En Corrèze, le sujet est même abordé en conseil municipal par des maires soucieux de sensibiliser la population de leur commune. Le président de l'association départementale des maires a vigoureusement pris position contre cette directive.
Pourtant, s'inscrivant dans un processus de réformes économiques dont la finalité est de faire de l'Union européenne l'économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l'horizon 2010, cette directive prétend mettre en place un véritable marché intérieur des services et est présentée par la Commission comme une avancée.
S'il est vrai que le secteur des services représente plus des deux tiers du produit intérieur brut, la libre circulation des services en Europe se heurte à d'importants obstacles dus à la diversité des législations et des réglementations nationales en matière de conditions d'exercice de certaines activités, de protection des consommateurs ou de réglementation des ventes.
Ainsi, alors que l'Europe et la France ont plus que jamais besoin de nouvelles opportunités de croissance, il est important de fixer les règles d'établissement d'un marché unifié des services et de rattraper notre retard en la matière.
Mais dans son état actuel, parce qu'elle a vocation à résoudre en un seul texte les problèmes de l'ensemble des services dans le marché intérieur, ce qui recouvre des activités par nature complexes et hétérogènes, la directive a un caractère transversal, voire universel, qui engendre de nombreuses incertitudes chez les prestataires et les bénéficiaires de services.
Je citerai un exemple parmi d'autres. Au mois de novembre dernier, intervenant lors d'un colloque organisé par le ministère de la jeunesse et des sports sur les enjeux des projets de réglementations de l'Union européenne pour les associations, j'avais dénoncé, devant un auditoire attentif et préoccupé par ce dossier, ce qui paraissait poser problème dans l'application des principes de liberté d'établissement des prestataires de services et de liberté de circulation des services tels qu'énoncés dans ce texte aux activités des associations du secteur sportif, lesquelles peuvent être considérées comme des prestations de services - encadrement de la pratique sportive, organisation de compétitions, etc.
Je n'entrerai pas dans le détail, mais, si nous en restons là, un acteur de l'un des pays de l'Union européenne pourra, sans en demander l'autorisation, créer une activité de services à caractère sportif dans un autre pays de l'Union, et ce en appliquant les conditions d'exercices de son pays d'origine.
Ainsi, le pays d'accueil sera éventuellement confronté, sur son territoire, à la présence d'acteurs soumis à des règles plus favorables. Cette situation risque de provoquer des distorsions de concurrence et d'avoir de nombreuses incidences en termes de qualité et de sécurité, voire, comme vous l'avez signalé, madame la ministre, d'entraîner un nivellement par le bas des législations, en particulier dans le domaine social, même si le modèle français devient de plus en plus une exception qui ne séduit guère nos partenaires européens, même les plus à gauche.
Si la construction européenne est une nécessité pour la France, elle doit avoir pour objectif d'élever le niveau de la qualité des services rendus aux citoyens européens. L'élargissement de l'Europe ne peut se construire sur une concurrence déloyale entre ses membres, en dehors de toute solidarité et sans une forme de tutorat des nations qui constituent son noyau historique.
Par conséquent, maintenir le texte actuel de cette proposition de directive n'est pas envisageable. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont clairement indiqué : la proposition de directive de la Commission sur les services est inacceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat.
La Commission européenne elle-même a pris conscience des difficultés soulevées par cette proposition et s'est engagée à améliorer le texte. Cependant, les fondements étant mauvais, nous ne saurions nous contenter d'un simple replâtrage : c'est à la réécriture totale de la directive que doit travailler la Commission. Pour faciliter cette réécriture, ne conviendrait-il pas de retirer la directive, afin de mettre un terme au doute qui assaille les partisans, dont je suis, d'un oui raisonné ?
Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour prendre acte, pour nous positionner et pour adopter une résolution qui, je l'espère, nourrira les travaux à venir, en particulier ceux de la Commission, et trouvera un écho auprès de nos collègues du Parlement européen, qui examineront ce texte au mois de juillet ou à l'automne prochain.
II s'agit pour nous de nous saisir officiellement de ce dossier et de soutenir l'action du Gouvernement au niveau européen afin que soient établies des normes définissant un cadre tant économique que social, et ce dans le respect de notre culture et de nos traditions, ainsi que de notre conception, très hexagonale, je le concède, du service public.
Non, monsieur Bolkestein, l'Europe ne peut se construire sans l'harmonisation des lois et l'adhésion des femmes et des hommes qui y vivent, qui ont une histoire et disent « oui » à l'Europe telle que l'ont voulue ses pères fondateurs, dont le Président de la République est aujourd'hui l'héritier.