Le budget de cette mission est moins touché que d'autres puisque les autorisations de programme augmentent de 0,2 % pour atteindre 347,9 millions d'euros et que les crédits de paiement, de 337,6 millions d'euros, augmentent de 4,8%. Quant au budget triennal 2011/2013 du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », il prévoit la création de 90 emplois sur la période, ce qui portera le nombre de créations depuis 2003 à 227 emplois. Au total, les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice seront atteints et même légèrement dépassés, mais avec trois ans de retard.
La création de tribunaux administratifs à Nîmes et à Toulon a rééquilibré l'activité de ceux de Montpellier, Marseille et Nice, comme la création de celui de Montreuil-sous-Bois a rééquilibré ceux de la région parisienne.
L'amélioration des délais de jugement se poursuit mais les réformes récentes auront un impact sur le volume du contentieux administratif ; d'où l'importance des études d'impact préalables à l'examen d'un projet de loi. Ainsi les contentieux relatifs à la loi de mars 2007 sur le Droit au logement opposable (DALO) ont eu un fort impact mais surtout concentré sur l'Île-de-France, le tribunal administratif de Paris enregistrant, en 2009/2010, 2641 requêtes, soit 54,8% du total national. A partir du 1er janvier 2012, il faudra compter avec les contentieux liés au RSA, alors qu'auparavant, ceux liés au RMI et à l'Allocation parent isolé relevaient respectivement de l'aide sociale et des tribunaux de la sécurité sociale. Enfin, la transposition de la directive européenne sur les contrats de commandes publiques amènera de nouveaux contentieux.
La question prioritaire de constitutionnalité, conséquence de la révision constitutionnelle de juillet 2008, est à l'origine de nombreuses saisines des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'État.
Enfin, les modifications récentes et à venir de la législation relative à l'immigration auront de considérables conséquences sur le contentieux relatif au séjour des étrangers, contentieux qui représente 24% des recours devant les tribunaux administratifs, mais 57% de celui de Montreuil et, respectivement, 54 et 44% de ceux de Cergy-Pontoise et de Paris. Cela déstabilise l'ensemble des contentieux en raison du délai de trois mois imposé pour rendre le jugement, délai en général respecté. Cela a aussi un fort impact sur les cours administratives d'appel, la réforme de l'obligation de quitter le territoire français ayant provoqué la multiplication des appels. On craint aussi les conséquences de la future loi sur l'immigration : jusqu'à présent, l'étranger était, la plupart du temps, présenté au juge des libertés et de la détention avant que son recours soit, éventuellement, examiné par le juge administratif ; ce sera désormais l'inverse. De plus, le futur projet de loi pourrait alourdir encore la charge de travail induite par chaque recours.
J'en viens à la difficile mutation de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) dont le budget est maintenant rattaché à celui du Conseil d'État et des juridictions administratives. J'ai reçu sa présidente, Mme Martine Denis-Linton et je me rendrai sur place à Montreuil. Cette Cour a été l'objet de beaucoup de tensions internes et nos collègues Jean-Claude Frécon et Pierre Bernard-Reymond lui ont consacré un intéressant rapport. Depuis le 1er janvier 2009, la CNDA est une juridiction administrative placée sous l'autorité d'un président membre du Conseil d'État. Installée à Montreuil, elle statue sur les recours contre les décisions de l'OFPRA, le recours devant être déposé dans un délai d'un mois après notification de la décision. Le nombre de recours augmente mais celui des décisions rendues diminue du fait de l'augmentation de près de 30% du nombre de renvois prononcés avant l'audience, renvois eux-mêmes multipliés par la possibilité, pour tout demandeur d'asile, de demander, jusqu'à l'audience, l'aide juridictionnelle. Les délais de jugement sont longs et le rapport précité de nos deux collègues souligne les conséquences budgétaires de ces délais. Il est inacceptable qu'un étranger doive attendre, deux, voire trois ans, avant d'être fixé sur son sort. D'autant que, pendant ce temps, s'il est logé et indemnisé, il n'a pas le droit de travailler, ce qui ne favorise pas une éventuelle intégration. Le coût est élevé pour la mission « Immigration, asile et intégration ». L'allocation temporaire d'attente est de plus de 300 euros.
Il fallait donc renforcer les effectifs des rapporteurs et des magistrats. Le Conseil d'État a fait un effort en affectant à la Cour nationale, en 2011, 10 ETPT de magistrats et 20 ETPT d'agents de greffe et de rapporteurs.
La présidente de la CNDA tient à appeler notre attention sur le nombre très insuffisant des avocats plaidant devant sa juridiction. En 2009, l'élargissement des conditions d'obtention de l'aide juridictionnelle a abouti à tripler le nombre des demandes - 9 927 contre 3 000 en 2008 ; 6000 de ces demandes ont été admises. Mme Denis-Linton a signalé aux bâtonniers la nécessité de sensibiliser de nouveaux avocats sur l'intérêt de cette tâche. Le faible nombre des avocats plaidant à la CNDA rend son fonctionnement difficile : par exemple, un avocat traite à lui seul 1 600 dossiers, ce qui génère des difficultés pour l'établissement des rôles d'audiences.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».