord par les renforts (« surge »). Les forces américaines en Iraq sont passées de 110 000 à 150 000 personnes, ce qui leur a permis d'occuper le terrain et de ne pas laisser les rebelles reprendre possession des lieux après une intervention. Le second élément est le retournement, moyennant finance, des tribus sunnites en faveur des Etats-Unis : 90 000 combattants sunnites rémunérés trois cents dollars par jour ont ainsi été enrôlés dans les « conseils de réveil » ou « sahwa ». Pourquoi ces tribus sunnites se sont-elles retournées contre Al Qaïda ? Sans doute à cause des exactions et des attentats aveugles qui ont fini par devenir insupportables. Les conseils de réveil ont joué un grand rôle dans l'élimination d'Al Qaida et dans la pacification du territoire.

La stabilisation démocratique est une deuxième évolution positive. L'Iraq a connu cinq élections authentiques depuis 2005. Les élections législatives doivent se tenir en décembre prochain. Le régime est parlementaire, avec une assemblée unique. Cette assemblée est vivante. Elle est le théâtre des affrontements entre les uns et les autres, qui auparavant avaient lieu dans la rue. Cela résulte en particulier de la scission des mouvements représentant les Chiites entre le Conseil supérieur de l'Islam de el Hakim, le parti Da'wa, qui est celui du Premier ministre el Maliki, et, enfin, le mouvement sadriste, qui avait sa propre milice, bien connue sous le nom d'« armée du Mahdi ». Cette scission permet des combinaisons parlementaires entre les Chiites et les Sunnites qui ouvrent considérablement le jeu politique au-delà des divisions ethniques ou communautaires.

Enfin, il y a une stabilisation nationale. Une des grandes questions que l'on se posait était de savoir si le pays n'allait pas éclater en trois : un Kurdistan au nord, un Etat chiite au sud et un Etat sunnite au milieu. Il est possible, aujourd'hui, de répondre à cette question par la négative. Cela est dû à un homme, le Premier ministre Nouri el Maliki, que la mission n'a pu rencontrer à Bagdad car il était au sommet de Doha.

M. el Maliki s'est peu à peu imposé comme un homme d'Etat. Son intervention à deux reprises contre ses coreligionnaires chiites lui a conféré cette stature : une première fois à Bassora, dans le Sud, en réprimant une tentative séparatiste, et une deuxième fois dans une banlieue peuplée de Bagdad, Sadr city, en éliminant l'armée du Mahdi. Cette intervention d'un leader chiite contre d'autres Chiites lui a donné une sorte de consécration nationale, même si la stature qu'il a acquise, conjuguée à son goût du pouvoir, fait qu'il a beaucoup d'adversaires. Il a défendu les intérêts de l'Iraq et contribué à l'éveil d'une conscience nationale. En définitive, on peut dresser un bilan globalement positif de son action.

La question majeure est de savoir ce qui se passera après le départ des Américains. Les 150 000 hommes des forces américaines devraient se retirer complètement des villes d'ici à la fin du mois de juin 2009 et complètement du pays à la fin du mois de novembre 2011. Aucune base ne serait laissée en Iraq. L'ambassadeur de Grande-Bretagne, rencontré par la mission, a confirmé ce schéma mais n'a pas écarté l'hypothèse qu'il soit modifié à la demande du gouvernement iraquien, qui pourrait, le moment venu, demander aux forces américaines de rester plus longtemps.

Quelles sont les incertitudes ? Elles sont au nombre de quatre : politiques, sécuritaires, sur le problème kurde et sur les questions économiques et de développement.

La première d'entre elles est l'incertitude politique. Le Premier ministre Maliki s'est imposé. Mais ses succès comme son autoritarisme ont suscité de fortes oppositions. La mission a discerné un mouvement que l'on pourrait qualifier de « tout sauf Maliki ». En décembre 2009, il y aura des élections générales. M. Maliki devra trouver une majorité pour le soutenir, alors même qu'il risque d'avoir à affronter une convergence de ses ennemis : les Kurdes, les Sunnites, les autres factions chiites.

La deuxième incertitude concerne les forces armées et de sécurité : 600 000 hommes sont répartis entre l'armée, la police nationale et les polices locales. Ces forces, qui n'ont jamais opéré sans le secours des forces américaines, seront-elles capables de maintenir l'ordre après le départ de ceux qui les ont formées ? Selon le général Raymond T. Odierno, 75 % des forces irakiennes sont considérées comme sûres, 20 % comme incertaines et 5 % ne sont pas fiables. Par ailleurs, les conseils de réveil sunnites sont désormais rattachés au gouvernement à majorité chiite. Cette situation perdurera-t-elle ? Il serait catastrophique qu'il n'en soit pas ainsi. Certains attentats récents ont révélé des failles dangereuses.

