La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission nomme, tout d'abord, M. Aymeri de Montesquiou rapporteur spécial de la mission « Culture », conjointement avec M. Yann Gaillard.

A l'issue de cette nomination, la liste des rapporteurs spéciaux s'établit comme suit :

Roland du LUART Administration générale et territoriale de l'Etat Michèle ANDRÉ Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

· Compte spécial : Développement agricole et rural Yannick BOTREL

Joël BOURDIN Aide publique au développement

· Compte spécial : Prêts à des États étrangers

· Compte spécial : Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique Yvon COLLIN

Fabienne KELLER Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation Philippe MARINI Conseil et contrôle de l'Etat Charles GUENÉ Culture Yann GAILLARD

Aymeri de MONTESQUIOU Défense

· Compte spécial : Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien Yves KRATTINGER

François TRUCY Direction de l'action du Gouvernement

· Budget annexe : Publications officielles et information administrative Philippe DOMINATI Ecologie, développement et aménagement durables Gérard MIQUEL François FORTASSIN Marie-Hélène des ESGAULX Vincent DELAHAYE · Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens François FORTASSIN · Compte spécial : Avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres Gérard MIQUEL · Compte spécial : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers Vincent DELAHAYE · Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs Marie-Hélène des ESGAULX Economie

· Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés Christian BOURQUIN

André FERRAND Engagements financiers de l'Etat

· Compte spécial : Accords monétaires internationaux

· Compte spécial : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

· Compte spécial : Participations financières de l'Etat Jean-Claude FRÉCON Enseignement scolaire Thierry FOUCAUD

Claude HAUT Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Provisions

· Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat Albéric de MONTGOLFIER

Philippe DALLIER Immigration, asile et intégration Roger KAROUTCHI Justice Edmond HERVÉ Médias, livre et industries culturelles

· Compte spécial : Avances à l'audiovisuel public Claude BELOT Outre-mer Georges PATIENT Eric DOLIGÉ Politique des territoires Frédérique ESPAGNAC Pouvoirs publics Jean-Paul ÉMORINE Recherche et enseignement supérieur Michel BERSON

Philippe ADNOT Régimes sociaux et de retraite

· Compte spécial : Pensions Francis DELATTRE Relations avec les collectivités territoriales

· Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales François MARC

Pierre JARLIER Remboursements et dégrèvements Marie-France BEAUFILS Santé Jean-Pierre CAFFET Sécurité Jean-Vincent PLACÉ Sécurité civile Dominique de LEGGE Solidarité, insertion et égalité des chances Eric BOCQUET Sport, jeunesse et vie associative Jean-Marc TODESCHINI Travail et emploi

Programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

· Compte spécial : Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage François PATRIAT Travail et emploi

Programmes 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » Serge DASSAULT Ville et logement Jean GERMAIN Affaires européennes (article de 1ère partie) Marc MASSION

La commission entend ensuite une communication de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale, préalable au débat sur les prélèvements obligatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le débat sur les prélèvements obligatoires résulte de l'article 52 de la LOLF, inséré par le Sénat sur un amendement conjoint du rapporteur général de la commission et du rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'idée était d'avoir un débat consolidé global sur les prélèvements obligatoires avant de décliner les deux volets - Etat et sécurité sociale - dans deux lois séparées.

Je ne présenterai pas de contre-budget. Dans les institutions de la Cinquième République, les assemblées parlementaires ne disposent pas des moyens juridiques de présenter des contre-propositions cohérentes au texte du Gouvernement, en raison notamment de l'article 40 de la Constitution. Par ailleurs, dans la période qui s'annonce, ce type de démarche doit s'inscrire dans le cadre de la campagne présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je me souviens que Jean Arthuis, alors rapporteur général, a procédé à l'élaboration d'un tel contre-budget. Cela a été un exercice délicat !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le taux de prélèvements obligatoires est une variable économique qui n'a pas grand sens politiquement, puisque son évolution dépend à la fois des décisions politiques et des évolutions de la conjoncture.

Le président Marini doit se souvenir de ce qu'il appelait en 1999 le « paradoxe de Strauss-Kahn » : « les impôts baissent mais les prélèvements obligatoires augmentent ». Cela s'expliquait à l'époque par la forte croissance qui, compte tenu de l'élasticité des recettes au PIB, permettait d'avoir un taux de prélèvements obligatoires en hausse tout en diminuant les taux des impôts.

Selon la programmation du Gouvernement annexée au présent projet de loi de finances, le « record » de 1999 en matière de taux de prélèvements obligatoires, de 44,9 points de PIB, sera « battu » en 2013, avec un taux de 45 points. J'y reviendrai plus tard.

