Intervention de Bruno Le Maire

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 octobre 2009 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2010 — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'alimentation de l'agriculture et de la pêche

Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche :

a formulé à titre liminaire trois remarques générales.

Il a tout d'abord souligné la situation difficile de l'agriculture française, qui traverse une crise sans précédent au cours des trente dernières années. Il a ensuite évoqué l'évolution considérable des attentes à l'égard de l'agriculture : la productivité n'est plus une finalité en soi et les exigences en matière de sécurité alimentaire, de respect de l'environnement et d'aménagement des territoires sont de plus en plus grandes aujourd'hui. Enfin, il a insisté sur le retour en grâce de la régulation, dans un contexte de crise économique grave et, plus largement, d'interdépendance croissante des économies. La question de la régulation des marchés agricoles nécessite donc un traitement à un niveau supranational, qu'il s'agisse de l'Union européenne (UE) ou du G20 et des grandes organisations multilatérales. Il s'est félicité du rôle moteur joué par la France à cet égard.

a indiqué que le projet de budget pour l'année 2010 du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche vise à relever les nouveaux défis de l'agriculture française. Cet engagement se traduit par une dotation d'un peu plus de 5 milliards d'euros pour le ministère, soit une hausse de 5,9 % par rapport au plafond de crédits prévu dans le cadre des perspectives budgétaires pluriannuelles pour la période 2009-2011. L'augmentation au regard de ce même plafond s'élève à 9,2 % pour la seule mission budgétaire « agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

S'agissant des grands projets de réforme décidés à l'occasion de la RGPP, le ministère participe à plusieurs chantiers de modernisation de l'Etat, qui devront in fine déboucher sur des économies :

- la réorganisation des services déconcentrés du ministère, conduisant à la création en 2009 des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), ainsi qu'à la poursuite des fusions entre services départementaux de l'équipement et de l'agriculture, qui prendront le nom de directions départementales des territoires (DDT) ;

- la fusion de la plupart des grands offices agricoles au sein d'un nouvel office unique dénommé « FranceAgriMer » ;

- la création de l'agence de services et de paiement (ASP), issue de la fusion entre le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) et l'agence unique de paiement (AUP).

a relevé ensuite la survenue de quatre événements majeurs qui nécessitent une traduction dans le budget du ministère :

- l'accord conclu en novembre 2008 entre les Etats membres de l'UE à l'occasion du bilan de santé de la politique agricole commune (234 millions d'euros) ;

- les crises spécifiques apparues dans de nombreuses filières, comme le lait ou les fruits et légumes (188 millions d'euros) ;

- la mise en place en 2010 de la taxe carbone, qui fait l'objet d'un remboursement aux agriculteurs (172 millions d'euros dont 43 millions d'euros sur le budget du ministère lui-même) ;

- le passage de la tempête Klaus en janvier 2009.

a fait valoir que le projet de loi de finances pour 2010 comporte plusieurs mesures en faveur du revenu des agriculteurs. La prime nationale supplémentaire à la vache allaitante (PNSVA) sera ainsi maintenue, pour un montant de 165 millions d'euros. L'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) sera, quant à elle, revalorisée de 19 millions d'euros, ce qui la portera à un total de 248,1 millions d'euros l'an prochain. Afin de favoriser la diversification des assolements, le secteur des grandes cultures bénéficiera d'une aide rotationnelle de 300 millions d'euros sur cinq ans.

Par ailleurs, il a confirmé le soutien apporté à l'agriculture biologique, à la suite des engagements pris lors du Grenelle de l'environnement. Outre les 3 millions d'euros consacrés au fonds de structuration des filières de l'agence Bio et les 12 millions d'euros destinés à la mise en oeuvre du plan de développement de l'agriculture biologique, une enveloppe supplémentaire de 15 millions d'euros sur cinq ans a ainsi été prévue pour soutenir la conversion des exploitations agricoles. L'augmentation de 36 % entre 2007 et 2009 de la part des superficies cultivées en agriculture biologique dans la superficie agricole totale témoigne de l'impact positif de ces dispositifs.

a confirmé la poursuite des mesures de soutien à l'installation des jeunes agriculteurs. La dotation pour les prêts à l'installation ainsi que la dotation jeunes agriculteurs (DJA) augmentent ainsi de 4,5 millions d'euros par rapport à 2009 pour atteindre un total de 134,5 millions d'euros.