Troisième incertitude : l'attitude des Kurdes. C'est sans doute le problème le plus sérieux. Les Kurdes sont concentrés dans le nord du pays, qui est une région montagneuse. Ils ont joué un rôle considérable dans l'implantation du régime. Massoud Barzani est un leader charismatique. Il est le président incontesté du Gouvernement régional kurde (GRC), tandis que M. Jalal Talabani, fondateur de l'Union patriotique du Kurdistan, est Président de la République d'Iraq. Le Kurdistan couvre actuellement trois régions et dispose d'importantes ressources pétrolières. Il s'est doté d'une armée depuis 1991, qui ne dispose pas d'armes lourdes, mais qui, avec ses 300 000 hommes (les Peshmergas) assure une sécurité remarquable dans la région ; plusieurs fois les Peshmergas ont été appelés à Bagdad pour assurer la sécurité du Parlement et des hommes politiques, en particulier du Président de la République, car ce sont des hommes sur lesquels on peut compter.

Les dirigeants kurdes s'opposent à une modification de la Constitution qui, en renforçant le centralisme du pouvoir, leur ôterait une partie de leur autonomie. Ils ont des revendications territoriales, en particulier sur Kirkouk, qui conduiraient, si elles étaient acceptées, à doubler la superficie actuelle du Kurdistan, actuellement de l'ordre de 40 000 km², soit autant que la Suisse. Kirkouk, notamment, constitue un abcès de fixation. Cette ville de 700 000 habitants est actuellement peuplée, à parts égales, de Kurdes, d'Arabes chiites implantés par Saddam Hussein dans le cadre d'une politique forcée et brutale d'arabisation, et de Turcomènes. Enfin, le Kurdistan dispose d'un aéroport international à Erbil.

Les revendications des Kurdes se heurtent à un refus de Bagdad et provoquent une grande nervosité chez les Turcs. Les représentants kurdes rencontrés par la mission disent avoir renoncé à l'indépendance, mais pas à Kirkouk. Ils s'opposent à Bagdad et au Premier ministre Maliki. Ils réclament l'application de l'article 140 de la Constitution qui prévoit la « normalisation », c'est-à-dire le retour des Kurdes à Kirkouk, le recensement et un référendum.

Ces affirmations ont conduit la mission à se rendre en Turquie pour sonder la position des autorités de ce pays sur ce sujet. Il faut savoir que les Turcs ont noué d'excellentes relations d'affaires avec les Kurdes, depuis que Massoud Barzani a renoncé à soutenir le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). Vingt millions de Kurdes vivent en Turquie, six en Iraq, six en Syrie, douze en Iran. Sans aboutir nécessairement à une sécession, le problème kurde fait peser une menace sur l'avenir du pays.

Enfin, se pose le problème de la reconstruction, jusqu'alors éludé par la prévalence des préoccupations sécuritaires. Il faudra soixante milliards de dollars pour remettre en état les infrastructures. La production de pétrole, actuellement à peine supérieure à deux millions de barils par jour, pourrait passer à six millions si l'outil pétrolier est rénové, ce qui suppose également des investissements considérables de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Or la loi sur le pétrole n'est pas toujours votée. Restent la modernisation et l'équipement de l'armée, dépourvue d'aviation et qui dispose de peu d'armes lourdes. La cession ou la récupération d'équipements que laisseraient les forces américaines sur place, à leur départ, ne répond pas au problème puisque ces matériels sont très usagés. Il existe donc un énorme marché potentiel d'équipements militaires.

Tout cela n'annule pas les aspects positifs, mais il est prématuré de dire que l'Iraq « s'en est sorti ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

En dernier lieu, M. Jean-François-Poncet, rapporteur, a abordé la question de l'avenir de l'Iraq dans son environnement régional et international.

A cet égard, il a indiqué que l'Iran était partout présent en Iraq. Les services secrets iraniens y ont des agents qui ont largement contribué à l'insécurité. Les dirigeants iraniens étaient hostiles à l'accord de désengagement (SOFA), signé en décembre 2008 par le gouvernement irakien et les Etats-Unis. L'Iran aurait souhaité que les Etats-Unis soient paralysés, qu'ils s'épuisent en Iraq et qu'ils ne puissent quitter le pays la tête haute.

Est-ce à dire que l'Iran va « tirer toutes les ficelles » ? Probablement pas. Les iraquiens ne le souhaitent pas, même si c'est un grand voisin avec lequel il faut compter. Néanmoins, l'influence de l'Iran en Iraq est très forte. Les deux pays sont liés par la religion chiite. Les lieux saints du Chiisme sont en Iraq : Nadjaf et Kerbala. Il est difficile de dire comment les choses évolueront.

