Dès le début de la concertation, la CGPME a défendu un allongement de la durée de cotisation, tout en se montrant circonspecte, mais ouverte, concernant le report de l'âge de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans - ce levier étant le plus rapidement efficace sur le plan budgétaire, mais comportant des effets négatifs. En revanche, pour nous, il ne fallait pas toucher à l'âge de soixante-cinq ans pour une retraite sans décote. Selon nous, retraite et pénibilité sont deux questions différentes, d'autant que la pénibilité est déjà traitée via le dispositif des carrières longues sur lequel nous souhaitions que l'on engage une réflexion. Attachés au système de retraite par répartition, nous avons proposé d'ajouter un troisième étage à la fusée du financement des pensions : en sus des régimes de base et complémentaire, prévoir un plan d'épargne, ciblé sur les retraites, abondé de manière volontaire par le salarié, à n'importe quel moment de sa carrière, et par l'entreprise, si elle le souhaite, le tout étant géré de manière paritaire au niveau national. L'idée a été retenue dans le projet de loi gouvernemental, nous nous en réjouissons. Avec une estimation de son niveau de pension dès quarante-cinq ans, et non cinquante-cinq ans, le salarié aura désormais les moyens d'améliorer sa retraite.
Attention à ne pas surcharger les entreprises, avons-nous répété lors de la préparation du texte. La concurrence internationale est extrêmement forte. Et les PME sont déjà les premières de la classe en matière de prélèvements obligatoires. Le projet de loi gouvernemental était donc, pour nous, dans l'ensemble positif.
La pénibilité au travail y était certes prise en compte, mais de façon très limitée, le processus étant individuel : le projet ouvrait la possibilité de partir à l'âge de soixante ans si la caisse régionale d'assurance maladie constatait une incapacité de 20 %. Toute proposition allant plus loin serait difficile à mettre en oeuvre par les entreprises. Pour moi, la prévention doit rester la préoccupation majeure des entreprises. Une prise en compte plus large de la pénibilité risquerait de dédouaner les chefs d'entreprise de leur responsabilité pénale, j'insiste, en matière de protection de la santé de leurs salariés. Nous regrettons donc la deuxième version du texte. De plus, n'importe quel salarié ne trouve-t-il pas son travail pénible ? Chacun pense avoir droit à une compensation. Pour les PME-TPE, il est intellectuellement compliqué d'affirmer que tout travail est pénible. Prévoir une commission qui tranchera pour les salariés ayant un taux d'incapacité de 10 % à 20 % élargit le public concerné. Le dispositif sera difficile à contrôler et, à terme, compromet l'équilibre budgétaire, but premier de la réforme. Autre coût supplémentaire, la taxation de 1 % de la masse salariale des entreprises qui ne mettent pas en place de plan de prévention des risques, sans compter que la même pénalité s'applique concernant l'égalité professionnelle et les seniors. Les chefs d'entreprise sont pourtant des gens responsables. Arrêtons de leur taper sur les doigts comme s'ils étaient des enfants. Laissons-les travailler. La nouvelle majoration des cotisations d'accident du travail, de même, est un mauvais coup porté aux entreprises. Les branches et les entreprises ont mis en place un certain nombre d'accords, les conditions de travail se sont améliorées, nous ne partons pas de rien. Augmenter la cotisation va déresponsabiliser les chefs d'entreprise, le risque étant désormais mutualisé.
Veillons à préserver l'équilibre de la réforme qui passe, nous y avons insisté, par la convergence entre les secteurs public et privé : au fil des manifestations, il est menacé. Les mesures annoncées concernant la prévention du risque professionnel en sont un bon exemple. Or, moi qui suis chef d'entreprise, je peux vous assurer que la protection de la santé de nos salariés nous mobilise tous. N'ouvrons pas la boîte de Pandore.
Les missions de la médecine du travail devaient être précisées. Nous nous réjouissons de l'amendement qui va en ce sens. En revanche, les chefs d'entreprise ne peuvent pas accepter une gestion paritaire de la médecine du travail, leur responsabilité pénale étant engagée en cas d'accident ou de maladie professionnelle.
Nous sommes prêts à travailler à l'amélioration de l'emploi des seniors via l'aménagement des fins de carrière, l'aménagement des postes, quand cela est possible, et le tutorat, qui nous rapprocherait d'un système de retraite progressive. Précisons d'emblée que les PME et les TPE, contrairement aux grands groupes, ne mettent pas leurs seniors à la porte. Nous, nous les voyons partir avec inquiétude car ce sont eux qui détiennent le savoir-faire, la connaissance commerciale et technique. A regarder de près les statistiques, le taux d'emploi des seniors en France est d'ailleurs inférieur à la moyenne européenne pour la seule catégorie des soixante-soixante-quatre ans, ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'âge légal de départ à la retraite est de soixante ans. L'emploi des seniors n'est donc pas plus dégradé en France qu'ailleurs, à condition de comparer ce qui est comparable. Reste que l'amélioration du taux d'emploi des seniors passe par un changement global des mentalités et le report de l'âge légal de la retraite de soixante à soixante-deux ans est un signal fort dans ce sens : désormais, une personne âgée de cinquante-neuf ans n'hésitera plus à s'engager dans une formation.