Intervention de Nicole Bricq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 octobre 2011 : 1ère réunion
Débat sur les prélèvements obligatoires — Communication

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale :

Les modalités de déclarations de revenus en cas de mariage ont également été modifiées, par la même disposition de la loi de finances initiale pour 2011.

Le coût de la réforme de l'ISF sera de 1,9 milliard d'euros, mais les recettes mises « en face » ne s'élèveront qu'à 1,5 milliard d'euros en 2012, soit un « trou » de 400 millions d'euros. Certes, la réforme a exclu ceux qui étaient redevables du seul fait de leur résidence principale (dès lors que celle-ci vaut moins de 1,3 million d'euros). Cependant, on remarque que, pour un patrimoine de 1,5 million d'euros, l'ISF baissera de 11 % alors que le gain sera de 72 % pour un patrimoine de 500 millions d'euros.

La réforme de la fiscalité environnementale, « hors sol », incohérente et inaboutie, a également été un échec. Les incitations fiscales à polluer n'ont pas été remises en cause. L'échec d'une taxe carbone mal conçue a porté un coup fatal au « verdissement » de la fiscalité et a gravement porté préjudice à la cause de la fiscalité écologique dans l'opinion. C'est un débat que nous reprendrons. Plutôt que de financer une réduction du coût du travail par une augmentation de la TVA, dans le cadre de ce que l'on appelle la « TVA sociale », il me semblerait préférable de la financer par une augmentation de la fiscalité écologique. La mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds fait quant à elle l'objet d'atermoiements répétés : alors que l'Allemagne s'est dotée d'un tel instrument, l'entrée en vigueur de cette taxe, initialement prévue pour 2011, a été reportée à 2013.

Il faut souligner l'« inconséquence » de la réforme de la taxe professionnelle. Celle-ci a coûté 4,7 milliards d'euros par an, dans la situation précaire de nos finances publiques. Elle a réduit drastiquement l'autonomie fiscale des communes, mais surtout des départements et des régions, alors que l'Etat n'a plus les moyens d'assumer le coût des charges qu'il reporte sur les collectivités. Vous trouverez dans le rapport écrit un bilan chiffré de la première campagne de contribution économique territoriale (CET). C'est la première fois qu'un tel bilan est réalisé en s'appuyant sur le produit réel. Toutefois un vide reste à combler : l'absence d'évaluation des effets de la réforme sur l'économie française. Je pense que près de 5 milliards d'euros de coût annuel, c'est cher payé, surtout si l'on prend en compte l'impact sur les collectivités territoriales !

L'inefficacité de la défiscalisation des heures supplémentaires n'est plus à démontrer. Cette mesure doit coûter 4,9 milliards d'euros en 2012 (1,4 milliard pour l'Etat et 3,5 milliards pour la sécurité sociale). Elle a un effet ambigu sur l'emploi, voire constitue un effet d'aubaine, selon le Conseil des prélèvements obligatoires. Le « rapport Guillaume » lui attribue un effet réel sur le pouvoir d'achat, mais sur celui des plus riches. Ces constats ont été confirmés par la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne la fiscalité de l'immobilier, la déductibilité des intérêts d'emprunt a constitué un pur effet d'aubaine. Malgré sa « mise en extinction », cette disposition coûtera encore 1,8 milliard d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en 2016. Je me souviens, monsieur Arthuis, que vous avez exprimé en 2007 un scepticisme, justifié, sur l'utilité de cette mesure. Quant au crédit d'impôt « Scellier », c'est un placement risqué pour les investisseurs et une mauvaise affaire pour l'Etat, qui ne parvient pas, en contrepartie d'un coût de 650 millions d'euros en 2012, à faire baisser le prix des loyers à des niveaux proches de ceux du logement social et à orienter l'offre vers les zones tendues.

J'en viens aux perspectives d'ici 2017.

Il est admis, y compris du côté de l'opposition sénatoriale, que la situation des finances publiques ne pourra s'améliorer qu'en faisant appel de manière plus importante aux prélèvements obligatoires.

Au minimum, il importe de se fixer l'objectif de ramener le déficit public à 3 points de PIB en 2013 et à l'équilibre en 2017. Prolonger la trajectoire du Gouvernement, qui couvre la période 2011-2015, conduirait à l'équilibre en 2016. Personnellement, je préfère retenir l'objectif de l'année 2017, compte tenu des incertitudes économiques, et de la nécessité de juger de la politique de finances publiques à l'horizon du prochain quinquennat. Evidemment, ces scénarios prospectifs seraient totalement remis en cause si nous devions connaître une nouvelle période de forte récession.

L'ordre de grandeur de l'effort à accomplir pour atteindre l'équilibre en 2017 est de 100 milliards d'euros (environ 5 points de PIB), soit 20 milliards d'euros par an.

Pour respecter la trajectoire, la question se pose du partage de l'effort entre les recettes et les dépenses, de façon à ce que les Français sachent ce qui les attend. La politique actuelle du Gouvernement est anxiogène puisque celui-ci fait le contraire de ce qu'il dit : il prétend insister davantage sur les dépenses alors que ce n'est plus vrai en 2011 et en 2012, et il prétend limiter les mesures de recettes à des suppressions de niches alors que c'est faux. Les gens ne croient donc plus à rien.

Si l'on faisait l'hypothèse d'un partage de l'effort entre recettes et dépenses, il faudrait accroître les prélèvements obligatoires de 50 milliards d'euros en cinq ans. L'effort le plus important serait consenti en 2013 : en effet, la trajectoire du Gouvernement est ainsi construite que les efforts les plus durs ont été prévus pour l'année qui suit celle des élections ...

Les niches fiscales et sociales constituent un « gisement » de recettes significatif. Toutefois elles ne peuvent constituer la totalité des augmentations de prélèvements obligatoires d'ici 2017. Certaines ont des incidences politiques très fortes, comme l'abattement d'impôt sur le revenu de 10 % sur les pensions et retraites. Ce serait déjà bien de réduire les dépenses fiscales de 10 milliards d'euros et les niches sociales de 5 milliards d'euros. La question des niches ne doit donc pas occulter celle de la réforme fiscale globale. Le Gouvernement fait du bricolage. Il prend des niches, se fait « mordre », recule. Le « gisement » de niches n'est pas suffisant.

En théorie, les dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires représentent des montants très élevés. Le Gouvernement les chiffre autour de 200 milliards d'euros. Le Président Marini, dans un rapport d'information publié en mai 2011 (553, 2010-2011), les avait même estimés à plus de 300 milliards d'euros, se répartissant à peu près également entre les niches (c'est-à-dire les dispositifs cherchant à atteindre un objectif de politique publique) et les modalités de calcul des prélèvements obligatoires.

L'évaluation du « rapport Guillaume » a porté sur 60 milliards d'euros de niches fiscales et 35 milliards d'euros de niches sociales. Il en ressort que 261 dispositifs, représentant un coût annuel d'une cinquantaine de milliards d'euros, sont jugés peu ou pas efficaces. Même si l'on peut ne pas souscrire à toutes les conclusions de ce rapport, on ne peut pas ne pas y voir une source d'économies potentielles.

Si l'on examine la liste des dépenses fiscales et sociales les plus coûteuses, on constate qu'à quelques exceptions près, la plupart de ces dispositifs ne pourraient pas être supprimés du jour au lendemain. Par exemple, même si certains aspects du crédit d'impôt recherche me paraissent contestables, il ne me semblerait pas opportun de remettre en cause cette dépense fiscale, en tout cas tant que l'on ne disposera pas du recul nécessaire pour évaluer la réforme de 2008.

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