La réforme de la taxe professionnelle a été une excellente occasion d'engager un débat sur les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier. Ce débat est nécessaire puisque ces notions sont au coeur même de la définition de la richesse de chaque collectivité territoriale. Ainsi, c'est l'idée que le potentiel financier est plus représentatif de la richesse d'une collectivité que le seul potentiel fiscal qui nous a guidés pour modifier, en de nombreux points, les dispositions relatives à la péréquation lors de la discussion des projets de lois de finances pour 2010 et pour 2011.
Grâce à notre groupe de travail, nous avons pu mener une réflexion approfondie, hors de l'urgence liée à la discussion des projets de loi de finances, sur les critères qui devront servir de base aux nouveaux dispositifs de péréquation. Au terme de ses nombreuses réunions, je vous présente donc aujourd'hui, sur ce sujet, les orientations qu'il propose à la commission d'adopter.
De manière générale, il se dégage de nos travaux que la péréquation doit se fonder sur deux grandes notions :
- d'une part, la notion de « potentiel financier de base », qui doit servir de fondement à la péréquation verticale. Ce potentiel financier de base a deux composantes : une composante fiscale et une composante de dotations et de compensations, notamment la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans son volet forfaitaire ;
- d'autre part, la création d'un nouvel indicateur de richesse : la notion de « potentiel financier corrigé » qui sera utilisée dans le cadre de la péréquation horizontale. Cette notion de potentiel financier corrigé ajoute au potentiel financier de base les dotations versées par l'Etat dans le cadre de la péréquation verticale. Elle est ainsi plus représentative de la richesse réelle d'une collectivité. Seule cette prise en compte permet d'avoir un indice de richesse fiable et juste. Sinon, deux collectivités ayant un même niveau de richesse pourraient être traitées de manière inéquitable si l'une tient sa richesse de compensations versées par l'Etat tandis que celle de l'autre provient d'une dotation de péréquation. De même, les écarts constatés entre les dotations de péréquation versées à l'une ou l'autre des collectivités ne seraient pas du tout pris en compte, alors qu'ils ont un impact sur leur richesse.
Traitons tout d'abord de la définition des nouveaux potentiels au niveau communal et intercommunal.
La première question à laquelle nous devons répondre est : quelles ressources fiscales doivent être intégrées dans le potentiel financier de base ?
Le groupe de travail s'est prononcé pour une prise en compte la plus large possible des ressources fiscales des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Plus le champ des taxes prises en compte sera large, plus la notion de potentiel financier sera objective et moins elle sera sujette à contestations.
Il faut donc prendre en compte : la taxe d'habitation (TH), les taxes foncières, la cotisation foncière des entreprises (CFE), la part communale et intercommunale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER), mais aussi la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), la taxe d'aménagement, celles sur les casinos, sur les remontées mécaniques et la taxe « hippodromes ».
Ne seraient finalement exclues que les ressources fiscales affectées, telles que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM), la taxe de séjour ou le produit des amendes de police.
En effet, ces ressources ont vocation à financer des dépenses spécifiques et ne constituent donc pas à proprement parler une richesse pour la collectivité territoriale.
La seconde question est : quelles dotations et compensations prendre en compte dans ce même potentiel financier de base ?
La réponse que nous apportons est que les compensations versées au titre de la réforme de la taxe professionnelle - dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) - doivent être intégrées, en valeur nette, dans le potentiel financier de base.
Elles s'ajouteront à la part forfaitaire de la DGF et à la compensation de l'ex-part salaire de la taxe professionnelle (TP).
Concernant les EPCI, la dotation d'intercommunalité doit également être prise en compte dans la mesure de leur richesse.
C'est donc sur la base de ces ressources que sera déterminée la richesse des communes et des intercommunalités pour le versement, par l'Etat, des dotations de péréquation verticale.
Venons-en à la deuxième étape, celle de la construction du potentiel financier corrigé.
