Bien que le nombre d'articles restant en discussion puisse paraître assez important, je suis certain que nos discussions aboutiront à un accord. En effet, il ne fait pas de doute que la commission mixte paritaire sera disposée à adopter bon nombre de ces articles soit dans le texte du Sénat, soit dans des rédactions communes que nous vous proposons avec le rapporteur général du Sénat.
Je me contenterai donc d'indiquer les quelques articles sur lesquels nous devrons procéder à des choix.
En ce qui concerne les dispositions relatives aux recettes, à l'article 11, relatif à la majoration des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d'actions, je vous proposerai un amendement permettant de concilier la nécessité de maintenir un régime identique pour ces contributions avec le souci de ne pas pénaliser les petites attributions gratuites.
Je pense qu'il faut également revenir pour partie au texte de l'Assemblée nationale pour l'article 16, qui assujettit les gratifications diverses que les salariés peuvent recevoir de personnes autres que leur employeur. Tout en maintenant les apports du Sénat, qui ont notamment permis de lever les craintes légitimement exprimées par certaines professions, il me paraît en effet souhaitable de réintroduire les avantages en nature dans le champ de ce dispositif, sous peine de le priver de l'essentiel de sa portée.
Pour ce qui est de l'affiliation des loueurs de chambres d'hôtes au régime social des indépendants, prévue par l'article 16 bis, j'estime que le Sénat a eu raison de prévoir un seuil. Il a cependant été fixé à un niveau un peu trop élevé, que je suggère donc de corriger.
S'agissant de l'article 20, qui propose de réserver diverses aides fiscales au développement des médicaments orphelins aux médicaments qui réalisent un chiffre d'affaires de moins de 30 millions d'euros, je crois que le Sénat est parvenu à un texte de compromis équilibré, moins sévère que le projet de loi initial, et dont la constitutionnalité est plus certaine que celle du texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
Je tiens d'ailleurs à redire ici que le recentrage de ces aides fiscales sur les médicaments orphelins qui en ont vraiment besoin ne compromet en aucun cas la prise en charge des patients atteints de maladies rares, contrairement à ce que l'on a parfois pu vouloir laisser entendre, et c'est cela le plus important. Ne nous leurrons pas : on peut être à la fois « orphelin » et « blockbuster ». Il n'est qu'à voir le chiffre d'affaires du Glivec pour s'en convaincre (plus de 150 millions d'euros par an sur le seul marché français).
Pour ce qui concerne les dispositions relatives aux dépenses d'assurance maladie, le Sénat a apporté des modifications intéressantes à certains dispositifs du projet de loi, par exemple à l'article 34, en prévoyant que le comité d'alerte publie tous les ans un avis sur la construction de l'ONDAM, et pas seulement en cas de doute majeur sur la sincérité de l'objectif comme le proposait le texte initial. Il a aussi simplifié l'article 39, pour stabiliser la procédure d'indemnisation des contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C, qui n'est en vigueur que depuis six mois à peine.
Le Sénat a aussi complété le texte par plusieurs dispositions qui peuvent être conservées, comme l'article 35 bis, qui prévoit l'entrée en vigueur du site Internet ameli-direct avant le 1er juillet 2011. De même, le Sénat a inséré l'article 36 bis B qui tend à garantir que l'emploi de dispositifs médicaux innovants se fasse sans surcoût pour les patients.
Les sénateurs ont également prévu à l'article 36 bis A la possibilité d'intégrer un dispositif de rémunération à la performance dans la convention médicale et dans l'accord-cadre des centres de santé. On ne peut qu'approuver cette mesure, que notre commission avait adoptée en première lecture... J'ai néanmoins une crainte : il ne faudrait pas que la généralisation du contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) conduise à son affadissement. Il ne faudrait pas que les objectifs fixés aux médecins y perdent en ambition, auquel cas le dispositif constituerait simplement un effet d'aubaine pour les praticiens. D'ailleurs, on peut d'ores et déjà s'interroger sur l'ampleur des économies que le CAPI a permis de réaliser... Nous avons du mal à obtenir des évaluations précises. C'est pourquoi je vous proposerai d'étoffer le dispositif proposé pour garantir une bonne information du Parlement sur l'équilibre économique de ces dispositifs.
En outre, à l'article 39 bis A, le Sénat a adopté une disposition tendant à favoriser le développement de pôles sectoriels d'imagerie médicale complets, afin de renforcer le maillage radiologique du territoire. L'idée me semble bonne, même s'il n'est pas certain que ce dispositif ait un impact direct sur les recettes et les charges des régimes obligatoires.