La France a un rôle important à jouer en Iraq. La visite du Président de la République a été très appréciée en dépit de sa brièveté. La France a une bonne image, même si celle-ci a été troublée par le fait que les Français étaient opposés à l'intervention des Etats-Unis, qui a quand même permis d'éliminer Saddam Hussein, persécuteur de la majorité chiite. L'Iraq est un pays important qui a des ressources considérables.

a souhaité rendre hommage à l'équipe de l'ambassade, fort motivée, avec un ambassadeur remarquable, qui vit depuis plusieurs années dans des conditions très précaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a rappelé l'historique de la création de l'Iraq au travers des découpages successifs résultant des traités de Sèvres, de San Remo puis de Lausanne. De ce fait, et en fonction des intérêts pétroliers des puissances coloniales de l'époque, l'Iraq est une entité géographique qui ne repose pas sur une réalité nationale. Elle a observé que le système politique n'est pas un régime parlementaire tel qu'on peut l'envisager normalement et que tous les postes, tous les ministères, sont distribués exclusivement sur des critères confessionnels. M. el Maliki, en agissant contre d'autres Chiites, a probablement pensé affaiblir des rivaux de sa confession, plutôt qu'il n'a été guidé par le sens de l'Etat. Les solidarités vont d'abord à la famille, au village à la tribu, à la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

s'est interrogé sur l'importance des réserves pétrolières de l'Iraq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

lui a répondu que, moyennant une très importante modernisation, l'industrie pétrolière iraquienne, actuellement défaillante, serait tout à fait capable, à terme, de produire six millions de barils par jour, puisque, à titre de comparaison, sur des zones de production contiguës, la production saoudienne est de l'ordre de dix millions de barils par jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a précisé que le pétrole était aussi la malédiction de l'Iraq, puisque c'est à sa découverte dans les champs de Kirkouk que l'on devait la création même de l'Iraq et la non-création d'un Kurdistan, pourtant prévu par le traité de Sèvres.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

s'est enquis des motivations de l'intervention américaine en Iraq, notamment pour savoir si le pétrole en était la raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

a considéré que seuls les historiens pourraient trancher la question de savoir pourquoi les Etats-Unis ont décidé cette intervention, qui s'est soldée par la mort de 4 000 soldats américains et des dépenses de centaines de milliards de dollars, avec pour résultat une issue favorable sept ans plus tard. Il a déclaré ne pas croire personnellement que le pétrole en soit la cause principale. Selon lui, les Américains ont pensé qu'ils seraient accueillis en libérateurs et que l'Iraq serait, grâce à son pétrole, en mesure de payer les coûts de l'intervention. Ils se sont trompés sur ces deux points. Mais la faute majeure, que plus personne ne conteste, a été commise, après l'intervention, par l'administrateur Bremmer, qui, en licenciant les militaires iraquiens sans solde, a « nourri le marché de l'insurrection ». A cela s'est ajoutée la dissolution du parti Baas qui structurait l'administration et faisait fonctionner le pays. Il est très probable que, sans ces deux décisions malheureuses, l'histoire de l'intervention américaine en Iraq aurait été tout autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

a interrogé les deux rapporteurs sur la perception sur place de l'élection du Président Obama et d'un éventuel changement de direction dans la politique suivie. Il les a également questionnés sur la présence de civils dans ce conflit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

a rappelé que le SOFA avait été signé par l'administration Bush et que Barack Obama n'avait pas changé de direction, les dispositions du SOFA correspondant, du reste, à son souhait de calendrier pour un retrait. Sur le second point, il a rappelé que des conseillers civils américains étaient très présents dans les ministères.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a précisé que les sociétés militaires privées, employant presque exclusivement des non-Américains, étaient omniprésentes dans le pays. Lorsqu'on arrivera au stade des crimes de guerre, il sera très difficile de déterminer les responsabilités respectives du commanditaire ou des sous-traitants.

Elle a également précisé, à propos du rôle de la Turquie dans la région, qu'il s'agissait du seul pays à pouvoir parler à tout le monde, au Hamas, comme à Israël, sans subir l'opprobre de ce dernier. La Turquie a une diplomatie stabilisatrice dans la région. Elle est en contact avec la Syrie et tente de la séparer de son alliance avec l'Iran.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

A une question de M. Christian Cambon sur les relations de la Syrie avec l'Iraq, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que la Syrie ne s'était pas mêlée des affaires de l'Iraq, mais qu'en revanche les Jihadistes d'Al Qaïda s'étaient infiltrés par la Syrie, et qu'il n'avait pas le sentiment que ce pays ait tout fait pour les en empêcher. Il a souligné qu'aucun des pays limitrophes de l'Iraq n'avait intérêt à sa déstabilisation, ni la Syrie ni les autres.

