Le projet de loi initial de financement de la sécurité sociale comprenait 60 articles ; 49 articles additionnels ont été introduits par l'Assemblée nationale, et donc, au total, 109 articles ont été examinés par le Sénat. Celui-ci en a adopté 55 conformes. Il en a modifié 43, supprimé 11 et a introduit 31 nouveaux articles. De ce fait, 85 articles doivent faire l'objet aujourd'hui de notre examen en commission mixte paritaire. Après examen par le Sénat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 compte ainsi 140 articles qui, pour plus de la moitié, sont l'expression du droit d'amendement des parlementaires.
J'en viens maintenant aux travaux du Sénat.
La première partie du texte, relative à l'exercice 2009, ainsi que la deuxième partie, consacrée à l'exercice 2010, ont été votées conformes.
Sur la troisième partie, relative aux recettes et à l'équilibre pour 2011, quelques sujets méritent d'être signalés :
- à l'article 9, le Sénat a écarté de la reprise de dette le déficit de la branche accidents du travail-maladies professionnelles pour 2009 et 2010 ; en effet, cette branche doit revenir à l'équilibre dès cette année et elle devrait pouvoir, d'ici deux à trois ans, absorber ce déficit ; en outre, il n'est pas souhaitable que le mode de gestion paritaire actuel de la branche soit modifié et, à cet égard, une reprise de dette par la CADES pourrait donner un mauvais signal ;
- à l'article 10 sur les retraites chapeau, le Sénat a relevé les seuils à partir desquels les bénéficiaires de rentes devront s'acquitter d'une contribution : 500 au lieu de 300 euros pour le taux de 7 % et 700 au lieu de 500 euros pour le taux de 14 % ;
- à l'article 11, le Sénat a rétabli la distinction du projet de loi initial entre stock-options et attributions gratuites d'actions ; en conséquence, seules les contributions sur les stock-options verront leurs taux accrus ;
- à l'article 12 bis sur l'affectation définitive du panier de recettes à la sécurité sociale, le Sénat a, d'une part, obtenu l'affectation de la totalité des droits tabacs à la sécurité sociale, d'autre part, prévu l'affectation de l'excédent de ce panier prioritairement à la branche famille, à hauteur du manque à gagner lié au transfert d'une fraction de la CSG qui lui revient à la CADES ; par ailleurs, un bilan annuel devra être fait dans l'annexe 5 du projet de loi ;
- à l'article 13, le Sénat a écarté l'assujettissement au forfait social des redevances versées aux artistes musiciens et mannequins ;
- à l'article 13 ter, le Sénat a ajusté le dispositif de taxation des indemnités de rupture de façon à en éviter la rétroactivité ;
- à l'article 16 bis sur l'activité de loueur de chambre d'hôtes, le Sénat a fixé un seuil afin de ne pas pénaliser les petites activités, notamment en milieu rural ;
- à l'article 20, le Sénat a accepté le relèvement à 30 millions d'euros de chiffre d'affaires du seuil de taxation des médicaments orphelins, mais a adopté une rédaction plus respectueuse de la compétence du législateur.
Sur la quatrième partie relative aux dépenses pour l'année 2011 et, pour commencer, sur l'assurance maladie, le Sénat a également adopté plusieurs modifications :
- à l'article 34, le Sénat a rendu le troisième avis du comité d'alerte systématique ; il s'agit de celui qu'il rend avant le 15 octobre sur les hypothèses de construction de l'ONDAM de l'année à venir ;
- le Sénat a supprimé l'article 36 sexies. Cet article réparait un oubli de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui a autorisé l'inscription de ce qu'on appelle - de façon d'ailleurs maladroite - les « quasi-génériques » au répertoire des groupes génériques, mais a omis de leur étendre l'application des mesures incitant à la substitution des spécialités génériques à la spécialité de référence. Comme en 2008, nous craignons que ces dispositions ne relancent des campagnes de dénigrement des génériques. Cela dit, nous savons aussi les espoirs que l'on fonde sur la substitution, à une spécialité qui occasionne des dépenses très importantes à l'assurance-maladie, d'un générique qui ne pourra avoir la même présentation. Ces espoirs sont peut-être un peu excessifs. Mais nous ne voulons écarter aucune chance d'économie et nous nous laisserons donc peut-être convaincre de revenir au texte de l'Assemblée nationale ...
