Intervention de Jean Germain

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 février 2007 : 1ère réunion
Femmes et hommes dans les médias — Audition de Mme Isabelle Germain présidente de l'association des femmes journalistes

Photo de Jean GermainJean Germain :

a rappelé que l'Association des femmes journalistes (AFJ), qui compte actuellement une centaine de membres, soit une part réduite du nombre total de femmes journalistes, avait été créée en 1981, dans le but de promouvoir l'image et la place des femmes dans les médias, c'est-à-dire la place des femmes journalistes et la place des femmes dans le contenu de l'information. Elle a indiqué que les femmes occupaient, dans les médias, la même position que dans beaucoup d'autres professions, à savoir qu'elles étaient relativement nombreuses « à la base », mais nettement moins présentes « au sommet », et a estimé que cette situation avait des conséquences concrètes sur la façon dont l'information était présentée.

Elle a évoqué l'organisation par l'AFJ, la veille, d'un dîner précédé d'une rencontre avec Mme Dominique Méda à propos de son dernier livre, intitulé « Le deuxième âge de l'émancipation », dans lequel celle-ci souligne les difficultés auxquelles les femmes continuent d'être confrontées pour concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Elle a indiqué que ce livre appelait en particulier l'attention sur les insuffisances des politiques publiques en matière de garde des enfants, seulement 45 % des enfants de moins de trois ans étant confiés à une structure de garde prise en charge par la collectivité. Elle a ainsi relativisé l'affirmation, véhiculée par les médias, selon laquelle la forte natalité constatée en France serait liée à la qualité des modes de garde mis en place par les pouvoirs publics, et a parlé de « déformation de la réalité » en évoquant les propos tenus au sujet des progrès de la situation des femmes. Elle a regretté la trop faible médiatisation des idées développées dans cet ouvrage.

a également illustré ses propos avec les organigrammes des rédactions des grands médias, qui font apparaître que peu de femmes occupent des fonctions de responsabilité. Elle a fait observer que les hommes continuaient d'y détenir les clefs du pouvoir et qu'il était dès lors difficile pour les femmes de faire valoir une vision de la société différente de celle des hommes, les femmes relayant d'ailleurs souvent le discours masculin dominant.

Elle a indiqué que, depuis 1995, l'AFJ participait pour la France à une étude quinquennale, qui consistait à recenser, le même jour, dans la presse de 76 pays, le genre des personnes citées dans les informations publiées. Elle a indiqué que la dernière de ces enquêtes, réalisée en mai 2006, sur la base du dépouillement de sept quotidiens, dont deux quotidiens régionaux, faisait ressortir qu'en France, ces personnes étaient à 82 % des hommes et à 18 % seulement des femmes, à comparer à une moyenne mondiale de 24 % de femmes citées. Elle a souligné que cette proportion n'avait quasiment pas évolué depuis 1995.

a précisé que les femmes apparaissant dans les médias étaient le plus souvent soit anonymes, soit en position de victime, soit citées comme ayant un lien familial avec un homme, alors que les hommes étaient très majoritairement cités avec leurs fonctions. Elle a pris l'exemple d'un exemplaire d'un célèbre hebdomadaire français qui, à l'exception des publicités, ne montre une femme pour la première fois qu'à la page 40. Elle a également fait observer que, contrairement aux hommes, les femmes citées dans la presse ne l'étaient généralement qu'avec leur prénom, comme si elles n'avaient pas de nom. Elle a ajouté que les femmes étaient quasiment absentes de certaines rubriques des journaux, en particulier les pages consacrées au sport ou à l'économie, et que, dans les pages culturelles, où elles apparaissaient plus souvent, c'était généralement comme muses d'un artiste, mais plus rarement comme artistes elles-mêmes ou auteurs.

En termes de présence dans les médias, elle a indiqué que les hommes politiques étaient les plus souvent cités, et que les femmes les plus régulièrement citées étaient également des responsables politiques. Elle a noté que, le jour choisi pour réaliser cette étude, le 10 mai 2006, la presse évoquait de façon récurrente l' « affaire Clearstream », dont les protagonistes étaient très majoritairement masculins, à l'exception du ministre de la défense et du maire de Lille.

Elle a relevé qu'une femme citée sur quatorze l'était en tant que victime, contre un homme sur vingt-et-un, qu'une femme citée sur six était anonyme, contre un homme sur trente-trois, faisant observer que l'anonymat des hommes était souvent utilisé dans un souci de protection, tandis que les femmes étaient généralement mentionnées comme témoins populaires, et non comme actrices ou expertes.

a indiqué que cette étude quinquennale visait à sensibiliser les journalistes à la question de la représentation des femmes dans l'information, ainsi que l'opinion publique, les enseignants par exemple, mais également les femmes exerçant des fonctions de responsabilité qui, selon elle, s'affirment moins naturellement que les hommes et ont besoin de prendre confiance en elles. Elle a également noté que l'AFJ décernait autrefois un prix de la publicité la moins sexiste, c'est-à-dire celle qui ne propageait pas de stéréotypes sexués.

Elle a toutefois regretté que l'AFJ ne parvienne pas à mobiliser davantage de femmes journalistes, ce qu'elle a expliqué par un manque de disponibilité et, parfois, par la crainte de s'afficher comme « féministe ».

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