La commission a ensuite entendu la communication de M. Robert Badinter sur la conférence de Durban II (Genève - 20-24 avril 2009).

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

a rappelé qu'il avait été chargé par la commission d'observer le déroulement de la Conférence de suivi de la mise en oeuvre de la déclaration et du plan d'action de la Conférence de Durban qui s'était tenue en 2001 quelques jours avant les attentats du World trade center. Il a rappelé les nombreuses manifestations de racisme qui s'étaient manifestées, non pas tant au sein de la Conférence elle-même, que parmi les ONG réunies dans un Forum tenu en parallèle. Ces manifestations n'avaient pas empêché l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne de signer les textes de la Conférence.

Il a souligné que l'attitude des pays occidentaux à l'égard de cette Conférence de suivi avait été marquée par trois interrogations, la première portant sur l'opportunité d'y participer ou pas. L'Etat d'Israël militait pour une défection massive des Etats occidentaux, alors que la France était favorable à une participation, considérant que la « politique de la chaise vide » laissait les adversaires des droits de l'Homme libres de rédiger à leur guise le communiqué final publié au nom de l'ONU. La deuxième interrogation portait sur le contenu de cette déclaration finale ; l'Union européenne avait tracé des « lignes rouges » et avait annoncé qu'elle ne consentirait en aucun cas à les franchir. Etaient ainsi prohibés la condamnation d'un Etat spécifique, la suppression de la référence à l'Holocauste, et le recours à la notion de « diffamation des religions ». Ce concept est en effet contraire au principe fondateur de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, qui accorde à chaque citoyen la liberté de croire ou non. Cette notion était par ailleurs en forte opposition avec le principe de liberté d'expression.

a estimé que l'affrontement entre ces deux conceptions avait été au coeur des débats de Genève, dans le contexte d'une revanche à prendre sur la publication des caricatures de Mahomet, perceptible particulièrement au sein de la délégation égyptienne. De leur côté, les pays occidentaux souhaitaient voir prohiber l'homophobie, ce qui n'avait pu être obtenu.

a déploré que les pays occidentaux, et particulièrement la France, n'aient pas conscience du vif conflit opposant deux conceptions antagonistes des droits de l'Homme au sein des instances de l'ONU. Ce conflit idéologique oppose les tenants de l'universalisme à ceux du multiculturalisme ; il a comparé la vigueur de cet affrontement à celui qui avait opposé les blocs de l'Est et de l'Ouest sur les droits réels ou les droits formels de l'homme durant la Guerre froide. Il a estimé que, au sein du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, les multiculturalistes étaient majoritaires, avec les pays islamistes rassemblés au sein de l'OCI (organisation de la conférence islamique) appuyés par des pays comme la Chine ou le Venezuela.

Ces oppositions expliquent la longueur des négociations pour la rédaction du document final sous présidence libyenne de la Conférence. Celle-ci n'a pu sortir de l'impasse que grâce à un facilitateur russe qui a su trouver les voies d'un compromis. In fine, l'accord final de la Conférence de suivi a respecté les lignes rouges tracées par l'Union européenne.

La troisième interrogation portait sur l'opportunité de signer ou non la déclaration finale. En France, le Président de la République et le ministre des affaires étrangères et européennes étaient favorables à une signature, tout comme les grandes ONG, qui considèrent qu'un texte, même imparfait, peut toujours constituer une référence opposable à ses auteurs.

a cité en exemple la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, conclue par l'accord d'Helsinki de 1975, dont la troisième « corbeille » était consacrée aux droits de l'Homme, et avait été abondamment utilisée par les dissidents des pays de l'Est comme référence morale et internationale contre les gouvernements signataires. De même, le texte de la Conférence de Genève permettra de protéger les minorités ethniques et religieuses contre les tenants de la persécution religieuse et de l'intolérance.

a déploré la division des pays membres de l'Union européenne qui n'ont pas adopté une attitude unique : en effet, l'Italie a manifesté, dès le début de la Conférence, son refus de signer, l'Allemagne, comme les Pays-Bas, se sont ralliés à cette position après des hésitations ; quant aux Etats-Unis d'Amérique, ils n'avaient pas signé la déclaration finale de Durban I et ont donc adopté la même attitude pour Durban II.

a néanmoins estimé que la participation des pays occidentaux à cette Conférence de Durban II avait été positive et que le document final, même imparfait, méritait d'être signé.