Il nous semble, et c'est un avis partagé par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et assez consensuel au comité des finances locales (CFL), qu'il convient d'ajouter au potentiel financier de base toutes les dotations de péréquation verticale, c'est-à-dire la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) ou la garantie de sortie. C'est le seul moyen de traiter équitablement l'ensemble des communes, en prenant en compte dans le calcul de leur richesse la plus ou moins grande part de dotation de péréquation qu'elles ont perçue. Les dotations de péréquation verticale, comme les autres ressources, peuvent accroître significativement la richesse des collectivités.
Il convient par ailleurs, également pour éviter des injustices entre deux communes, de prendre en compte dans le potentiel financier corrigé les versements perçus par chaque collectivité en provenance des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). En effet, ces derniers sont financés, depuis la réforme de la TP, par des dotations de l'Etat et non par des prélèvements sur des établissements exceptionnels. Ils font donc partie de la péréquation verticale et il est juste de traiter différemment une commune qui n'a rien reçu du FDPTP et une commune qui a perçu de ce fonds des montants importants.
Enfin, le groupe de travail s'est exprimé en faveur d'une mesure de la richesse à l'échelon de chaque territoire, en agrégeant la richesse de l'EPCI et celles de ses communes membres. Cela présente deux grands avantages :
- comparer les territoires quel que soit leur mode d'organisation : EPCI à fiscalité professionnelle unique, EPCI à fiscalité additionnelle ou commune isolée (l'achèvement de la carte intercommunale n'étant pas prévu en petite couronne parisienne) ;
- simplifier les outils de péréquation à créer, en les faisant reposer sur un nombre limité de collectivités : 2 600 EPCI plutôt que 36 000 communes.
Ce potentiel financier agrégé des EPCI, qui sera à la base du fonctionnement de la péréquation horizontale, doit être égal à la somme :
- du potentiel financier de l'EPCI ;
- des potentiels financiers corrigés des communes membres de l'EPCI.
Cette définition de la richesse au niveau territorial, via le potentiel financier agrégé, fait également l'objet d'un consensus large.
Concernant maintenant les départements, les mêmes notions de potentiel financier de base et de potentiel financier corrigé s'appliqueront.
Les ressources fiscales à prendre en compte correspondront à celles perçues par les départements :
- la taxe foncière sur les propriétés bâties ;
- la part départementale de CVAE ;
- la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) versée en compensation de la réforme de la TP ;
- les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ;
- et les IFER perçues par le département.
Les compensations et dotations à prendre en compte seront :
- la part forfaitaire de la DGF ;
- la DCRTP ;
- les reversements ou contributions au FNGIR ;
- les autres compensations.
Enfin, s'agissant de la détermination du potentiel financier corrigé, comme pour le bloc communal, il suffit, pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé, d'y intégrer les dotations de péréquation verticale : dotation de péréquation urbaine (DPU), dotation de fonctionnement minimale (DFM) ou garantie de sortie.
Ce potentiel financier corrigé servira pour mettre en oeuvre la péréquation horizontale.
Le même mécanisme s'appliquera s'agissant des régions.
Le potentiel financier de base comprendra leurs ressources fiscales (CVAE, IFER) ainsi que les dotations de l'Etat (DCRTP, FNGIR). Concernant la prise en compte de la DGF, une question spécifique se pose puisqu'il faudra parvenir à exclure de la DGF les éléments qui y ont été intégrés mais qui visent à compenser des transferts de compétences pour certaines régions.
Comme pour les autres collectivités, il convient d'ajouter la dotation de péréquation verticale des régions pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé.
Voilà, mes chers collègues, les orientations retenues par le groupe de travail que nous vous proposons d'adopter sur la question de la nouvelle définition des potentiels, qui nous permettront demain de bénéficier d'indicateurs de richesse précis et d'évaluer surtout les différences de richesse entre les collectivités, ainsi que les effets de la péréquation mise en place.