Le Gouvernement n'aura, en fin de législature, respecté ni son objectif de baisse du ratio dépenses/PIB, ni - pour ce qui nous occupe aujourd'hui - son objectif de baisse du taux de prélèvements obligatoires. Au contraire, celui-ci aura augmenté de 1,1 point de PIB sur la période.

Certes, la crise est passée par là. Mais elle n'explique pas tout, comme nous allons le voir.

La programmation annexée au présent projet de loi de finances contient un élément nouveau par rapport aux précédentes, y compris le programme de stabilité envoyé à Bruxelles en avril dernier. Jusqu'ici les programmations se fixaient l'objectif de ne pas dépasser le taux de prélèvements obligatoires de 2007, ou alors de très peu, et certainement pas à l'horizon 2012. Le présent projet de loi de finances rompt quant à lui avec le « dogme » de la stabilité du taux de prélèvements obligatoires sur la législature, et admet enfin que l'amélioration de la situation de nos finances publiques ne sera pas possible sans augmentation de celui-ci.

Selon une décomposition indicative de la commission des finances, l'évolution du déficit des administrations publiques depuis 2007 peut s'analyser comme la résultante de deux mouvements contraires : une dégradation spontanée, de 3,8 points de PIB ; une amélioration issue de décisions discrétionnaires, pour 2,1 points de PIB.

Les trois première années du quinquennat ont été marquées par l'adoption de dispositions qui ont structurellement dégradé les finances publiques : la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA », la TVA à taux réduit dans le secteur de la restauration, la réforme de la taxe professionnelle. Depuis 2010, mais surtout depuis les « paquets fiscalo-sociaux » de 2011 et 2012, on assiste à un mouvement inverse. Au total, sur la période, le rendement net cumulé des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires aura été de l'ordre de 12,5 milliards d'euros, augmentant d'autant les recettes de 2012.

Je ferai trois observations. Tout d'abord, on ne peut qu'être saisi du décalage entre ces montants et le discours du Gouvernement se défendant d'augmenter les impôts. Ensuite, moins d'un après le vote de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, dite « LPFP 2011-2014 », on constate que ce texte, qui reposait sur une hypothèse de croissance irréaliste de 2,5 % par an, est périmé puisqu'il prévoyait, pour 2011, 11 milliards de hausse des prélèvements obligatoires (contre 12,3 en réalité) et, pour 2012, 3 milliards (contre 11,2 désormais prévus). Cela montre bien que le projet de révision constitutionnelle, que le Président de la République a renoncé à soumettre au Congrès, et prévoyant l'instauration de « lois-cadres » au dispositif analogue à celui de la LPFP 2011-2014, aurait été inopérant, puisque le même Gouvernement a pu à la fois proposer cette règle et dans le même temps faire voter une LPFP reposant sur des hypothèses qui la vidaient de sa portée pratique.

Le chiffrage de la loi TEPA mérite que l'on s'y arrête. En compilant les données des différents documents budgétaires, on se rend compte que son coût, évalué à 14 milliards d'euros en 2007, avait alors été surestimé. Aujourd'hui, si elle n'avait pas été modifiée depuis l'origine, elle ne dégraderait de manière structurelle nos finances publiques « que » de 10 milliards d'euros par an. En outre, contrairement à ce que l'on pense souvent, les rectifications directes de dispositifs TEPA n'ont pas été si nombreuses depuis 2007. Il y en a eu seulement trois : la « mise en extinction » de la déductibilité des intérêts d'emprunt, le « recentrage » de l'ISF-PME et la suppression, emblématique, du bouclier fiscal. Ces trois mesures réduisent d'un milliard d'euros le coût de la loi TEPA en 2012. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 revient de manière indirecte sur la mesure « heures supplémentaires », en les intégrant dans le calcul des allègements de charges sociales, ce qui rapporte 600 millions d'euros. Mais l'analyse des modifications apportées à la loi TEPA ne serait pas pertinente si elle n'était pas mise en relation avec celle des dispositions de la première loi de finances rectificative pour 2011, et notamment de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). J'y reviendrai plus loin. Pour l'heure, retenons que l'ensemble des mesures relevant de l' « orbite TEPA » coûtent environ 9,3 milliards d'euros par an.

Si l'on s'intéresse à la répartition du produit des mesures d'augmentation de prélèvements obligatoires entre les différentes catégories d'administrations publiques, on observe que, sur la période, l'augmentation des prélèvements obligatoires a bénéficié pour la quasi-totalité aux administrations de sécurité sociale.

