Des études néerlandaises ont même chiffré de un à trois points de PIB communautaire le gain lié à l'achèvement du grand marché intérieur des services. Cela correspond à la création de centaines de milliers d'emplois. La France, première exportatrice de services en Europe, quatrième pays exportateur au niveau mondial, ne l'oublions pas, n'aurait-elle pas beaucoup à gagner dans l'application au tertiaire du modèle économique et social du marché déjà mis en oeuvre pour le marché unique des biens et des personnes ?
Il m'apparaissait important, mes chers collègues, de rappeler cet objectif économique, car il est le fondement et l'enjeu de notre débat.
Quant à la proposition de directive présentée pour atteindre cet objectif, je vous dirai tout net qu'elle est inacceptable en l'état.
Elle est en effet mal calibrée, mal rédigée, mal évaluée en termes d'impact, et parfois mal inspirée.
Premièrement, elle est mal calibrée, c'est-à-dire que son champ d'application est trop large.
En se limitant aux seuls « services économiques », la proposition exclut les services d'intérêt général, mais elle inclut, en revanche, certains secteurs non marchands comme la santé, la culture ou quelques activités plus spécifiques qui posent des problèmes d'ordre public et qui n'ont donc rien à faire dans cette directive. Aussi la proposition de résolution adoptée le 9 mars par la commission des affaires économiques du Sénat demande-t-elle l'exclusion de ces secteurs de l'ensemble du champ de la directive.
Deuxièmement, la proposition est également mal rédigée, et ce sur les deux points qui sont les plus sensibles, ce qui peut laisser à penser que la première réaction très négative de nombreux lecteurs de ce texte est largement imputable à la maladresse d'expression de la Commission européenne elle-même.
Les services d'intérêt général sont, bien entendu, nous venons de le rappeler, complètement exclus de l'ensemble du texte. La directive ne s'applique qu'aux services économiques, mais cela n'est pas affirmé de manière suffisamment explicite. C'est pourquoi votre commission des affaires économiques demande une rédaction du texte plus claire sur ce point.
En outre, le principe du pays d'origine est présenté comme un principe général, avant de subir une trentaine d'exclusions de diverses natures, réparties dans des articles différents et présentées de manière parfois ésotérique. Il est donc absolument nécessaire que la primauté des textes sectoriels soit consacrée. Il en est de même de la primauté des textes spécifiques comme la directive en préparation sur les qualifications professionnelles ou la convention de Rome sur les obligations entre fournisseurs et clients au sein de la communauté européenne.
Troisièmement, le texte est aussi mal évalué quant à son impact.
La commission des affaires économiques estime que, pour être acceptables, les articles relatifs au principe du pays d'origine ne doivent pas simplement être rendus plus explicites. Il faut aussi que nous, parlementaires, sachions quelles sont les activités de services pour lesquelles ce principe présenterait un avantage, comme c'est déjà le cas dans les domaines de la télévision sans frontière et du commerce électronique, ainsi que je l'ai souligné tout à l'heure. Pour la commission saisie au fond, cela nécessite de disposer au préalable des conclusions d'études d'impact sectorielles, que nous demandons au Gouvernement de nous fournir.
Quatrièmement, enfin, le texte est mal inspiré sur un point important puisqu'il concerne les travailleurs.
En effet, comme nous l'avons dit, la directive garantit les conditions de travail et le salaire du pays d'accueil à tout travailleur qui serait détaché d'un autre Etat membre, et ce conformément à la directive 96/71 d'ores et déjà en vigueur.
Toutefois, la proposition prive les Etats membres d'accueil de la possibilité d'imposer un régime de déclaration ou d'autorisation au détachement des travailleurs européens. Cela rend trop difficile les tâches de contrôle. C'est inacceptable, surtout dans la perspective de la libre circulation des travailleurs des nouveaux Etats membres à l'horizon 2011. Il convient de maintenir l'application stricte de la directive 96/71, toute cette directive, rien que cette directive.
Madame la ministre, cela fait beaucoup de choses à réécrire sur des points importants. Mais cela est indispensable pour que le marché intérieur des services se construise dans le respect du modèle économique et social européen. Il faut continuer à articuler harmonisation et reconnaissance mutuelle des règles d'origine, car il s'agit de construire l'Europe par le haut, nous l'avons toujours dit.