Evoquant la déclaration provocante du Président iranien à l'ouverture de cette Conférence, il a constaté qu'elle avait été ovationnée par les représentants de certains Etats islamistes, et a considéré qu'il aurait été opportun qu'une personnalité politique occidentale, comme la secrétaire d'Etat française aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, lui réponde, en soulignant que l'Iran figure parmi les pays qui attentent le plus aux droits de l'Homme, avec un nombre croissant d'exécutions capitales, touchant non seulement des femmes, mais également des adolescents mineurs au moment des faits incriminés.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a considéré que cette description reflétait fidèlement le sentiment de demi-satisfaction qui se dégageait au terme de cette Conférence. Il a jugé le document final acceptable et utile, compte tenu du contexte ayant conduit à sa signature.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

a souligné que l'absentéisme à la Conférence de Genève aurait été la plus mauvaise des réponses. Elle a relevé qu'un certain nombre de conflits n'avaient pas été réglés à Genève. En particulier, elle a déploré la vive pression s'exerçant, dans les instances internationales, pour assimiler le culturel et le religieux, et a rappelé la nécessité que les pays occidentaux restent actifs et vigilants sur la question de l'universalité des droits de l'Homme. Elle a souhaité savoir si l'Union européenne avait été représentée en tant que telle ou si la conférence en était restée au strict niveau intergouvernemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

a indiqué que cette tentative de confusion entre le culturel et le religieux était au coeur de l'affrontement idéologique, le terrain du conflit étant celui de la liberté d'expression. M. Robert Badinter a rappelé que seuls les gouvernements étaient impliqués. Il n'y a pas eu d'intervention du Haut représentant, M. Javier Solana. Toutefois, l'Union européenne était représentée par la République tchèque, présidente en exercice. Elle a considéré néanmoins qu'elle ne pouvait s'exprimer en tant que telle du fait de la division des Etats membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Puis la commission a examiné le rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 500 (2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d'origine ainsi qu'à la lutte contre les réseaux d'exploitation concernant les mineurs.

a indiqué que la France et la Roumanie avaient signé cet accord, le 1er février 2007, afin de renouveler un précédent accord conclu en 2002 pour une période de trois ans et arrivé à échéance.

Elle a rappelé que le phénomène des mineurs roumains isolés sur le territoire français avait fait son apparition à la fin des années 1990, et que cette présence se traduisait notamment par le pillage systématique des parcmètres parisiens, puis par des activités de prostitution sur la voie publique.

Elle a indiqué que, s'il était difficile d'avancer des chiffres fiables, les mineurs roumains représentaient alors l'écrasante majorité des mineurs isolés sur le sol français, avec une population estimée entre 3 000 et 5 000 personnes, provenant dans leur grande majorité d'une région située au Nord-ouest de la Roumanie, inscrite dans une longue tradition de migration. Les mineurs roumains isolés étaient particulièrement vulnérables et exposés à un basculement dans la délinquance et dans des réseaux d'exploitation.

Elle a souligné que, face à ce phénomène, les autorités françaises et roumaines avaient réagi par l'intensification de leur coopération bilatérale en matière policière, judiciaire et de protection des mineurs, ce qui s'est traduit par la signature d'une série d'accords, dont l'accord du 4 octobre 2002 relatif à la protection des mineurs roumains sur le sol français.

a indiqué que cet accord prévoyait le repérage et la protection du mineur sur le sol français, qu'il précisait que le juge des enfants pouvait décider le raccompagnement du mineur dans son pays d'origine s'il estimait que c'était la meilleure solution, qu'il formalisait la procédure de retour du mineur à laquelle les autorités roumaines prenaient une large part et qu'il mettait en place un dialogue bilatéral interministériel, avec un groupe de liaison opérationnelle, instance de coopération policière mais aussi d'examen de toute question de nature à renforcer la coopération entre les deux pays sur la question des mineurs.

Evoquant ensuite le bilan de l'accord de 2002, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a estimé qu'il était contrasté, puisqu'il avait permis une coopération bilatérale de qualité, la Roumanie ayant fait preuve d'une réelle volonté de coopération pour tenter de résoudre une question difficile. Néanmoins, le nombre de mineurs raccompagnés dans leur pays d'origine était resté très limité, entre quarante et soixante, selon les données disponibles. Elle a considéré que ce faible nombre tenait au fait que le raccompagnement n'était pas l'objectif premier de l'accord, qui visait avant tout la protection des mineurs isolés roumains sur le sol français. Par ailleurs, le délai de quatre mois prévu pour l'élaboration du projet de retour sur la base d'une enquête sociale était trop long pour satisfaire l'aspiration des jeunes concernés.