Par ailleurs, le Sénat a supprimé deux dispositions qui me semblent intéressantes :
- la première concerne les « quasi-génériques ». L'article 36 sexies que nous avions adopté, avec l'appui du Gouvernement, constituait un simple prolongement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui avait institué le régime des « quasi-génériques » pour contrer les stratégies de contournement de certains laboratoires. Il s'agit de permettre aux laboratoires de consentir aux pharmaciens des remises supplémentaires pour ces médicaments, à l'image de ce qui existe pour les génériques stricto sensu. Cette disposition technique, et bien accueillie par les pharmaciens, mérite d'être rétablie et permettra de concrétiser les 130 millions d'économies potentielles attendues ;
- la seconde mesure tendait à étendre aux dispositifs médicaux certaines règles de régulation des dépenses applicables aux médicaments (article 36 octies). Nous pourrons, je crois, nous entendre sur une rédaction de compromis proposée par Alain Vasselle.
Concernant l'article 40, Bérengère Poletti et Jean-Pierre Door présenteront un amendement rétablissant l'expérimentation des maisons de naissance. Le débat a été long et riche dans nos deux assemblées. Il me semble, et je crois savoir qu'il en est de même pour Alain Vasselle, qu'il faut donner sa chance à ce dispositif, moyennant quelques améliorations. Nous ne pouvons balayer d'un revers de manche une demande réelle de nombreuses femmes. Je soutiendrai donc cet amendement.
Je vous proposerai en revanche la suppression de l'article 40 bis visant à autoriser les pharmacies à usage intérieur des hôpitaux à sous traiter certaines de leurs tâches. En effet, il me semble qu'il ne convient pas de revenir sur le principe de l'unicité du circuit pharmaceutique au sein des hôpitaux, car la sous-traitance de la distribution des médicaments entraînerait une rupture dans l'unicité de ce circuit et exposerait au risque de ne plus assurer une prise en charge médicamenteuse garantissant au patient sécurité et qualité. Je note d'ailleurs que l'ensemble des pharmaciens hospitaliers et avec eux l'Ordre national des pharmaciens demandent la suppression de cette disposition.
Je souhaite également la suppression de l'article 41 bis, qui vise à instaurer un coefficient correcteur en faveur de certains établissements pour tenir compte des écarts de charges financières résultant d'obligations légales et réglementaires particulières en matière sociale et fiscale. Ces écarts - indéniables - nécessitent encore d'être objectivés. Si deux études sur le coût du travail sont déjà disponibles, les résultats en matière de fiscalité ne sont pas encore complètement connus. Par ailleurs, la prise en compte de ces écarts de coûts pour les établissements privés à but non lucratif au moyen d'un coefficient correcteur risque de complexifier un dispositif qui l'est déjà et d'être difficilement gérable. De plus, la création d'un coefficient ad hoc conduirait l'assurance maladie à assumer soit les décisions prises par les opérateurs privés dans le cadre d'une convention collective, soit les décisions adoptées par l'État dans le cadre de dispositions fiscales. Enfin, le risque inflationniste n'est pas négligeable puisque les services du ministère ont chiffré ce surcoût à plus de 100 millions d'euros si seuls les établissements privés à but non lucratif étaient concernés et à plus de 400 millions d'euros si tous les établissements privés étaient visés. Il conviendrait plutôt, à mon sens, de réfléchir à une prise en compte de ces écarts dans le cadre de l'enveloppe des aides à la contractualisation des MIGAC. Je partage les préoccupations exprimées, mais la disposition proposée n'est peut-être pas la plus judicieuse et j'encourage le Gouvernement à avancer sur ce point.
Je vous proposerai également la suppression de l'article 41 ter, qui fixe un objectif ambitieux de 10 % des groupes homogènes de séjour (GHS) concernés chaque année par la convergence, dont la moitié doit être complètement rapprochée. Je crois, en effet, que la convergence ciblée n'est pas adaptée à toutes les situations et n'a de sens que pour des séjours pour lesquels les pratiques médicales et les modes de prise en charge sont suffisamment semblables pour qu'un rapprochement des tarifs soit envisageable.
À l'article 42 bis, il me semble qu'il est préférable, ne serait ce que pour des raisons de forme, de revenir au texte de l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne le secteur médico-social, je voudrais souligner l'avancée constituée par les modifications apportées par le Sénat à l'article 43 bis qui permettent un financement pérenne des plans d'aide à l'investissement. Je pense que le débat engagé à l'Assemblée nationale sur ce sujet, à l'initiative de notre collègue Bérengère Poletti, aura constitué une base solide pour cette avancée. Je proposerai une modification à la marge permettant d'introduire un peu de souplesse dans le dispositif, mais sous toucher au coeur du dispositif que nous approuvons tous ici.
Je souhaite également que soit rétabli le III de l'article 45, relatif au montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement de l'EPRUS. En effet, la suppression de la dotation des régimes obligatoires à l'EPRUS impacterait fortement son programme d'achat 2011 et le conduirait à abandonner une partie de ses opérations, pourtant d'importance majeure.
Si je comprends l'intention de garantir une information du Parlement a priori relativement à la fixation du montant de la dotation nationale de financement des MIGAC, de l'ODAM et de l'OQN, je souhaite néanmoins la suppression des articles 45 bis A, 45 bis B et 45 bis C, car la fixation de ces montants dès la loi de financement de la sécurité sociale reviendrait à se passer d'une souplesse pourtant nécessaire.
Par ailleurs, le Sénat a proposé une nouvelle rédaction de l'article 45 ter. Son dispositif prévoit que les crédits déchus du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), c'est à dire ceux pour lesquels il n'a été trouvé aucun emploi un an après leur vote, soient restitués à l'assurance maladie, et ne viennent donc plus alimenter les réserves du fonds. C'est une mesure de bonne gestion, à laquelle j'adhère. Je relève toutefois que son adoption a eu pour effet d'« écraser » les dispositions initiales de l'article, adoptées à l'initiative du Président Méhaignerie et soutenues par le Gouvernement, qui permettaient de créer - enfin ! - un embryon de fonds régional d'intervention aux mains des ARS, en rendant fongibles les crédits régionaux du FMESPP et du FIQCS.
Cette initiative vise à donner du sens à la création des ARS. En effet, à quoi bon avoir dans chaque région un organe unique de pilotage de la ville et de l'hôpital, si c'est pour que les financements restent cloisonnés et téléguidés depuis Paris ? La fongibilité des enveloppes régionales offrirait au contraire aux ARS des moyens d'action transversaux, ce qui serait cohérent avec l'étendue de leurs compétences. Je plaide pour cela depuis plusieurs années et, lors de la discussion de la loi dite « HPST », nous sommes plusieurs, sur tous les bancs de l'Assemblée, à avoir fait part de cette préoccupation. C'est aussi le souhait, je crois, des ARS qui l'ont exprimé avec tout le respect qu'ils doivent à leur hiérarchie.
C'est pourquoi l'amendement que je vous proposerai conserve le mécanisme introduit au Sénat, tout en rétablissant le dispositif initialement adopté par l'Assemblée nationale.
S'agissant des dispositions relatives aux dépenses d'accidents du travail et de maladies professionnelles, il me semble préférable de supprimer l'article 49 A dans la mesure où le délai proposé (avant le 30 septembre 2011) pour que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la possibilité d'inscrire le stress post traumatique dans les tableaux de maladies professionnelles et d'assouplir les critères de reconnaissance des maladies professionnelles dans le cadre de la procédure complémentaire apparaît trop court. En outre, un groupe de travail vient juste de se constituer au sein du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) sur ce sujet complexe des risques psychosociaux.
S'agissant de l'article 55 ter, il ne fait pas l'unanimité. Je vous proposerai un amendement encadrant la possibilité de verser les allocations familiales au département lorsqu'un enfant est placé. Cette possibilité existe déjà, nous voulons l'aménager pour en faire un dispositif juste et équilibré, qui permette aux services d'aide à l'enfance d'accomplir leur mission de protection de l'enfance. Vous qui êtes nombreux à exercer des mandats locaux, vous savez quelles sont les difficultés rencontrées par les départements en la matière. J'espère que nous trouverons là-dessus un accord, avec un pourcentage réservé à la famille, ce qui ne devrait pas poser trop de problèmes.
Enfin, nous aurons à nouveau un débat sur la performance du service public de la sécurité sociale, car moyennant une rédaction plus précise et explicitant les garanties dont est entourée cette mesure pertinente, je vous proposerai de rétablir l'article 59, qui offre le cadre nécessaire au développement de projets transversaux entre les différentes branches.
En conclusion, les divergences entre les textes de nos deux assemblées me paraissent assez peu nombreuses et, le plus souvent, de portée limitée, de telle sorte que nous pouvons espérer élaborer ensemble un bon texte pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.