J'en viens maintenant à la question des réductions de niches fiscales et sociales. Le discours du Gouvernement est connu : pas d'« augmentation généralisée » des prélèvements obligatoires, car cela pèserait sur l'activité et augmenterait un taux de prélèvements obligatoires déjà trop élevé ; en revanche, oui aux suppressions de niches qui aident au redressement des comptes publics et améliorent la justice fiscale. Ce discours est fallacieux, parce que les suppressions de niches pèsent sur l'activité et augmentent le taux de prélèvements obligatoires autant que les hausses « faciales » d'impôt. Il est également faux : les mesures discrétionnaires d'augmentation des prélèvements obligatoires prises à compter de l'automne 2010 devraient rapporter 24,1 milliards d'euros en 2012, dont moins de la moitié (10,2 milliards d'euros) proviendraient de niches stricto sensu (au sens des documents budgétaires). Seulement les deux tiers (17,4 milliards d'euros) résulteraient de réductions d'allègements de prélèvements obligatoires. Surtout, la politique de réduction des niches semble de facto abandonnée. En effet, si les textes que nous avons votés en 2011 ou qu'il nous reste à voter - à l'exception du projet de loi de finances rectificative de fin d'année, dont on ne connaît pas encore le contenu - augmentent les prélèvements obligatoires de 2012 de 10,1 milliards d'euros, seulement 5,7 milliards d'euros proviendraient de réductions d'allégements, dont seulement 2,6 milliards d'euros de réductions des niches au sens des documents budgétaires. Les augmentations d'impôts et de prélèvements sociaux (les « augmentations généralisées de prélèvements obligatoires », comme dirait le Gouvernement) représentent 43 % du total. Le Gouvernement ne peut donc pas dire qu'il n'augmente pas les impôts et se contente de réduire des dépenses fiscales.

Bien que prêt depuis la fin du mois de juin, le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales présidé par Henri Guillaume, dit « rapport Guillaume », prévu par l'article 13 de la LPFP 2011-2014, a été communiqué au Parlement seulement à la fin du mois d'août, avec trois mois de retard. Ce rapport de 6 000 pages évalue de manière détaillée un très grand nombre de niches fiscales et sociales, et leur attribue un score allant de 0 (inefficace) à 3 (efficiente). Evidemment, il s'agit d'un rapport administratif, dont les conclusions ne doivent pas être considérées comme la vérité absolue. Il reste qu'il est piquant de constater que les dix niches auxquelles le Gouvernement s'est attaqué depuis la fin de l'année dernière et qui font l'objet d'une évaluation obtiennent une note moyenne de 2,5 sur 3, et que six d'entre elles obtiennent la note maximale de 3 !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela montre que les évaluations du Gouvernement ne correspondent pas à celles du « rapport Guillaume » !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J'en viens à l'injustice des réformes de la fiscalité patrimoniale. La loi TEPA a fait le choix des plus favorisés, avec notamment l'augmentation du bouclier fiscal, rapidement devenu indéfendable, et le triplement des abattements de droits de mutation à titre gratuit (DMTG). La première loi de finances rectificative pour 2011 a ensuite réalisé une réforme réduisant l'ISF de près de 2 milliards d'euros, essentiellement pour les plus riches des plus riches, et dont la compensation, imparfaite, repose pour partie sur les redevables du droit de partage, qui ne sont généralement pas des redevables de l'ISF, mais des divorcés, qui ne sont pas tous riches et qui ont déjà perdu en 2011, au titre de l'impôt sur le revenu, le bénéfice des trois déclarations d'impôt ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Le mariage n'est pas un calcul économique non plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Les modalités de déclarations de revenus en cas de mariage ont également été modifiées, par la même disposition de la loi de finances initiale pour 2011.

Le coût de la réforme de l'ISF sera de 1,9 milliard d'euros, mais les recettes mises « en face » ne s'élèveront qu'à 1,5 milliard d'euros en 2012, soit un « trou » de 400 millions d'euros. Certes, la réforme a exclu ceux qui étaient redevables du seul fait de leur résidence principale (dès lors que celle-ci vaut moins de 1,3 million d'euros). Cependant, on remarque que, pour un patrimoine de 1,5 million d'euros, l'ISF baissera de 11 % alors que le gain sera de 72 % pour un patrimoine de 500 millions d'euros.