Elle a également rappelé que, en pleine période de préparation de son adhésion à l'Union européenne, la Roumanie avait vu sa situation évoluer considérablement, puisqu'elle avait adopté une loi de protection de l'enfance, modernisé la justice des mineurs et démantelé ses structures d'accueil héritées de l'ère Ceausescu, de sinistre réputation. Elle a toutefois regretté que, contrairement à ce qui était prévu dans cet accord, aucune évaluation gouvernementale n'ait été faite quant à la réinsertion de ces jeunes au sein de la société roumaine ou à leur éventuel second départ en migration.

a ensuite évoqué les raisons ayant conduit la France à conclure un nouvel accord en 2007.

La première raison tient à l'arrivée à échéance en février 2006 de l'accord de 2002, conclu pour une durée de trois ans. Elle a souligné que le groupe de liaison opérationnelle avait cessé de se réunir en formation bilatérale et qu'aucune demande d'identification de mineur, qui ne dépend pourtant pas de l'accord, n'était intervenue en 2007, la dynamique initiale s'était donc quelque peu épuisée.

La deuxième raison vient du fait que la Roumanie est entrée dans l'Union européenne le 1er janvier 2007 et que ce pays répond par conséquent en principe aux standards européens en matière de protection de l'enfance.

Elle a souligné que le nouvel accord de 2007 reprenait pour l'essentiel les termes de l'accord de 2002 en faisant une plus large place aux autorités roumaines dans la procédure de retour. Elle a indiqué que cet accord visait à accélérer cette procédure en prévoyant une modification substantielle, puisque si l'accord de 2002 confiait au seul juge des enfants la responsabilité d'autoriser le rapatriement du mineur, au titre de sa compétence pour tout ce qui concerne l'assistance éducative, l'article 4 de l'accord de 2007 modifiait la répartition des pouvoirs entre siège et parquet en prévoyant que le parquet des mineurs peut faire droit à une demande de rapatriement du mineur de la part des autorités roumaines, l'intervention du juge des enfants restant donc possible, mais n'étant plus systématique.

Elle a rappelé que, en droit interne, le parquet disposait de la capacité de prendre des mesures de protection en cas d'urgence, ces mesures devant, en application du code civil, être confirmées ou rapportées par le juge des enfants dans un délai de huit jours. Elle a estimé qu'il était peu probable, même si les autorités roumaines faisaient preuve de diligence, que la demande de raccompagnement intervienne pendant le délai de retenue du mineur. Dans l'hypothèse où le mineur n'est plus localisé à la réception de la demande roumaine, l'accord prévoit qu'il sera inscrit au fichier du système d'information Schengen et pourra être raccompagné sur instruction du parquet en cas de découverte ultérieure.

S'interrogeant sur la position qu'il convient d'adopter sur cet accord, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a d'abord souligné que le phénomène des mineurs roumains isolés sur le territoire français avait connu une nette décrue depuis 2002 en volume, les populations de mineurs isolés étaient aujourd'hui majoritairement afghanes, kurdes, chinoises ou encore africaines, et que ce phénomène avait profondément changé de nature. Les mineurs d'aujourd'hui sont majoritairement des roms, pas seulement roumains, mais provenant essentiellement de l'ex-Yougoslavie, ce qui n'était pas le cas en 2002, et ils ne sont pas isolés, mais le plus souvent en famille. Elle a considéré que le problème était plutôt celui des itinérants, en particulier des roms et que cette question dépassait de loin le cadre du présent accord.

Elle a également estimé que le fait que le juge des enfants, autorité compétente pour les mesures de protection, n'intervienne plus systématiquement, soulevait une réelle difficulté, à plusieurs niveaux :

- sur le plan des principes, les mineurs étrangers isolés sont placés, comme tous les mineurs, sous la protection du juge des enfants. Notre droit interdisant les mesures d'éloignement à l'encontre des mineurs, l'exécution d'une demande de raccompagnement des autorités roumaines, sans que soit acquis devant le juge des enfants sinon le consentement du mineur, du moins son ralliement à cette solution, qui peut intervenir plusieurs mois après la présentation au parquet, prendrait potentiellement la forme d'un éloignement ;

- sur le plan pratique, le mineur ne peut être raccompagné par la police puisqu'il ne s'agit pas d'une mesure d'éloignement ;

- et, enfin, sur son efficacité, compte tenu du fait que, dans un espace de libre-circulation, et dans le cas d'un retour qui ne recueillerait pas l'adhésion du mineur concerné, le risque est élevé de le voir de nouveau sur le sol français quelques semaines ou quelques mois plus tard si les conditions qui l'ont conduit à quitter son pays n'ont pas changé.

Elle a estimé que les jeunes roms représentaient une véritable difficulté et un défi pour l'Europe entière, et qu'il n'était pas certain que la Roumanie soit la mieux armée pour faire face à ce phénomène. Elle a rappelé que le ministre de l'immigration, M. Eric Besson, avait annoncé la création d'un groupe de travail interministériel sur les mineurs étrangers isolés, qui doit rendre ses conclusions en juillet prochain.

En conclusion, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a estimé que cet accord soulevait plusieurs incertitudes, tant sur sa nécessité compte tenu de la très forte décrue numérique du phénomène des mineurs roumains isolés et de l'existence d'un dispositif de droit commun, que sur le plan juridique pour ce qui concerne le rôle du juge des enfants et l'intervention nouvelle du parquet et le consentement du mineur, ou encore quant à son efficacité si le retour est insuffisamment préparé dans un contexte de libre circulation des personnes.

Pour ces raisons, elle a fait part à la commission de ses fortes interrogations sur l'opportunité de cet accord, en estimant qu'un tel sujet mériterait davantage d'être traité à l'échelle de l'Union européenne que dans un cadre bilatéral.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

a déclaré partager les fortes préoccupations du rapporteur sur le contenu et l'utilité de cet accord. Il a estimé que le phénomène des mineurs isolés, souvent roms, issus de Roumanie, mais aussi d'Albanie, de l'ex-Yougoslavie ou d'autres pays tiers, était un problème majeur pour l'ensemble de l'Europe, qu'une approche strictement bilatérale était inefficace compte tenu de la liberté de circulation des personnes et qu'il fallait donc privilégier une action à l'échelle du continent, dans le cadre de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe. Il a également regretté le fait que cet accord méconnaisse les pouvoirs du juge des enfants en matière de protection et d'assistance éducative des mineurs isolés au profit du parquet des mineurs. Il a jugé que cette mesure s'inscrivait dans un contexte plus général du transfert des pouvoirs judiciaires du siège au parquet, qui, par son mode de fonctionnement comme par son statut et ses relations avec le pouvoir exécutif, s'apparente davantage à une autorité administrative qu'à une autorité judiciaire.

Sur proposition de son rapporteur, la commission a alors décidé de reporter sa décision. Elle a demandé au rapporteur de poursuivre ses investigations et de faire rapport à une date ultérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Puis la commission a examiné le rapport de M. Michel Boutant sur le projet de loi n° 351 (2008-2009) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Emirats Arabes Unis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

en remplacement de M. Michel Boutant, rapporteur, a rappelé que cet accord portait sur l'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Emirats Arabes Unis.

Il a d'abord décrit le système politique et juridique des Emirats Arabes Unis et l'état des relations avec la France.

Il a rappelé que les Emirats Arabes Unis étaient une fédération de sept émirats, dont les plus importants sont Abou Dhabi et Dubaï, qui a été créée en 1971, après le départ des Britanniques de la péninsule arabique.

Il a précisé qu'il s'agissait d'un Etat prospère et stable, peuplé d'environ 6 millions d'habitants, qui détient 10 % des réserves mondiales de pétrole, les quatrièmes réserves mondiales de gaz, et dont le PIB par habitant est l'un des plus élevés au monde.

Il a indiqué que le gouvernement fédéral comprenait un Conseil suprême, composé des sept émirs, et un conseil des ministres, l'émir d'Abou Dhabi présidant traditionnellement la fédération, tandis que celui de Dubaï est Premier ministre, et que, en 2006, des élections au suffrage universel indirect avaient eu lieu pour l'élection de la moitié des 40 membres du Parlement, dénommé Conseil national fédéral.

Evoquant ensuite l'organisation de la justice, M. Jean-Louis Carrère, en remplacement de M. Michel Boutant, rapporteur, a indiqué que, si quatre émirats ont choisi de transférer la totalité de leurs compétences judiciaires à l'Etat fédéral, trois émirats (Abou Dhabi, Dubaï et celui de Ras al Khaimah) ont choisi au contraire de conserver leur propre système judiciaire, l'Etat fédéral n'intervenant que pour les crimes fédéraux, comme le blanchiment d'argent, le terrorisme ou l'immigration illégale.

Il a également précisé qu'il existait dans les Emirats un réseau de tribunaux de la Charia, qui sont notamment compétents pour les affaires de statut personnel, ce qui engendre parfois des conflits avec les tribunaux de droit commun.

Il a rappelé que le système judiciaire des Emirats Arabes Unis, s'il a été fortement influencé par le droit anglo-saxon et les traditions juridiques égyptiennes, avait pour fondement l'Islam, qui dispose du statut de religion d'Etat et que la peine de mort subsistait pour certaines infractions, comme l'homicide, le viol, le trafic de drogue ou l'apostasie, même si les condamnations ne sont pas toujours appliquées et que le droit pénal des Emirats prévoyait également des châtiments corporels pour certaines infractions, comme les « relations sexuelles illicites », c'est-à-dire hors mariage.

Il a toutefois fait observer que la Cour d'appel d'Abou Dhabi avait, par un arrêt du 11 mars 1996, écarté l'application de la Charia pour les non-musulmans et que neuf citoyens français étaient détenus actuellement aux Emirats.

en remplacement de M. Michel Boutant, rapporteur, a ensuite évoqué les relations politiques et économiques entre la France et les Emirats Arabes Unis, qui sont anciennes et fortes.

Il a souligné que, conscients de leur faiblesse démographique et militaire, en particulier face à l'Iran, et tout en entretenant des relations étroites avec les Etats-Unis d'Amérique, les Emirats étaient soucieux de diversifier leurs partenaires et avaient noué des relations privilégiées avec la France.

Il a rappelé que les Emirats Arabes Unis et la France avaient signé, en 1995, un accord de défense, qu'ils constituaient un partenaire commercial stratégique de premier plan pour certains segments des industries françaises, en particulier en matière d'aéronautique ou de défense, puisque ce pays représente notre premier partenaire commercial au Moyen-Orient, un important client pour Airbus et le deuxième client pour l'industrie française d'armement, derrière l'Arabie Saoudite.

Il a également mentionné, dans le domaine de la culture et de l'éducation, l'ouverture d'une antenne de la Sorbonne aux Emirats et la construction du Louvre d'Abou Dhabi.

Enfin, il a rappelé la création de la nouvelle base militaire française d'Abou Dhabi, qui devrait être inaugurée par le Président de la République à la fin du mois.

en remplacement de M. Michel Boutant, rapporteur, a ensuite évoqué la convention sur l'entraide judiciaire en matière pénale, dont il a estimé qu'elle était relativement classique dans son contenu, mais dont il a souligné qu'elle était la première conclue avec un pays de la péninsule arabique. Il a indiqué que cette convention portait sur la coopération judiciaire pénale, à l'exclusion de l'extradition, qui fait l'objet d'une convention distincte, et que le texte prévoyait que les deux parties s'accordent mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible dans toutes les procédures pénales.

Il a souligné que les motifs de refus comprenaient, de manière classique, le risque d'atteinte à la souveraineté, la sécurité, l'ordre public ou d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis, ainsi que le caractère politique de l'infraction, ce qui fait que la France pourra opposer une fin de non-recevoir à une demande d'entraide émanant des autorités émiraties, notamment, lorsque l'infraction pour laquelle l'entraide pénale est demandée est passible de la peine capitale ou de châtiments corporels. Il en sera de même lorsque l'infraction est, par sa nature même, contraire au respect des droits fondamentaux, comme par exemple l'apostasie, lorsque des poursuites ont été engagées en raison des opinions politiques ou religieuses ou des convictions philosophiques de la personne concernée, lorsque l'acte demandé est, de par sa nature, contraire à l'ordre public, ou encore lorsque les informations demandées sont protégées par le secret de la défense nationale.

En conclusion, M. Jean-Louis Carrère, en remplacement de M. Michel Boutant, rapporteur, a estimé que cette convention permettra de développer la coopération judiciaire pénale entre la France et les Emirats Arabes Unis, par exemple en matière de lutte contre le terrorisme ou de lutte contre le blanchiment d'argent, tout en préservant les principes fondamentaux du droit pénal français et la protection de nos ressortissants.

Il a également souligné l'intérêt de nouer une coopération en matière judiciaire dans une région où le droit romano-germanique et le système juridique anglo-saxon sont en concurrence, et considéré que cette convention participait au renforcement des relations politiques, économiques et juridiques avec un partenaire stratégique.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

a souhaité obtenir des précisions sur la convention relative à l'extradition. Il a également fait part de ses préoccupations au sujet de la peine de mort et des châtiments corporels dans la péninsule arabique. Estimant toutefois que l'accord sur l'entraide judiciaire pénale comportait des garanties sur ces aspects et qu'il participait au renforcement de la coopération avec un partenaire stratégique, il s'est déclaré favorable à l'approbation de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

En réponse, M. Jean-Louis Carrère, en remplacement de M. Michel Boutant, rapporteur, a indiqué que la convention sur l'extradition avait été disjointe de l'accord sur l'entraide, étant donné qu'elle soulevait davantage de difficultés. Il a également précisé que, depuis 2002, aucune exécution capitale n'avait eu lieu dans les Emirats Arabes Unis.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a décidé d'adopter ce projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Enfin, la commission a nommé rapporteurs :

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

sur le projet de loi n° 376 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana sur l'éducation et la langue française ;

- M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 390 (2008-2009) autorisant l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée ;

- M. Jean Milhau sur le projet de loi n° 391 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière.