Intervention de Dominique Braye

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 21 juin 2011 : 1ère réunion
Débat sur l'élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale sdci

Photo de Dominique BrayeDominique Braye :

Assemblée des communautés de France - AdCF). - Il y a longtemps que les membres de l'AdCF savent qu'il n'y a absolument pas antinomie entre communes et intercommunalité. L'intercommunalité est seulement le prolongement de la commune et l'intercommunalité est une chance pour des petites communes afin qu'elles puissent continuer, demain, à apporter des services de qualité à leurs administrés.

Je partage complètement les propos exprimés par Jacqueline Gourault. L'AMF et l'AdCF font donc un même état des lieux.

L'AdCF a pris connaissance de la quasi-totalité des projets de schémas départementaux de la coopération intercommunale (SDCI) présentés par les préfets devant les CDCI entre fin avril et fin mai. Une première analyse synthétique des documents a été présentée et débattue par son conseil d'administration le 12 mai. Une journée nationale de l'AdCF sera consacrée à ce sujet demain, mercredi 22 juin, devant 200 présidents d'EPCI, pour éclairer la phase de délibération des communes et communautés et préparer la phase ultérieure d'examen et d'amendement par les CDCI des propositions de l'État.

Sur l'ensemble des projets de SDCI (près de 90) analysés par l'AdCF, la tendance générale constatée est celle d'un degré d'ambition assez marqué des préfets pour achever la carte de l'intercommunalité mais, surtout, pour en rationaliser les contours et réduire le nombre de syndicats techniques. L'AdCF recense plusieurs centaines de suggestions de fusions de communautés qui conduiraient, comme l'a rappelé Jacqueline Gourault, à un taux de réduction d'environ 35 % du nombre de communautés, sans compter les départements où les communautés vont augmenter, comme dans le Loiret, mais aussi dans mon département des Yvelines. En effet, nous étions les plus mauvais élèves de la France métropolitaine, puisque nous avions 115 communes isolées sur 262 communes, soit un taux de 45 %.

Au niveau national, la réduction du nombre de syndicats serait de 32 %, mais il convient de noter des différences d'écriture des documents à ce sujet : certaines suppressions, fusions ou absorptions de syndicats sont en effet présentées comme optionnelles ou laissées à l'appréciation des élus concernés.

Dans son document d'analyse, l'AdCF a constaté néanmoins une très forte hétérogénéité des documents initiaux des préfets, tant sur le plan formel que propositionnel.

Sur le plan formel, certains projets s'en tiennent à quelques pages (Calvados, Lozère...), là où d'autres constituent des documents très substantiels (Nord, Isère...) accompagnés de nombreux documents cartographiques et annexes. De nombreux projets de SDCI s'efforcent, dans l'esprit de la loi, de proposer une analyse fine des périmètres intercommunaux au regard des bassins de vie, des critères de solidarité fiscale et financière, de l'exercice des compétences... Quelques projets sont en revanche très pauvres en termes de diagnostic et proposent des évolutions qui peuvent sembler insuffisamment justifiées. Plusieurs documents semblent s'en tenir à l'objectif d'achèvement de la carte et de franchissement du seuil des 5 000 habitants par les communautés, négligeant l'effort de cohérence recherché avec les bassins de vie.

Sur le plan propositionnel, l'AdCF a constaté plusieurs tendances dominantes qui, naturellement, connaissent des contre-exemples :

- les préfets ont veillé, dans la plupart des cas, à limiter les hypothèses de « démembrement » de communautés existantes pour privilégier des rapprochements respectant l'intégrité des communautés initiales ;

- les propositions de périmètres interdépartementaux sont relativement rares et, dans quelques cas, donnent lieu à des divergences entre projets de SDCI et à des discussions intenses (cf. Vaucluse/Bouches-du-Rhône sur le devenir du Sud-Luberon) ;

- un travail de qualité a été, en général, conduit sur l'activité des syndicats intercommunaux et l'identification des grandes familles pouvant connaître des rationalisations (production d'eau, scolaire, syndicats primaires d'électrification quand ils demeurent...). A l'AdCF, on constate que les très grosses intercommunalités, en charge des politiques structurantes, du logement, du développement économique..., ont généralement très peu tendance à s'immiscer dans des compétences considérées comme essentiellement communales, à l'inverse des petites intercommunalités qui se rabattent essentiellement sur la mutualisation ;

- les propositions de constituer de très grandes communautés (60 communes et plus), à l'échelle des pays ou des SCOT, sont plutôt rares même si plusieurs projets de SDCI vont dans ce sens (Nord, Pas-de-Calais, Lot...) en négligeant parfois le caractère opérationnel et « gouvernable » ;

- plus d'une vingtaine de créations de communautés d'agglomération supplémentaires est envisagée à travers l'extension des communautés existantes mais également la disposition relative aux chefs-lieux de département (Digne, Lons-le-Saunier...) ;

- les périmètres des grandes communautés urbaines et d'agglomération sont fréquemment marqués par le choix du statu quo (ou d'évolutions à la marge) ; les extensions importantes concernant plutôt des petites ou moyennes agglomérations (Roanne, Blois, Brive, Carcassonne...). Parmi les grandes agglomérations dont est programmée l'extension, l'AdCF a néanmoins recensé les cas de Bordeaux, Toulon, Nice... ;

- seulement trois hypothèses de métropoles sont évoquées (Nice, Bordeaux, Strasbourg...) mais les projets de SCDI font référence à plusieurs projets de pôles métropolitains envisagés par les communautés.

