En réponse à l'ensemble de ces questions, M. Bruno Le Maire a apporté les précisions suivantes :
- la mise en place d'une régulation européenne sera difficile, dans la mesure où les positions des Etats membres sont très diverses. De plus, la stratégie française serait fragilisée si l'allié privilégié de la France qu'est l'Allemagne change de doctrine, ce qui pourrait être l'une des conséquences des dernières élections législatives outre-rhin. Par ailleurs, les grandes puissances agricoles du Sud, telles que le Brésil, le Mexique ou l'Australie, exercent une pression particulièrement forte en faveur de la libéralisation des marchés. La mise en place d'une nouvelle régulation de l'agriculture serait, enfin, rendue plus délicate dans le cas où les négociations conduites dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) aboutiraient ;
- s'agissant des aides à la filière laitière, un plan global de soutien à la trésorerie des agriculteurs est nécessaire ;
- les démarches de contractualisation doivent être autorisées puis encouragées, mais elles ne doivent pas conduire à des mouvements d'intégration au sein des filières ;
- l'engagement du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche en faveur d'une stratégie offensive pour l'agriculture nationale a été confirmé. L'ambition française pour l'agriculture est particulièrement grande. Elle consiste d'abord à mettre l'alimentation au premier plan des enjeux agricoles. La France se classe ainsi en tête pour le faible nombre de maladies liées à l'alimentation, ce qui démontre sa supériorité dans le domaine de la sécurité alimentaire ;
- pour ce qui concerne l'agriculture biologique, il convient d'observer que les aliments bio n'apportent pas de garanties supplémentaires en termes de sécurité sanitaire dans la mesure où leur intérêt ne réside que dans l'utilisation de techniques de production plus respectueuses de l'environnement. Par ailleurs, l'engouement suscité par l'agriculture biologique ne saurait suffire à une relance de l'activité agricole nationale : 30 % des produits bio sont en effet importés et ce secteur ne représente encore qu'environ 3 % de la production agricole nationale. Toutefois, son essor, tant du point de vue des pratiques de consommation que du point de vue de la part d'exploitations gérées selon ce mode, doit être encouragé ;
- en matière de dialogue social, l'objectif poursuivi par le Gouvernement consiste à entretenir des relations de qualité avec l'ensemble des interlocuteurs syndicaux tout en veillant à réduire les tensions entre les organisations représentatives. Les rivalités entre ces dernières expliquent une grande partie des conflits rencontrés sur le terrain ;
- l'action en faveur des zones de montagne se veut volontariste, à l'image des 19 millions d'euros supplémentaires consacrés à l'ICHN, ainsi que de la revalorisation de la prime pour les 25 premiers hectares d'exploitation, ce qui représente 42 millions d'euros. S'agissant de l'aide à la collecte, elle a été abandonnée en raison de son incompatibilité avec le droit communautaire. En substitution, une mesure a été prise dans le cadre de la PAC consistant dans le versement d'une aide de vingt euros par millier de litres de lait produits. Par ailleurs, la montée en gamme des produits laitiers est de nature à protéger la production nationale de la fluctuation des cours mondiaux, puisque ce sont les produits lactés peu valorisés tels que le beurre et la poudre de lait qui connaissent les variations les plus élevées sur les marchés ;
- la régulation peut être définie par trois éléments. En premier lieu, elle consiste à rendre possible la conclusion d'accords entre producteurs et transformateurs, à la fois sur les volumes et les prix. Les démarches de contractualisation, qui pourraient par exemple mener à un accord pluriannuel sur les prix du lait, sont aujourd'hui interdites par le droit communautaire. Une réforme des organisations communes de marché (OCM) apparaît donc urgente. En deuxième lieu, les instruments d'intervention communautaires doivent être renforcés. Le stockage privé, aujourd'hui possible trois mois par an, doit par exemple être autorisé de manière permanente. Enfin, des marchés à terme doivent être mis en place pour le beurre et la poudre de lait en vue de stabiliser les prix ;
- pour ce qui concerne la filière bois, les efforts du ministère sont conséquents. Un fonds stratégique bois est ainsi en cours de création, doté de 20 millions d'euros. De même, les difficultés financières de l'ONF ont conduit, dès 2009, à l'attribution d'une subvention exceptionnelle de 19 millions d'euros, mais la réflexion sur cet office doit se poursuivre. En effet, si des établissements publics tels que l'ONF ou les Haras nationaux doivent être soumis à des exigences de bonne gestion, il convient de reconnaître leur place particulière au sein de l'identité nationale ;
- la réflexion sur l'articulation entre l'enseignement agricole et l'enseignement général fait l'objet d'une discussion entre les deux ministères les plus concernés. La question de l'autonomie de gestion des emplois dans les établissements d'enseignement agricole devra être posée ;
- la décision de la DGCCRF sur la position dominante d'une entreprise dans la filière viande a effectivement conduit à une situation sans issue. Il s'agit d'en tirer toutes les conséquences ;
- l'émergence d'un pôle d'enseignement et de recherche en agriculture et alimentation dans le Grand Ouest est souhaitable. Les pôles de compétitivité ruraux représentent une perspective intéressante et le travail initié à ce niveau doit se poursuivre ;
a ensuite reconnu l'existence de phénomènes de « sur-administration », qui appellent des efforts de meilleure gestion, surtout à l'échelle de l'UE ; la simplification doit être recherchée ;
- pour ce qui concerne l'augmentation du prix des terres agricoles, il a insisté sur le rôle prépondérant de la spéculation immobilière ;
- s'agissant des dépenses fiscales, il a observé qu'un rapport sur la fiscalité agricole est actuellement en cours de transmission au Parlement. Les informations qu'il contient permettent d'évaluer plus précisément les montants et les enjeux de ces politiques ;
- en matière de gestion des aléas dans le monde agricole et de recours aux assurances, des dispositifs de provisions obligatoires sont envisageables, mais ils ne pourront pas remplacer des systèmes d'assurances propres aux agriculteurs.