Intervention de Roland du Luart

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 octobre 2009 : 1ère réunion
Implantation du tribunal de grande instance de paris — Communication

Photo de Roland du LuartRoland du Luart, rapporteur spécial :

a indiqué que son contrôle budgétaire vise à faire le point sur un dossier trop longtemps enlisé. Il a rappelé que le 29 avril 2009, le Président de la République a annoncé que le site définitivement retenu pour accueillir le prochain tribunal de grande instance (TGI) de Paris sera les Batignolles, dans le 17e arrondissement de la capitale.

Il s'est félicité que ce choix, qui recueille désormais un large assentiment, permette de mettre un terme à plusieurs années d'atermoiements.

Il a observé que, du point de vue budgétaire, le projet du futur TGI de Paris représente une masse financière considérable puisqu'il s'élève, selon les estimations, à un montant de 800 millions d'euros environ. Il a estimé que ce projet n'engage donc pas seulement le budget de la justice, mais celui de l'Etat dans son ensemble. Il a rappelé que le budget total de la mission « Justice », inscrit dans le projet de loi de finances pour 2010, est de 6,8 milliards d'euros et que le poids du TGI de Paris correspond donc à 11,7 % du budget annuel de la justice.

a rappelé que le TGI est actuellement situé sur l'île de la Cité, au 4 boulevard du Palais, et que 1 045 agents y travaillent, ainsi que 17 assistants de justice au parquet et 19 du côté du siège.

Il a ajouté que la juridiction s'étend également sur six annexes : le 11 rue de Cambrai dans le 19e arrondissement, le 30 rue du Château des rentiers et le 10 rue Charles Fourrier dans le 13e arrondissement, le 5 rue des Italiens dans le 9e arrondissement, le 6 rue Ferrus dans le 14e arrondissement, et le 77 boulevard Saint-Germain dans le 6e arrondissement.

Il a précisé que, au total, le « site historique » du TGI comprend 87 000 m² SHON (surfaces hors oeuvre nette) et que ses annexes représentent 28 600 m² SHON. Si le Palais de justice de Paris est propriété de l'Etat, il n'en va pas de même de ses annexes, pour lesquelles l'Etat est locataire.

Il a indiqué que l'actuel Palais de justice abrite la Cour de cassation, la Cour d'appel et le TGI. Il a rappelé que, dès 1995, le déménagement du TGI a été envisagé pour remédier à un manque de surface et à d'importants problèmes de sécurité et que, à cette époque, le besoin de surface avait été estimé à environ 100.000 m² pour accueillir le nouveau TGI.

a également noté que, si cette argumentation reste aujourd'hui valable, elle est par ailleurs renforcée du fait des inconvénients résultant de la dispersion des sites, cette dispersion induisant des coûts de location de l'ordre de 20 millions d'euros par an. Il a relevé que la Chancellerie et la juridiction rencontrent d'incontestables difficultés à maîtriser cette charge de loyer : non seulement le prix du mètre carré de bureaux en location à Paris est élevé mais certains choix se sont par ailleurs révélés contestables.

Il a précisé, à titre d'exemple, que le pôle financier du TGI de Paris est hébergé rue des Italiens. Il a rappelé que, en 2008, la commission des finances du Sénat a eu l'occasion de souligner le montant très élevé du bail conclu par la Cour d'appel pour ces bureaux : 5,1 millions d'euros de loyer annuel, soit 606 euros au mètre carré. Un tel niveau de loyer s'explique notamment par une renégociation tardive et précipitée du bail.

a souligné que le site du Palais de justice présente de nombreux points faibles au regard de l'accueil du public et que, s'il n'est pas possible d'isoler parfaitement le nombre de personnes fréquentant uniquement le TGI, il convient toutefois de rappeler qu'en moyenne 13 000 personnes sont reçues chaque jour au sein du Palais de justice toutes juridictions confondues (Cour de cassation, Cour d'appel et TGI). L'exiguïté des locaux met trop souvent à mal le nécessaire respect de la confidentialité des affaires.

Il a en outre considéré que le caractère historique du lieu recèle des coûts cachés non négligeables imposant, par exemple, un effort notable en matière de signalétique. Un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage est en cours sur cette question, le coût global des travaux de mise à jour étant estimé à 500 000 euros. En dépit d'efforts significatifs, l'accessibilité au public handicapé demeure lacunaire et très largement perfectible.

