Un tel principe ne doit pas pouvoir s'appliquer, dans un secteur donné, en l'absence d'un socle d'harmonisation permettant d'éviter tout dumping réglementaire.
Cette construction alliant principe du pays d'origine encadré et harmonisation a ainsi été mise en oeuvre, comme vous l'avez souligné, de façon satisfaisante, par exemple, dans la directive « télévisions sans frontière », ou encore dans la directive « commerce électronique». De plus, des garanties doivent être apportées quant à l'application du droit pénal national et à l'articulation avec les textes communautaires et internationaux existants.
Enfin, comme vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur Bizet, concernant le détachement des travailleurs, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur le fait que c'est le droit du travail du pays d'accueil, et non celui du pays d'origine qui s'applique, y compris pour les conventions collectives, et ce, afin de prévenir tout « dumping social ».
Face à de telles incertitudes, le Gouvernement a lancé une série d'études d'impact sectorielles. Elles devront notamment permettre d'établir si, dans certains secteurs et de façon suffisamment encadrée sur la base d'un socle de protection commun, le principe du pays d'origine peut se révéler globalement positif, non comme une alternative, mais comme un complément à l'harmonisation, et en prenant en compte l'ensemble des acteurs que sont les travailleurs, les consommateurs et les entreprises.
A ce stade de la discussion, je crois essentiel de faire le point avec vous de l'état de la négociation au niveau communautaire. La proposition de directive est soumise au processus de co-décision et doit donc être approuvée dans des termes identiques par le Parlement européen et la majorité qualifiée du Conseil.
Le Conseil Compétitivité du 7 mars dernier auquel j'ai participé a montré que l'ensemble des Etats membres s'accordaient sur deux points essentiels : l'importance de la construction du marché intérieur des services et le fait que la proposition de directive actuellement sur la table ne pouvait pas être acceptée en l'état.
Le même jour, le Chancelier Schroeder indiquait sa convergence de vue avec le Président de la République pour dénoncer le caractère inacceptable du texte en l'état actuel et pour demander sa remise à plat.
La proposition de directive est aujourd'hui entre les mains du Parlement européen dont le rapporteur sur ce sujet, l'Allemande Evelyne Gebhardt, rejoint largement les préoccupations qui viennent d'être exprimées. Le vote en séance plénière du Parlement européen pourrait avoir lieu en juillet prochain au plus tôt, semble-t-il.
L'action conjuguée du Gouvernement, du Parlement européen, mais aussi de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui se sont fortement mobilisés, a fait prendre conscience à la Commission européenne des nombreuses difficultés soulevées par cette proposition de directive.
Celle-ci a ainsi annoncé le 2 février dernier, vous vous en souvenez, son intention de la réexaminer en vue de « construire un consensus » sur nos deux préoccupations majeures que sont la mise en oeuvre du principe du pays d'origine et le champ d'application de la directive.
Le commissaire en charge du dossier, Charlie Mac Creevy, a ainsi indiqué à plusieurs reprises son intention de réviser le texte à l'issue de l'examen par le Parlement européen, notamment en excluant du champ d'application les services d'intérêt général financés sur fonds publics et le secteur de la santé, et en apportant les clarifications nécessaires pour ne permettre aucun dumping social.
Notre ligne de conduite pour la suite de la négociation est claire. Nous avons besoin d'une législation européenne sur les services. Nous refusons, en effet, que la construction du marché intérieur des services découle de la seule jurisprudence, qui ne permet pas de lever l'incertitude pesant sur les acteurs économiques, tout autant que sur les consommateurs.
Ainsi, l'exigence de retrait pur et simple du texte ne serait pas une option favorable à nos intérêts. En revanche, la proposition de la Commission devra être profondément réexaminée à l'issue des travaux du Parlement européen.
En ce qui concerne le principe du pays d'origine, il soulève, comme je l'ai rappelé, des difficultés très sérieuses qui, en tout état de cause, devront trouver une réponse sans ambiguïté. Le Gouvernement précisera sa position sur la base des conclusions des études d'impact qu'il a lancées, en prenant en compte le résultat des discussions au Parlement européen, et la réponse qu'y aura apportée la Commission. La France sera d'autant plus efficace pour défendre sa position qu'elle ne sera pas isolée au sein des institutions communautaires.
Nous attendons de la Commission une approche constructive nous permettant de travailler sereinement à la remise à plat de ce texte. Nous resterons vigilants et fermes sur nos exigences essentielles.
A cet égard, je dirai quelques mots sur les propos tenus hier par le Président Barroso - propos tenus à titre personnel...