Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur est, pour le groupe UMP, important à plusieurs titres.
Dans la mesure où l'opinion publique s'en est saisie par l'intermédiaire des médias, celle-ci n'aurait pas compris que la représentation nationale en soit privée.
A cet égard, au moment où nous innovons, comme vous l'avez rappelé, nous devons remercier l'ensemble de celles et de ceux qui ont permis que ce débat ait lieu, au premier rang desquels le président du Sénat, Christian Poncelet, mais aussi le président de la délégation pour l'Union européenne, Hubert Haenel, qui a, dès novembre 2004, formé un groupe de travail et la commission des affaires économiques, qui s'est emparée de ce dossier, en déposant, après le dépôt du rapport de Denis Badré, une proposition de résolution, celle de janvier.
Nous devons également remercier les présidents de groupe d'avoir suscité l'inscription de ces textes à l'ordre du jour des travaux du Sénat, ainsi que vous, madame la ministre, d'avoir organisé sur ce thème de multiples réunions avec les parlementaires européens, ce qui constitue un fait nouveau.
Pourquoi ce débat est-il important ?
Tout d'abord, parce que l'objectif visé au travers de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur est crucial pour l'avenir de la croissance et de l'emploi dans l'Union européenne. A cet égard, il doit être soutenu, car le marché intérieur représente près de 54 % du PIB de l'Union, 70 % des emplois et 20 % des échanges intracommunautaires, comme le constatent à la fois la délégation du Sénat pour l'Union européenne dans son avis et la commission des affaires économiques, évoquant les avantages que la France pourrait en tirer en tant que premier exportateur de services en Europe.
Dans ce contexte, il est évident que, dans la perspective tant d'une politique de l'emploi dénommée, à l'échelon européen, « stratégie de Lisbonne » que des négociations multilatérales engagées au sein de l'OMC, notre pays pourrait retirer des bénéfices de l'achèvement de la mise en place du marché intérieur. Nous devons en être conscients et faire prendre conscience à nos opinions publiques de cet aspect stratégique.
Cependant, vouloir atteindre cet objectif ne saurait conduire à remettre en cause systématiquement les équilibres nécessaires à la cohésion d'une société qui sont constitutifs du modèle fondamental de la construction européenne.
En effet, il est vrai que l'instauration de la libre circulation des services, telle que proposée, se heurte à d'importants obstacles, tenant à la diversité des législations et des réglementations nationales qui, à côté du corpus communautaire, constituent le modèle juridique européen.
C'est en cela que le principal point d'achoppement, voire de rupture pour certains, est constitué par l'application aux services du principe du pays d'origine, ce que constatent tant la délégation du Sénat pour l'Union européenne, puisqu'elle indique dans son rapport que la proposition de directive est inacceptable en l'état, que la commission des affaires économiques, qui rappelle que l'Union européenne ne saurait se construire sur une concurrence entre ses membres, que l'étendue des imprécisions ne permet pas d'atteindre l'objectif fondamental et que l'harmonisation des législations constitue, depuis le Traité de Rome, un fondement de la méthode communautaire, auquel il faut ajouter, depuis les années de la présidence de M. Jacques Delors, le principe de la reconnaissance mutuelle, c'est-à-dire la mise en oeuvre du principe du pays d'origine après harmonisation.
Par ailleurs, ce débat est important parce que nous devons fournir un effort de compréhension et de lisibilité pour prendre, comme dans tout domaine, la mesure, tant négative que positive, des décisions prises. Cela est vrai pour tous les aspects de la proposition de directive examinée aujourd'hui, notamment s'agissant du fameux principe du pays d'origine, que l'on ne peut rejeter a priori, la preuve en étant qu'il a déjà été accepté, mais dont chacun reconnaît que l'on ne peut décider dès aujourd'hui l'application générale, comme l'ont souligné Mme la ministre et MM. les rapporteurs.
C'est aussi à ce titre que ce débat est important, car, sous couvert d'un texte mal formulé et complexe, on est peut-être en train de « diaboliser » un principe qui n'est pas en soi une aberration, puisqu'il a été appliqué dans certains domaines stratégiques, parfois à la demande de la France : je fais ici référence à la directive Télévision sans frontières, à la directive sur le commerce électronique, à la directive relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et à la directive sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, qui ont été appliquées de manière très satisfaisante.
Or pourquoi estime-t-on que ces quatre directives, qui représentent une contribution efficace à la réalisation du marché intérieur, ont été appliquées de manière très satisfaisante ? Parce qu'elles ont été précédées par une certaine harmonisation des législations nationales.
Mais si l'on ne doit pas « diaboliser » ce principe, on ne doit pas non plus s'en remettre à lui comme à un parapluie qui abriterait systématiquement la mise en oeuvre du marché intérieur. En effet, appliqué intégralement et seul, il aboutirait à une sorte de « libéral-souverainisme » aux mains des Anglo-Saxons, des Irlandais, des Italiens, ...