Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission administration pénitentiaire - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur pour avis :

Les crédits de ce programme augmentent de 4,5%, ce qui, dans le difficile contexte budgétaire, témoigne d'un indiscutable effort. Michèle Alliot-Marie faisait d'ailleurs remarquer à l'Assemblée nationale, le 2 novembre, que le budget de la justice était passé de 4,3 à 7,1 milliards d'euros entre 2001 et 2011. Le programme « Administration pénitentiaire » représente 39% des crédits de la mission « Justice » et s'élève à 2,8 milliards d'euros en crédits de paiement et à 3,2 milliards d'euros -soit une augmentation de 6,7 % - en autorisations d'engagement. Le plafond des autorisations d'emploi est porté à 34 857 ETPT, soit 997 de plus qu'en 2010. Au total, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

J'ai cependant à formuler certaines inquiétudes et à adresser certaines interrogations au gouvernement.

D'abord, l'exercice 2011 est complètement déconnecté des exigences de la loi pénitentiaire de novembre 2009. Il n'y a aucun rééquilibrage des recrutements en faveur de l'insertion et de la probation, l'augmentation du plafond des emplois profitant essentiellement aux personnels de surveillance pour les nouveaux établissements créés dans le cadre du « programme 13 200 ». Et, s'agissant de ce dernier, si j'approuve le remplacement des 9 000 places vétustes, je juge nécessaire d'en rester à l'objectif de 63 000 places au total, ce qui correspond à la moyenne européenne de 100 places pour 100 000 habitants. Le développement des aménagements de peine nécessiterait 1 000 postes supplémentaires et les successives créations d'ETPT au titre des greffes, de l'insertion et des programmes éducatifs sont restées beaucoup trop modestes. Je n'ai évidemment rien contre l'augmentation des emplois de surveillance, mais il serait plus judicieux de les renforcer dans les prisons existantes, plutôt que d'augmenter le parc pénitentiaire.

Ensuite, le programme annuel de performances n'est pas toujours pertinent. Par exemple l'objectif de porter le taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée à 37,4 % n'est absolument pas satisfaisant en regard du résultat de 2010. Une cible si modeste est-elle susceptible de mobiliser l'administration pénitentiaire ? De même, est-il pertinent de calculer l'indicateur relatif à l'accès aux soins sur des mesures purement administratives et non sur le nombre de consultations ? Quant à la sécurité des établissements, elle doit aussi s'apprécier en fonction des violences sur les détenus et non, seulement, de celles subies par les surveillants.

Les moyens de fonctionnement des établissements en gestion publique diminuent de 3%. Cela freine l'entretien des structures dont la réhabilitation, à terme, est très coûteuse : à Fleury-Mérogis, celle d'une cellule revient à 100 000 euros... Cette diminution des moyens accordés à la gestion publique s'explique par l'augmentation de ceux réservés à la gestion déléguée...

J'en viens enfin à l'encellulement individuel. Ses progrès s'expliquent par l'augmentation du nombre de places et par la diminution de celui des détenus - 2 500 en moins depuis 2004, sur un total de 65 000. Entre janvier 2009 et janvier 2010, le nombre d'établissements occupés à plus de 150% a diminué de moitié. Le progrès est donc incontestable. Mais je m'étonne à présent que l'administration pénitentiaire comme le Gouvernement - auquel nous avions eu du mal à faire accepter ce droit à l'encellulement individuel - soient maintenant devenus des « ayatollahs » de cet encellulement individuel et visent à en faire bénéficier 95 à 100 % des détenus à l'horizon 2017. Le Parlement avait pourtant prévu des exceptions, réservant cette forme de détention aux seuls détenus qui la désirent ou qui sont psychologiquement capables de la supporter. Le programme Perben prévoyait 30 % de cellules collectives. Le nouvel engouement du Gouvernement et de l'administration pour cet encellulement individuel a de graves conséquences à travers la décision de fermer des établissements qui fonctionnent plutôt correctement, sans suicides ni taux de récidive excessifs.

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