directeur de cabinet de la ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - Ayant occupé les mêmes fonctions auprès d'Éric Woerth, je me rappelle que nous avons abordé cette fusion avec beaucoup d'humilité. Comme l'a dit Mme Bricq, nous avons connu il y a dix ans un grand échec, avec la réforme avortée de Bercy, et nous voulions tout faire pour éviter de connaître un nouveau blocage, qui aurait ébranlé la réforme de l'État dans son ensemble.
Nous devions faire face à trois difficultés majeures. Difficulté politique tout d'abord : il fallait convaincre nos interlocuteurs locaux que la fusion n'allait pas entraîner la disparition des administrations en milieu rural ni dans les banlieues. Ensuite, nous devions expliquer aux agents que leur avenir serait meilleur dans un ensemble fusionné. Enfin, il ne fallait pas que la fusion affecte l'efficacité des deux administrations, leur coeur de métier, notamment en ce qui concerne le recouvrement de près de 300 milliards d'euros d'impôt. Si la fusion se traduisait par la perturbation du métier du recouvrement, l'État aurait pu perdre des dizaines de millions d'euros. Le risque était également grand pour le règlement des factures, notamment auprès des PME, et pour le versement du salaire des fonctionnaires.
Le contexte historique ne plaidant pas en faveur de la fusion, nous avons essayé de prendre en compte les erreurs de 2000 pour réussir cette réforme. Le ministre s'est beaucoup investi pour expliquer cette fusion et pour rassurer les agents. Nous avons donc donné des garanties concrètes, car dans ce type de réformes, les blocages viennent rapidement de questions simples mais fondamentales pour les agents : quel métier, à quel endroit, et pour quel salaire ? Nous avons essayé de répondre à toutes ces questions. En outre, nous ne voulions pas qu'une administration l'emporte sur une autre : la parité était un principe intangible.
Aujourd'hui totalement réalisée, la fusion est conforme au projet que nous avions élaboré. Politiquement, nous n'avons pas eu d'opposition frontale, même si des questions demeurent, notamment chez les élus locaux. Socialement, nous avons connu des journées d'action, mais qui n'ont pas bloqué la réforme. Au final, la création de la DGFiP a engendré de la fierté chez beaucoup d'agents et de cadres des deux administrations.
Sur le plan économique, la fusion se révèle rentable, qu'il s'agisse du coût de fonctionnement ou de la masse salariale. Chacun des grands métiers est plus rentable après la fusion qu'avant. Ainsi, les taux de recouvrement ont augmenté que ce soit pour les professionnels, pour les particuliers, pour le contrôle fiscal, ou pour les amendes. Les délais de paiement de l'État ont été réduits ces dernières années et la paye des fonctionnaires a été assurée sans connaître de « bugs ». Ce résultat est d'autant plus remarquable que de nombreuses entreprises rencontrent des difficultés sur leur coeur de métier lorsqu'elles fusionnent.
Cette réforme a également démontré que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux était possible et que cette politique n'était pas l'ennemie de la qualité du service public.
La Cour des comptes s'interroge sur l'avenir : nous allons continuer à fixer des orientations stratégiques à la DGFiP. Je suis néanmoins convaincu qu'il fallait agir en deux temps : réussir la fusion puis fixer des caps. Je ne crois pas au « big bang » : tout faire en même temps, c'est risquer de tout rater.
Nous avons attaché beaucoup de prix au dialogue social lors de cette réforme. Au départ, le ministre s'est beaucoup investi : il fallait que l'administration se sente soutenue. Plus le portage politique est élevé, plus les chances de succès d'une réforme de cette ampleur sont importantes - cela nous distingue sans doute de la réforme de 2000.