Il a affirmé que, pour toutes ces raisons, la pertinence d'un déménagement du TGI, vers un autre lieu plus adapté paraît incontestable.

a ensuite indiqué que, afin de concrétiser ce projet et de donner un signal politique, un établissement public a été créé. L'établissement public du Palais de justice de Paris (EPPJP), issu du décret du 18 février 2004, a pour mission de concevoir, d'acquérir, de faire construire et d'aménager les nouveaux locaux. Opérateur du programme « Justice judiciaire » au sein de la mission « Justice », cet établissement s'appuie, en 2009, sur un budget de 2 millions d'euros, versé sous forme de subventions pour charges de service public. Il compte, par ailleurs, 9 emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT).

Reconnaissant que les incertitudes affectant le projet de déménagement jusqu'à cette année ont pu amener à s'interroger sur le bien fondé de cette dépense et que l'articulation elle-même de l'établissement public avec les autres instances chargées, au sein du ministère de la justice, de mener à bien les programmes immobiliers (l'Agence pour l'immobilier de la justice et la direction des services judiciaires, notamment) a pu aussi sembler floue, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a déclaré que la décision désormais prise quant à la localisation de la future implantation du TGI va maintenant amener l'EPPJP à trouver toute sa justification et son rythme de croisière.

Il a rappelé que quatre sites parisiens ont fait l'objet d'une investigation en vue de la construction du nouveau TGI : Tolbiac, Masséna, l'Hôtel Dieu sur l'île de la Cité et les Batignolles.

Concernant Tolbiac, il a noté que la ZAC en cours d'aménagement présente une capacité d'accueil suffisante sur les 210 000 m² constructibles du site et que la desserte en transports en commun, ainsi que la liaison avec l'actuel Palais de justice, répondent également au cahier des charges du futur TGI.

Pour autant, il a relevé que le site se caractérise aussi par une grande complexité d'aménagement, les modalités de réutilisation et de mise en valeur patrimoniale de la Halle Freyssinet restant en effet à définir. Il a précisé que cet enjeu technique et économique important se double d'une gestion délicate des différences de niveaux sur le site, entre l'actuelle voirie et la dalle, et que le fonctionnement de l'équipement aurait pu en être d'autant entravé, tandis que le coût de l'opération aurait été alourdi.

Concernant le site de Masséna, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que, bien que d'une emprise plus limitée (20 000 m²), ce lieu peut néanmoins accueillir le TGI en supposant une construction de type « tour », c'est-à-dire un immeuble de grande hauteur. Toutefois beaucoup de conditions pèsent sur la disponibilité de cet espace, à commencer par le départ d'une cimenterie et la reconfiguration de la bretelle du boulevard périphérique.

Il a précisé que, à ces aléas, s'ajoutent un enclavement certain, entre le périphérique et le boulevard Masséna, et un grand éloignement des stations de métro ou de RER. En outre, le terrain en déclivité vers la Seine est situé dans le périmètre de protection des risques d'inondation, ce qui aurait nécessité de longs et coûteux aménagements.

Il a souligné que, longtemps confronté à l'impasse du choix entre ces deux sites et aux tensions entre l'Etat et la ville de Paris, le projet a paru ne devoir jamais voir le jour.

Il a indiqué qu'une proposition, visant à surmonter cette impasse au tournant de l'année 2008-2009, avait été avancée par les avocats, et notamment Maître Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris : l'Hôtel Dieu, situé sur l'île de la Cité, à proximité de l'actuel Palais de justice.

Il a ajouté que cette solution, bien que séduisante sur le papier, n'est toutefois absolument pas réaliste dans la pratique. En effet, le bâtiment fait l'objet d'un vaste programme de rénovation et de mise aux normes par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), l'objectif étant de spécialiser à terme cet établissement au centre de Paris dans les soins ambulatoires.

a estimé que, dans ce contexte, l'annonce faite par le Président de la République de retenir le site des Batignolles apparaît comme une solution techniquement viable et de nature à concilier les attentes de l'Etat comme celles de la ville de Paris.

Il a souligné que l'implantation du TGI aux Batignolles s'inscrit dans le projet de réhabilitation et de réaménagement de ce quartier du 17e arrondissement engagé par la ville de Paris. Il a rappelé que ce site aurait été destiné à accueillir le futur village olympique, si la capitale avait été choisie pour organiser les Jeux olympiques de 2012.

Il a estimé que la solution des Batignolles présente d'incontestables points forts.

