Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 15 mars 2005 à 10h30
Services dans le marché intérieur — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

... mais un saut vers le bas, cher ami Jean Bizet.

Certains pourraient être tentés de me rétorquer qu'il y a un précédent dans l'histoire de la construction européenne : l'Acte unique, dont le principe est le PPO. Certes, mais il y a une grande différence : si les marchandises sont des objets, les services impliquent des hommes et des femmes et, derrière la notion de services, il y a les services publics et des standards sociaux.

Vous voyez bien, mes chers collègues, que la genèse de ce texte n'est pas accidentelle mais qu'elle procède d'une logique, je devrais même dire d'une « idéo-logique » : celle qui a cours aujourd'hui à Bruxelles.

Deuxième point : ce texte est-il amendable ? La réponse est bien évidemment négative puisqu'il a une prétention quasiment universelle ou en tout cas quasiment générale. Vous ne pouvez pas dès lors le transformer en un texte sectoriel. Vous aurez beau ajouter quelques exemptions aux vingt-trois exemptions qui existent déjà, vous n'obtiendrez qu'un mauvais gruyère avec de gros trous, autour desquels le PPO subsistera. Par conséquent, il faut abandonner ce texte.

Quant à votre argumentation pivot selon laquelle il vaut mieux une directive, fût-elle mauvaise, plutôt qu'une jurisprudence prétorienne de la Cour de justice, elle me semble très fragile.

En effet, la Cour de justice intervient non pas au niveau des directives mais au niveau des traités. Elle a pour objet de vérifier la conformité des directives aux traités et non l'inverse. Je pourrais vous citer des dizaines d'exemples de jurisprudence - sur le repos dominical, entre autres - dans lesquels une directive a été en tout ou partie annulée par la Cour de justice.

Cette proposition de résolution ne fait que constater par anticipation l'échec programmé de la demande de retrait. On peut le déduire des propos de M. Barroso. Au Parlement européen, une majorité claire ne se dégagera même pas pour abandonner ce texte.

En France, on va « balader » les citoyens électeurs jusqu'au 29 mai prochain. Après, à Dieu va ! et l'on connaît la suite...

Troisième et dernier point : ce texte pose la question des services publics et notamment des services d'intérêt économique général, les SIEG.

Jusqu'à présent, l'intrusion de la Commission européenne dans nos services publics se faisait via le droit de la concurrence ; je pense ainsi à la loi de régulation postale que nous avons adoptée il y a quelques jours.

Mais vous allez constitutionnaliser, graver dans le marbre l'article III-122, octroyant ainsi à la Commission européenne, qui en profitera sans gêne, une légitimité pour intervenir dans les SIEG, sur leurs principes et leurs conditions de fonctionnement.

Mes chers collègues, il faut arrêter de déplorer les effets quand on chérit les causes ! Les deux sont liés et ne peuvent être dissociés.

Je tire trois conclusions de mes propos.

Premièrement, le PPO représente le nivellement général par le bas ; il faut donc l'abandonner. Il s'agit d'être clair et de ne plus dire : « Je ne suis ni pour ni contre. »

Deuxièmement, si la Constitution est votée, nous voterons des résolutions, mais les décisions seront prises ailleurs. Vous voyez à quoi risquent d'être réduits les parlements nationaux, notre assemblée en particulier.

Troisièmement, mes chers collègues, je crois pouvoir dire à tous ceux d'entre vous qui ont aimé la directive Bolkestein qu'ils adoreront la Constitution !

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