Intervention de Jean-François Pilliard

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 septembre 2010 : 1ère réunion
Réforme des retraites — Audition de M. Jean-François Pilliard président de la commission protection sociale du mouvement des entreprises de france medef

Jean-François Pilliard, président de la commission Protection sociale du Medef :

Nous l'avons dit d'emblée : après cette réforme urgente qui s'impose pour éviter une baisse drastique du niveau des pensions et préserver les équilibres économiques, sans quoi les incidences sociales seraient dramatiques, il faudra s'atteler à une réforme plus fondamentale. J'ai quelque expérience des régimes sociaux des autres pays européens, et je regrette que nous n'ayons pas adopté le principe de la « réforme permanente », qui prévaut notamment en Allemagne et où la réforme des retraites a pris des années. Il n'est pas surprenant que chaque projet des gouvernements successifs suscite des remous dans l'opinion française, car nous ne savons réformer que par à-coups ! Or nous savons tous que cette réforme-ci n'est pas la dernière : les hypothèses macro-économiques sur lesquelles elle repose ont peu de chances de se vérifier, et l'Etat reste largement mis à contribution pour financer les retraites du secteur public.

Les partenaires sociaux gèrent déjà les régimes complémentaires de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et de l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco), dont certains reposent sur un système par points. Notre position n'est pas idéologique : nous sommes attachés à la répartition, mais croyons en la nécessité de la compléter par l'épargne. Plus généralement, la sécurité sociale, créée dans un contexte économique tout à fait différent, doit sans doute évoluer ; les sédimentations issues des réformes successives n'ont pas réglé le problème des ressources. Le financement de la protection sociale doit reposer sur la solidarité nationale, sur les cotisations des employeurs et des salariés, mais aussi sur les citoyens qui consomment entre autres des produits de santé.

En ce qui concerne les allègements de charges, il faut cesser de les considérer comme des cadeaux aux employeurs : ils ont été consentis en contrepartie de la réduction du temps de travail. Le coût du travail et le poids des charges, auxquels s'ajoutent les faibles performances de notre système éducatif, la rigidité du marché de l'emploi et les aléas juridiques qui pèsent sur les entreprises rendent notre économie peu compétitive. Dans les secteurs à fort taux de main-d'oeuvre, qui emploient le plus de salariés peu qualifiés et bénéficient à ce titre d'allégements de charges, la suppression de ces allégements aurait de graves conséquences en termes d'emploi et nuirait par là même à l'équilibre des comptes sociaux. Nous étions déjà opposés à l'annualisation du calcul des allégements et il serait tout à fait inopportun d'aller plus loin, à moins de leur substituer un système pérenne qui ne pénalise pas les entreprises.

Le taux d'emploi des seniors jusqu'à soixante ans est, en France, sensiblement équivalent à celui que l'on observe dans les autres pays européens ; c'est l'Etat, premier employeur, qui a le plus souvent recours à des cessations anticipées d'activité. En revanche, nous sommes en retard en ce qui concerne les plus de soixante ans. Toutefois, le Medef est convaincu que le relèvement des bornes d'âge modifiera la perception des employeurs et des employés. D'autres mesures sont envisageables. Depuis trente ans, lorsqu'une entreprise se trouve en sureffectif, elle peut soit arrêter d'embaucher - ce dont pâtissent les jeunes -, soit encourager ses employés les plus âgés à partir en retraite anticipée - les mesures de ce type sont jusqu'à présent plébiscitées de tous -, soit procéder à des licenciements, qui coûtent à peu près aussi cher qu'ailleurs en Europe mais prennent beaucoup plus de temps : il s'écoule entre six et vingt-quatre mois entre le constat d'un problème de sureffectif et sa résolution. A cela, s'ajoutent des aléas juridiques : un tribunal vient parfois ordonner trois ou quatre ans après la réintégration des salariés licenciés d'une filiale, alors même que ceux de la maison mère ont tous été reclassés en CDI... C'est pourquoi les entreprises n'ont d'autre choix que de recourir au travail précaire. Dans d'autres pays, le CDI est la règle, mais en contrepartie il peut y être mis fin rapidement sans s'exposer aux mêmes risques juridiques. Il sera très difficile de progresser sur l'emploi des seniors si l'on ne s'attaque pas aux problèmes plus généraux du marché de l'emploi.

Des lois ont été votées, des accords de branche conclus et des négociations sont en cours au sein des entreprises. On n'inverse pas une tendance vieille de trente ans en un tournemain, au beau milieu de la crise économique la plus grave de l'après-guerre. Les entreprises sont prêtes à reconnaître leurs responsabilités, mais on a trop tendance en France à croire qu'il suffit d'adopter une loi pour qu'un problème soit réglé. Plutôt que de multiplier les textes et les sanctions, donnons-nous le temps de promouvoir et d'évaluer les dispositifs existants. Le travail des femmes, par exemple, a progressé dans les entreprises où une véritable concertation avait eu lieu et où l'on avait pu mesurer les effets bénéfiques de la mixité : la réunion de personnes de genres, d'âges et de nationalités différents stimule l'innovation. En outre, une femme est plus efficace pour vendre à une femme, comme un senior à un senior.

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