Il a ensuite annoncé que la dotation au titre des aides aux filières de production sucrière des départements d'outre-mer (DOM) sera portée de 56 à 90 millions d'euros, en vue de compenser la baisse du prix du sucre décidée dans le cadre de la réforme de l'organisation commune du marché du sucre (OCM sucre).

Pour ce qui concerne la gestion des crises, les crédits sont stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Toutefois, les mesures d'urgence spécifiques annoncées pour les différentes filières sont renforcées. L'assurance récolte, qui représente un instrument efficace, verra quant à elle sa dotation atteindre 38,1 millions d'euros en 2010, soit une augmentation de 6,1 millions d'euros. La mise en place de mécanismes assurantiels efficaces devient une nécessité cruciale, qui devra trouver sa traduction dans la future loi de modernisation de l'agriculture.

Les crédits dévolus au secteur de la pêche et de l'aquaculture permettront de renforcer les contrôles ainsi que l'expertise halieutique et de poursuivre le financement des actions du plan pour une pêche durable et responsable (PPDR). Ces crédits viseront également l'amélioration de la compétitivité des filières pêche et aquaculture dans le respect de l'environnement.

Enfin, les efforts en faveur des forêts françaises sont poursuivis avec une dotation de 340,7 millions d'euros en 2010. Celle-ci comprend notamment une enveloppe de 50,3 millions d'euros destinée à accompagner et à renforcer la filière bois suite au passage de la tempête Klaus.

a en outre confirmé son souhait de mettre en place une véritable politique publique de l'alimentation appuyée sur les moyens adéquats. Depuis le 1er janvier 2009, les DRAAF ont ainsi vu leurs compétences élargies à l'alimentation et la sécurité sanitaire. En leur sein ont été créés des services régionaux de l'alimentation (SRAL) et des pôles « nutrition et offre alimentaire ». Pour donner à ces services les moyens de leurs ambitions, la nouvelle action « Qualité de l'alimentation et offre alimentaire », créée en 2009, bénéficiera en 2010 de 2,96 millions d'euros de crédits, soit une augmentation de 30 %.

Il a précisé que le développement durable est une priorité nationale à laquelle l'agriculture, la sylviculture et la pêche doivent participer. Ces secteurs seront donc soumis à la contribution « climat-énergie », mais bénéficieront d'un remboursement à hauteur de 75 % de la taxe acquittée en 2010. Afin de soutenir la trésorerie des agriculteurs, ce remboursement prendra la forme d'un acompte versé dès le début de l'année prochaine. Pour assurer la transition vers une agriculture moins polluante, 38 millions d'euros seront ainsi consacrés en 2010 à la mise en oeuvre du Plan de performance énergétique (PPE), tandis que 5 millions d'euros seront destinés à un programme d'économies d'énergie à bord des navires de pêche.

Il a souhaité aborder ensuite la question des nouvelles perspectives qu'il estime indispensable d'offrir aux jeunes souhaitant s'engager dans la filière agricole. Il a ainsi affirmé son souhait de préserver en 2010 les moyens de fonctionnement de l'enseignement agricole en allouant 1 269 millions d'euros à l'enseignement technique et 304 millions d'euros à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il a ajouté que celui-ci constitue pour lui une priorité et que ses crédits ont donc été protégés des restrictions budgétaires.

Il a enfin dressé un bilan d'ensemble du budget 2010 du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Si le projet de loi de finances prend en compte les problèmes aigus apparus en 2009, il reste néanmoins vertueux dans la mesure où il intègre les économies engendrées par les suppressions d'emplois et les réorganisations de services, par la fin de la prise en charge par l'Etat du coût du service public de l'équarrissage, ou encore par le bilan de santé de la PAC.

En conclusion, M. Bruno Le Maire a rappelé le rôle décisif du budget de l'UE dans l'agriculture nationale : celui-ci représente 10 milliards d'euros de crédits d'intervention destinés aux filières agricoles, là où le budget de l'Etat n'y consacre que 2 milliards d'euros. La réforme de la PAC ne saurait donc se résumer à un simple toisage des sommes versées sauf à susciter de très graves difficultés chez les agriculteurs français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion