Le programme n° 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » représente environ 10 % des crédits de la mission « Justice ».
Pour la troisième année consécutive, les crédits diminuent : ce programme sera doté de 758 millions d'euros en crédits de paiement en 2011. Le nombre d'équivalents temps pleins travaillés diminuera de 117, soit une suppression totale de 347 postes entre 2008 et 2011. Mais l'approche globale doit être complétée par les évolutions de structures, car la PJJ achève en 2011 son recentrage sur les mineurs délinquants : conformément à son projet stratégique national pour 2008-2011, elle ne financera plus la prise en charge des mineurs en danger, ni celle des jeunes majeurs, à l'exception des mesures d'investigation.
J'aborderai successivement le recentrage pénal de la PJJ, les inquiétudes qu'il soulève pour la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs, puis les réformes internes de la PJJ.
Les lois de décentralisation avaient transféré aux départements la protection de l'enfance, mais la PJJ a continué pendant plusieurs années à exécuter les mesures d'assistance éducative que lui confiaient les juges des enfants. En ce domaine, l'État et les départements exerçaient donc des compétences concurrentes. C'est pourquoi la commission d'enquête sénatoriale a préconisé en 2002 une clarification des rôles respectifs. D'où l'expérimentation instituée par la loi du 13 août 2004, complétée par la loi du 5 mars 2007, qui a réaffirmé la compétence départementale pour la protection de l'enfance. Sans attendre les résultats de l'expérimentation, la PJJ a généralisé en 2008 son recentrage sur l'action pénale.
Ce recentrage s'est accompagné par une augmentation de 27 % des crédits consacrés à cette action entre 2008 et 2011. J'observe qu'entre 2002 et 2009, le nombre de mineurs confiés à la PJJ au pénal s'est accru de 40 %, pour un taux de réponse pénale atteignant 92,9 %. Dans la moitié des cas, les affaires sont classées par le parquet après la réussite d'une mesure alternative aux poursuites. Actuellement, 70 % des mineurs délinquants de moins de 17 ans ne font pas l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui suit ; quelque 5 % des mineurs délinquants commettent la moitié des infractions et forment une sorte de « noyau dur ».
Depuis 2008, les redéploiements d'effectifs ont permis de porter à 14 le nombre d'éducateurs par foyer, contre 12 auparavant. Parallèlement, les délais de prise en charge ont été améliorés, avec des placements exécutés en deux jours et demi contre cinq en 2002. De même, les mesures en milieu ouvert sont désormais exécutées en 40 jours contre 55 en 2002. On peut souligner le rôle positif des bureaux d'exécution des mesures et des peines pour les mineurs (BEX) créés dans certaines juridictions, sans oublier toutefois de nuancer les résultats obtenus, puisque la réduction des délais est partiellement due à la précaution prise par les juges pour enfants, qui vérifient la disponibilité de la destination, avant de décider un placement : la procédure en est nécessairement accélérée, du moins en apparence. D'autre part, de très fortes disparités persistent entre les territoires, avec des délais bien trop élevés en Île-de-France et dans la région lyonnaise par exemple : il n'est pas rare qu'un mineur y commette une nouvelle infraction avant l'exécution de la première mesure...
Les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) ont été créés par la loi « Perben I » du 9 septembre 2002 afin de prendre en charge des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants. Les CEF sont dotés de 24 à 27 éducateurs, qui encadrent huit à douze jeunes pendant six mois. La durée de détention en EPM dure en moyenne deux mois et demi ; quelque 150 personnes accueillent une soixantaine de mineurs. Avec Mme Boumediene-Thiery et M. Lecerf, j'ai constaté la qualité et la diversité des projets de réinsertion mis en oeuvre à l'EPM d'Orvault et dans le CEF de Doudeville. Les critiques exprimées en 2002 se sont atténuées ; les juges pour enfants semblent particulièrement apprécier les CEF, dont le taux d'occupation est très élevé.
Un constat s'impose toutefois : bien qu'il soit impossible de connaître le prix de journée, nous savons qu'un placement en CEF ou en EPM coûte très cher. Or, l'incidence de ces structures sur la récidive et la réinsertion n'a pas encore été mesurée. Notre commission a donc chargé MM. Pillet et Peyronnet d'évaluer cette contribution. D'autre part, plusieurs personnes que j'ai entendues estiment que les moyens alloués aux CEF et EPM ont été prélevés sur les foyers traditionnels et sur les mesures de milieu ouvert. Les associations constatent aussi, pour s'en inquiéter, les baisses de crédits affectant les investigations et les réparations pénales.
J'en viens aux jeunes majeurs et aux mineurs en danger. En 2011, la PJJ cessera toute intervention en ce domaine, mais l'incidence budgétaire de cette évolution n'a pas été évaluée, ce que la Cour des comptes a regretté dans un rapport de septembre 2009. Après un long contentieux, l'État a été mis en demeure par le Conseil d'État de créer le Fonds national de financement de la protection de l'enfance, prévu par la loi du 5 mars 2007. Créée par un décret du 17 mai 2010, ce fonds doit être doté de 30 millions d'euros par an. De très grandes disparités existent dans l'action des départements, malgré le principe d'égalité devant la loi. Il m'a en outre été impossible de savoir si le désengagement de la PJJ avait été compensé par l'accroissement des dispositifs départementaux.
Le principe du recentrage de la PJJ au pénal ne semble plus contesté, mais plusieurs personnes entendues jugent cette évolution « brutale » et « sans nuances ». En effet, la frontière entre mineurs délinquants et mineurs en danger est souvent ténue. Ainsi, 15 % des mineurs pris en charge au pénal ont été précédemment suivis en assistance éducative. L'intervention pénale permet parfois à l'institution judiciaire de découvrir les graves difficultés sociales d'un mineur. Pour les intéressés, la relation de confiance nouée avec des éducateurs est essentielle : ils ne peuvent pas « passer d'une case à l'autre », nous a dit la présidente de l'Association des magistrats de la jeunesse. Il serait souhaitable que la PJJ continue à titre exceptionnel de suivre ces mineurs en assistance éducative ou en « protection jeune majeur » après la fin de la mesure pénale.
Je terminerai avec les restructurations internes à la PJJ. Entre 2008 et 2011, les crédits de la fonction « support » auront été réduits de 18 %, grâce à la création de neuf directions interrégionales au lieu des 15 directions régionales, parallèlement à la substitution de 50 directions territoriales aux 100 directions départementales d'autrefois. Cela permet de mutualiser les moyens et d'adopter une organisation territoriale plus pertinente. En outre, la restructuration des établissements de placement fait que tous peuvent accueillir au moins 12 mineurs.
En conclusion, l'accent mis sur les mineurs délinquants a été permis par les économies réalisées sur la fonction « support », par la fin des prises en charge au civil, enfin par la rationalisation de l'offre sur le territoire. Désormais, toute nouvelle baisse des crédits affecterait la prise en charge des mineurs délinquants, puisque l'unique levier de maîtrise du coût tient à l'amélioration du taux d'occupation. Compte tenu de l'augmentation tendancielle de la population pénale, marquée par une hausse de 40 % des prises en charge depuis 2002, il est indispensable de stabiliser les crédits de la PJJ.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.