- pour l'article 36 octies, nous vous proposerons de le rétablir dans une rédaction plus ramassée ;
- à l'article 40, le Sénat a repoussé, à une très large majorité, la proposition du Gouvernement de mener une expérimentation pour créer des maisons de naissance ;
- à l'article 41 bis, le Sénat a adopté le principe d'une prise en compte du différentiel de charges entre catégories d'établissements dans le cadre de la convergence et lors de la fixation annuelle des tarifs et forfaits des soins et prestations ;
- il a également défini, à l'article 41 ter, les étapes devant permettre d'atteindre l'objectif de 2018 en matière de convergence : au moins 10 % des groupes homogènes de séjour (GHS) devront être concernés chaque année et la convergence devra être complète pour au moins la moitié d'entre eux ;
- il a prévu, à l'article 42 quinquies, que le programme de qualité et d'efficience annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale présente un bilan des actes, prestations et médicaments prescrits en établissement et dont le coût pèse sur l'enveloppe de soins de ville ;
- à l'article 45, nous nous sommes inquiétés de la tendance persistante, et qui s'aggrave, de faire contribuer l'assurance maladie à des dépenses de nature variée et qu'elle n'a pas vocation à financer, d'autant plus que l'État évalue généreusement et gère sans rigueur excessive ses « emprunts » aux finances sociales. Les contributions demandées à l'assurance-maladie pour le financement de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) en témoignent, et l'article 6 du projet de loi de financement met en évidence, comme l'a relevé la Cour des comptes, « un surfinancement de l'EPRUS, déséquilibré au détriment de l'assurance maladie ». C'est pour réduire ce déséquilibre que nous avons supprimé la dotation à l'EPRUS pour 2011 ;
- nous avons également eu, à cet article et après l'article 45 ter, d'autres petites divergences avec le Gouvernement sur l'emploi des fonds de l'assurance maladie, mais nous ne pourrons évidemment en discuter aujourd'hui, puisque l'article 40 de la Constitution s'impose aux commissions mixtes paritaires comme aux commissions et aux membres de chaque assemblée ;
- tel qu'il avait été adopté par l'Assemblée nationale, l'article 45 ter comportait des dispositions relatives au financement des agences régionales de santé (ARS), dont le sens et la portée ne semblaient pas très clairs. La fongibilité des parts régionales du Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS) et du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) nous a paru prématurée, avant l'étude des conclusions du rapport récemment remis sur ce sujet au ministère de la santé. En outre, nous redoutons que la fongibilité des crédits des deux fonds rende encore plus complexes le suivi et le contrôle de leur utilisation. Nous avons donc préféré, à cet article, améliorer le mécanisme de déchéance des crédits inutilisés du FMESPP en prévoyant le retour des sommes prescrites à l'assurance-maladie, qui en a bien besoin. Cela incitera également à améliorer la gestion de ce fonds.
Par ailleurs, le Sénat a adopté trois amendements tendant à renforcer l'information et le rôle du Parlement, qui devra voter en projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors que ces enveloppes sont aujourd'hui arrêtées par l'État :
- le montant des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) (article 45 bis A) ;
- l'objectif de dépenses d'assurance maladie (ODAM) : dépenses de psychiatrie et de soins de suite pour le secteur public et privé non lucratif (article 45 bis B) ;
- l'objectif quantifié national (OQN) : mêmes dépenses dans le secteur privé (article 45 bis C).
En ce qui concerne le secteur médico-social, le Sénat a adopté six amendements d'inégale importance :
- compte tenu de la décision du Gouvernement de restituer 100 millions d'euros de crédits médico-sociaux à l'assurance maladie au titre de l'année 2010, notre assemblée a souhaité sanctuariser pour l'avenir un montant minimal de crédits pour permettre à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) de mettre en oeuvre des plans d'aide à l'investissement. Elle a donc créé une section spécifique consacrée à l'investissement au sein du budget de la CNSA et lui a affecté 4 % de la contribution solidarité autonomie. Je sais que le débat sur la restitution des 100 millions a été vif à l'Assemblée nationale et nous partageons la même préoccupation ;
- par ailleurs, le Sénat a souhaité autoriser les établissements publics médico-sociaux à gérer eux-mêmes leur trésorerie, dans un contexte où il est difficile de dégager des crédits pour l'investissement. Cela fait trop longtemps que le Gouvernement nous dit qu'il va réfléchir à la question ;
- notre assemblée a introduit l'obligation de prévoir des coefficients correcteurs géographiques dans la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; elle a accepté le report de la possibilité pour les groupements de coopération d'avoir une pharmacie à usage intérieur tout en souhaitant que celle-ci soit expérimentée sur un unique groupement. Le Sénat a aussi prévu la remise d'un rapport au Parlement sur l'agrément des conventions collectives des établissements sociaux et médico-sociaux. Il a enfin voulu éviter toute possibilité de requalifier les aides financières de l'aide sociale à l'enfance en rémunérations ouvrant droit à cotisations sociales.
Sur les autres branches, les mesures étaient peu nombreuses.
J'évoquerai simplement rapidement la branche famille : le Sénat a ouvert le prêt à l'amélioration de l'habitat aux assistantes maternelles qui travaillent dans les maisons d'assistantes maternelles. Il a également supprimé l'article 55 ter qui prévoyait de restreindre le montant des allocations familiales que peut percevoir une famille lorsque son enfant est confié au service de l'aide sociale à l'enfance. Formellement, il s'agit d'un cavalier social et, sur le fond, le sujet est trop grave pour être traité au détour d'un amendement au projet de loi.
Au total, l'ensemble des modifications apportées par le Sénat ne me semble pas de nature à nous empêcher de trouver, sans trop de difficultés, une rédaction commune sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.