Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 15 mars 2005 à 10h30
Services dans le marché intérieur — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Roland Ries a exposé avec force plusieurs des raisons essentielles pour lesquelles nous souhaitons que la Commission européenne retire sa proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Bolkestein ». Il s'agit tout d'abord du risque majeur de dumping social que fait courir l'application du principe du pays d'origine, ensuite, de la rupture avec l'objectif d'harmonisation des législations sociales qu'elle implique. Il est une autre raison que je souhaite développer maintenant, à laquelle nous sommes très attachés en France : je veux parler de la défense des services publics, lesquels, pour les socialistes, sont au coeur du pacte républicain.

Je présenterai demain devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne un projet de rapport sur le Livre blanc de la Commission consacré aux services d'intérêt général. Les deux sujets sont directement liés. En l'état, le champ trop vaste des services concernés par la directive Bolkestein est très dangereux, car il risque de définir par défaut et a minima le périmètre des services publics.

Les services dits « d'intérêt économique général » sont en effet concernés par cette proposition de directive. Or, derrière ce vocable, on entend des missions à la fois fondamentales pour la cohésion sociale et très diverses, je pense notamment à tous les services de santé et de protection sociale. Ces services ne peuvent en aucun cas être régis par les mêmes règles que les services marchands classiques.

A l'évidence, la distinction actuellement opérée par la Commission entre les services d'intérêt général et les services d'intérêt économique général n'est pas pertinente : il n'existe pas de service qui soit totalement en dehors de l'économie. Le logement social, par exemple, est un service d'intérêt général forcément inséré dans l'économie. Il devrait être exclu du champ d'application de la directive, qui l'inclut au titre du régime d'autorisation. C'est le cas également de toutes les entreprises d'insertion qui emploient des prestataires de services aux particuliers.

De surcroît, nous ne devons pas le perdre de vue, les services d'intérêt général contribuent à la prospérité économique et sont générateurs d'emploi. D'autres règles que celle de la libre concurrence doivent donc leur être appliquées.

Le 29 mai prochain, les Français vont être consultés par référendum pour savoir s'ils approuvent le traité constitutionnel européen. Nous sommes favorables à cette ratification ; nous menons activement campagne pour le oui. Le projet de directive Bolkestein est en contradiction avec le texte du traité, qui reconnaît, dans ses articles II-96 et III-122, l'existence et les objectifs sociaux des services publics ainsi que le droit des Etats à assurer leur fonctionnement par un financement adéquat.

Les enjeux du débat sur ce traité sont trop graves pour que l'on use d'arguments fallacieux. On ne peut laisser opérer un amalgame trompeur entre les deux textes. Si le traité constitutionnel était déjà applicable, le projet de directive Bolkestein aurait pu être rejeté pour réexamen, en vertu même de l'exercice du contrôle du principe de subsidiarité désormais attribué aux parlements nationaux.

Pour ces raisons, nous demandons non seulement le retrait de la directive actuelle, mais aussi, préalablement à toute nouvelle directive sur les services, l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général.

Cela relève d'un choix fondamental entre deux modèles européens de société fondés, l'un, sur les seules forces du marché, au détriment des plus faibles, l'autre, que nous devons promouvoir, sur les principes de solidarité et de cohésion sociale garantissant à chacun des conditions de vie dignes.

Ainsi, en matière de services, l'Union européenne ne doit pas être « unijambiste ». Elle doit développer simultanément un droit des services publics et un droit des services strictement marchands.

Madame la ministre, il ne suffit pas de demander l'harmonisation avant l'application de la directive, il faut aller plus loin pour être fidèle à notre projet d'Europe. Cela implique que la Commission retire sa proposition de directive ; cela implique également que la France s'engage fermement à convaincre ses partenaires de la nécessité d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général.

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