En ce qui concerne la concertation menée en amont avec les élus, mais également les réactions suscitées par les projets préfectoraux, l'AdCF constate là aussi une assez forte hétérogénéité. Il reste que de nombreux adhérents de l'AdCF font état d'un effort réel de concertation préalable par les préfets. Les documents analysés mentionnent souvent les nombreuses réunions tenues, parfois à l'échelle des arrondissements, et font même parfois état directement des positions exprimées par les élus sur certaines options de rattachement de communes ou fusions de communautés.

Dans quelques départements, les élus ont considéré la concertation insuffisante, voire inexistante, et le travail de l'État réalisé de manière trop unilatérale, ou en liaison avec les seuls « grands élus » du département. Ces départements sont ceux au sein desquels la présentation du document devant la CDCI a été la plus mouvementée.

Plusieurs questions récurrentes sont aujourd'hui posées par les élus :

- le périmètre des sujets sur lesquels il leur est demandé de délibérer dans le délai de trois mois (ensemble du SDCI ou sujets les concernant directement) ;

- la difficulté à disposer de simulations financières fiables sur les incidences des recompositions de périmètres, comme l'a justement indiqué Jacqueline Gourault ;

- la date d'entrée en vigueur des nouvelles règles de plafonnement de la taille du conseil communautaire et du nombre de vice-présidents ;

- les conditions d'exercice des pouvoirs renforcés des préfets en 2012 puis en 2013 (notamment pour imposer une fusion dont les élus ne voudraient pas).

L'AdCF constate que les capacités des CDCI à réunir les deux tiers de leurs membres sur des projets alternatifs à ceux proposés par les préfets seront extrêmement inégales. Il n'est pas exclu que les CDCI parviennent, dans certains cas, à refuser l'adoption du projet de SDCI présenté par le préfet (à la majorité simple) sans être en mesure pour autant de présenter un document alternatif (faute de majorité qualifiée). Il faudra, par conséquent, analyser avec une acuité particulière les situations départementales dans lesquelles les préfets auront à prendre des initiatives en dehors de tout schéma.

De manière générale, le conseil d'administration de l'AdCF a souhaité que soit donnée une réelle ambition au SDCI pour tendre vers des communautés cohérentes avec les bassins de vie et capables de porter un véritable projet de développement. Cette ambition doit néanmoins être conjuguée avec le principe de réalité qui milite pour que les fusions de communautés reposent sur une adhésion locale forte et un effort de conviction. Compte tenu de la nécessité d'assurer le bon fonctionnement ultérieur de la communauté (redéfinition des statuts, réorganisations administratives, élaboration d'un projet de territoire, harmonisation fiscale...), il est peu envisageable de programmer des fusions qui ne reposeraient sur aucune volonté locale. Par ailleurs, il convient d'être conscients que certains projets de fusion, notamment les plus complexes, prendront du temps compte tenu de la forte hétérogénéité des compétences exercées par les communautés concernées et de leurs modalités d'organisation administrative. Un effort de convergence préalable sera parfois nécessaire. Certains projets de SDCI ont, à cet égard, le mérite de vérifier la faisabilité de leurs propositions (analyse comparée des compétences et des potentiels financiers) pour en définir un calendrier de mise en oeuvre réaliste.

L'AdCF a donc souhaité que soient clairement distingués les objectifs à poursuivre et mettre en oeuvre dans les temps courts (d'ici 2013), des objectifs de moyen terme qui peuvent faire consensus sur le fond, mais qui nécessiteront un temps de préparation incompressible. Les incertitudes nées de la réforme de la fiscalité locale contribuent à susciter cette demande d'une mise en oeuvre en deux temps, puisque la réforme de la fiscalité vient s'impacter avec ce problème de périmètres.

Au demeurant, l'AdCF considère que les évolutions de la carte intercommunale seront progressivement de plus en plus difficiles à assurer, compte tenu des évolutions de la fiscalité communautaire, mais également du renforcement des projets et compétences intercommunaux. Par conséquent, elle souhaite que la « clause de revoyure », prévue par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, soit avancée. Prévue tous les six ans, cette « revoyure » devrait être plutôt programmée dans la première partie du mandat prochain (actualisation du SDCI en 2015 et pouvoirs renforcés des préfets en 2016, plutôt que 2017 et 2018). N'oublions pas que les collectivités et les communautés vont vivre leurs vies et on s'aperçoit que plus une communauté a vécu longtemps, plus elle s'est cristallisée dans ses systèmes de fonctionnement et dans ses compétences, plus la fusion devient difficile. Il est donc inutile de repousser à fort loin cette évolution, d'autant plus que certains territoires ont mis en place des intercommunalités transitoires qui ont vocation à rejoindre de plus grosses intercommunalités à la clause de « revoyure ». Retarder trop cette échéance conduirait à d'inévitables difficultés.

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