Il a relevé, tout d'abord, que le terrain est entièrement de plain-pied, ce qui facilitera la construction et limitera les aménagements requis pour la mise en sécurité du bâtiment. Il a souligné que, en outre, le TGI pourra trouver sa place dans un environnement urbain en pleine mutation, à proximité de programmes de logement et d'espaces verts notamment. Il a ajouté que les autres opérations de la ZAC seront distinctes et n'impacteront pas directement le site, tout en étant largement complémentaires.

a par ailleurs relevé que l'emprise foncière disponible permet d'envisager un bâtiment répondant au cahier des charges du TGI, à condition de construire en hauteur.

Il a souligné que le projet englobera non seulement le TGI mais aussi certains services dépendants de la Préfecture de police de Paris, pour faire de ce lieu plus qu'une simple juridiction : une véritable Cité judiciaire dans Paris intra muros.

Tout en se félicitant du consensus politique qui a pu se dégager autour de la solution des Batignolles (qui réunit l'Etat, le maire de Paris et le maire du 17e arrondissement), il a souligné deux conditions nécessaires, si ce n'est suffisantes, pour assurer la pleine réussite de ce projet.

Il a tout d'abord estimé nécessaire que la desserte des Batignolles soit impérativement améliorée. En effet, il a noté que la saturation de la ligne 13 du métro et le trajet très long du RER C pour se rendre à l'île de la Cité rendent indispensables l'extension de la ligne 14 vers la porte de Clichy, avec un arrêt non loin du TGI.

Il a ajouté que le prolongement de la ligne T3 du tramway, prévu actuellement entre la porte d'Ivry et la porte de la Chapelle, pourrait également être envisagé jusqu'à la porte de Clichy. Le coût de cette opération pourrait faire l'objet d'un cofinancement par l'Etat, au regard du motif d'intérêt général du projet.

a relevé que la prise en compte du point sensible que constitue la desserte du futur TGI est de nature à faciliter les conditions d'accès pour les justiciables, mais aussi à permettre de lever les réserves des avocats parisiens, encore réticents à l'idée d'un Palais de justice aux Batignolles. Bien qu'attachés à l'île de la Cité, ces avocats sauront faire une nouvelle fois la preuve de leur capacité d'adaptation, et cela d'autant plus que nombre de cabinets sont installés dans le 17e arrondissement de Paris.

Il a ensuite indiqué que le mode de financement de ce projet devra être soigneusement étudié et que de ce point de vue, la voie du partenariat public-privé (PPP) paraît devoir être privilégiée. Elle permettrait de faire supporter l'investissement initial conséquent par un opérateur privé, moyennant des remboursements sur une longue période.

Il a ajouté que le ministère de la justice dispose déjà d'une certaine expérience en la matière, puisque la construction d'établissements pénitentiaires relève de ce type de financement, mais qu'il s'agirait toutefois d'une première s'agissant d'un Palais de justice.

Il a estimé que cette solution présenterait en tout cas l'avantage de gagner du temps sur l'achèvement du projet : un an et demi à deux ans gagnés en moyenne grâce au PPP par rapport à un montage plus « classique ». Il a en outre jugé que le dialogue compétitif conduit à cette occasion permettrait de réduire de manière très significative les risques de contentieux ultérieurs et d'associer toutes les parties prenantes au projet.

s'est félicité que le projet de nouveau TGI à Paris semble bien être définitivement sorti de l'ornière dans lequel il était enlisé depuis plusieurs années. Il a relevé que ce déménagement répond à un vrai besoin, exprimé tant par les magistrats et les fonctionnaires de justice que par les autres professionnels du droit au premier rang desquels les avocats.

Il a remarqué que ce projet, dont les étapes seront encore nombreuses avant une inauguration prévue au tournant de l'année 2015, est considéré comme « hors réforme de la carte judiciaire ». A lui seul, il représente un enjeu financier près de deux fois plus lourd que l'ensemble de la réforme de la carte judiciaire. Sa réussite se devra d'être exemplaire afin d'incarner au mieux la justice moderne et le service public de qualité que chaque justiciable appelle de ses voeux.

Il a ajouté que la nature même de ce projet pourrait d'ailleurs inciter à le financer grâce à une part du produit du futur « Grand emprunt » contracté par l'Etat. L'objectif de réunir en un même lieu le TGI et des services de la Préfecture de police de Paris, tout en participant au financement du prolongement du tramway parisien, paraît en effet en mesure de répondre aux critères d'intérêt national qui orienteront les ressources de ce « Grand emprunt ».

Un large débat s'est alors instauré.

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