La réforme de la fiscalité environnementale, « hors sol », incohérente et inaboutie, a également été un échec. Les incitations fiscales à polluer n'ont pas été remises en cause. L'échec d'une taxe carbone mal conçue a porté un coup fatal au « verdissement » de la fiscalité et a gravement porté préjudice à la cause de la fiscalité écologique dans l'opinion. C'est un débat que nous reprendrons. Plutôt que de financer une réduction du coût du travail par une augmentation de la TVA, dans le cadre de ce que l'on appelle la « TVA sociale », il me semblerait préférable de la financer par une augmentation de la fiscalité écologique. La mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds fait quant à elle l'objet d'atermoiements répétés : alors que l'Allemagne s'est dotée d'un tel instrument, l'entrée en vigueur de cette taxe, initialement prévue pour 2011, a été reportée à 2013.

Il faut souligner l'« inconséquence » de la réforme de la taxe professionnelle. Celle-ci a coûté 4,7 milliards d'euros par an, dans la situation précaire de nos finances publiques. Elle a réduit drastiquement l'autonomie fiscale des communes, mais surtout des départements et des régions, alors que l'Etat n'a plus les moyens d'assumer le coût des charges qu'il reporte sur les collectivités. Vous trouverez dans le rapport écrit un bilan chiffré de la première campagne de contribution économique territoriale (CET). C'est la première fois qu'un tel bilan est réalisé en s'appuyant sur le produit réel. Toutefois un vide reste à combler : l'absence d'évaluation des effets de la réforme sur l'économie française. Je pense que près de 5 milliards d'euros de coût annuel, c'est cher payé, surtout si l'on prend en compte l'impact sur les collectivités territoriales !

L'inefficacité de la défiscalisation des heures supplémentaires n'est plus à démontrer. Cette mesure doit coûter 4,9 milliards d'euros en 2012 (1,4 milliard pour l'Etat et 3,5 milliards pour la sécurité sociale). Elle a un effet ambigu sur l'emploi, voire constitue un effet d'aubaine, selon le Conseil des prélèvements obligatoires. Le « rapport Guillaume » lui attribue un effet réel sur le pouvoir d'achat, mais sur celui des plus riches. Ces constats ont été confirmés par la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne la fiscalité de l'immobilier, la déductibilité des intérêts d'emprunt a constitué un pur effet d'aubaine. Malgré sa « mise en extinction », cette disposition coûtera encore 1,8 milliard d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en 2016. Je me souviens, monsieur Arthuis, que vous avez exprimé en 2007 un scepticisme, justifié, sur l'utilité de cette mesure. Quant au crédit d'impôt « Scellier », c'est un placement risqué pour les investisseurs et une mauvaise affaire pour l'Etat, qui ne parvient pas, en contrepartie d'un coût de 650 millions d'euros en 2012, à faire baisser le prix des loyers à des niveaux proches de ceux du logement social et à orienter l'offre vers les zones tendues.

J'en viens aux perspectives d'ici 2017.

Il est admis, y compris du côté de l'opposition sénatoriale, que la situation des finances publiques ne pourra s'améliorer qu'en faisant appel de manière plus importante aux prélèvements obligatoires.

Au minimum, il importe de se fixer l'objectif de ramener le déficit public à 3 points de PIB en 2013 et à l'équilibre en 2017. Prolonger la trajectoire du Gouvernement, qui couvre la période 2011-2015, conduirait à l'équilibre en 2016. Personnellement, je préfère retenir l'objectif de l'année 2017, compte tenu des incertitudes économiques, et de la nécessité de juger de la politique de finances publiques à l'horizon du prochain quinquennat. Evidemment, ces scénarios prospectifs seraient totalement remis en cause si nous devions connaître une nouvelle période de forte récession.

L'ordre de grandeur de l'effort à accomplir pour atteindre l'équilibre en 2017 est de 100 milliards d'euros (environ 5 points de PIB), soit 20 milliards d'euros par an.

Pour respecter la trajectoire, la question se pose du partage de l'effort entre les recettes et les dépenses, de façon à ce que les Français sachent ce qui les attend. La politique actuelle du Gouvernement est anxiogène puisque celui-ci fait le contraire de ce qu'il dit : il prétend insister davantage sur les dépenses alors que ce n'est plus vrai en 2011 et en 2012, et il prétend limiter les mesures de recettes à des suppressions de niches alors que c'est faux. Les gens ne croient donc plus à rien.

Si l'on faisait l'hypothèse d'un partage de l'effort entre recettes et dépenses, il faudrait accroître les prélèvements obligatoires de 50 milliards d'euros en cinq ans. L'effort le plus important serait consenti en 2013 : en effet, la trajectoire du Gouvernement est ainsi construite que les efforts les plus durs ont été prévus pour l'année qui suit celle des élections ...

Les niches fiscales et sociales constituent un « gisement » de recettes significatif. Toutefois elles ne peuvent constituer la totalité des augmentations de prélèvements obligatoires d'ici 2017. Certaines ont des incidences politiques très fortes, comme l'abattement d'impôt sur le revenu de 10 % sur les pensions et retraites. Ce serait déjà bien de réduire les dépenses fiscales de 10 milliards d'euros et les niches sociales de 5 milliards d'euros. La question des niches ne doit donc pas occulter celle de la réforme fiscale globale. Le Gouvernement fait du bricolage. Il prend des niches, se fait « mordre », recule. Le « gisement » de niches n'est pas suffisant.

En théorie, les dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires représentent des montants très élevés. Le Gouvernement les chiffre autour de 200 milliards d'euros. Le Président Marini, dans un rapport d'information publié en mai 2011 (553, 2010-2011), les avait même estimés à plus de 300 milliards d'euros, se répartissant à peu près également entre les niches (c'est-à-dire les dispositifs cherchant à atteindre un objectif de politique publique) et les modalités de calcul des prélèvements obligatoires.

L'évaluation du « rapport Guillaume » a porté sur 60 milliards d'euros de niches fiscales et 35 milliards d'euros de niches sociales. Il en ressort que 261 dispositifs, représentant un coût annuel d'une cinquantaine de milliards d'euros, sont jugés peu ou pas efficaces. Même si l'on peut ne pas souscrire à toutes les conclusions de ce rapport, on ne peut pas ne pas y voir une source d'économies potentielles.

Si l'on examine la liste des dépenses fiscales et sociales les plus coûteuses, on constate qu'à quelques exceptions près, la plupart de ces dispositifs ne pourraient pas être supprimés du jour au lendemain. Par exemple, même si certains aspects du crédit d'impôt recherche me paraissent contestables, il ne me semblerait pas opportun de remettre en cause cette dépense fiscale, en tout cas tant que l'on ne disposera pas du recul nécessaire pour évaluer la réforme de 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je suis partisan de la technique du « rabot », appliquée à l'ensemble des niches. Cela serait indolore !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

La recherche d'économies sur les niches doit être complétée par une démarche de même type concernant les modalités de calcul de l'impôt, car certaines ne sont pas neutres. Le montant de ces dernières renvoie à la nécessité de procéder à une réforme fiscale d'ensemble, notamment de l'impôt sur les sociétés, dont l'assiette est excessivement « mitée ». Je renvoie à cet égard à la proposition de loi déposée par François Marc, dont François Rebsamen et moi-même sommes cosignataires (321, 2010-2011).

S'agissant de l'impôt sur le revenu, le débat sur sa fusion avec la contribution sociale généralisée pourra être complété par celui sur la structure de l'impôt. Veut-on taxer des unités de consommation au sein d'un foyer fiscal, comme aujourd'hui, ou bien veut-on aller vers une individualisation de l'impôt, comme le propose notamment Thomas Piketty ? Veut-on que le vecteur de la politique familiale continue d'être l'attribution de parts et de demi-parts par enfant, ou prenne la forme d'autres mécanismes ? En ce qui me concerne, je suis, à titre personnel, favorable à l'individualisation. Une telle réforme avait d'ailleurs été proposée par Martine Aubry en 1998.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Merci pour ce rapport très éclairant. Nous nous appuyons sur les mêmes chiffres, mais ne leur faisons pas dire la même chose. C'est le débat démocratique ! La commission pourra être une caisse de résonnance utile pour le débat des prochains mois. Je me contenterai d'évoquer deux points. C'est vrai que le taux de prélèvements obligatoires a plus augmenté que prévu, mais vous reconnaissez vous-même que son augmentation est nécessaire pour résorber le déficit public. En ce qui concerne la réduction des niches, les mesures ciblées sont un piège, vous savez que je suis un adepte de la technique du « rabot » appliqué sur l'assiette la plus large possible.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les titres des diapositives évoquent « l'injustice » des réformes de la fiscalité patrimoniale, l'« échec » de la fiscalité environnementale, l'« inconséquence » de la réforme de la taxe professionnelle, l'« inefficacité » de la défiscalisation des heures supplémentaires, l'« inutilité » des mesures prises dans le domaine de la fiscalité immobilière.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nos concitoyens attendent de la transparence. Il faut dire ce qu'on fait, contrairement au Gouvernement, et ce que l'on va faire ! Notre collègue député Gilles Carrez, dans un récent rapport d'information (3631, XIIIe législature), écrit que « l'imposition des plus grandes entreprises est incontestablement substantiellement plus faible au regard de leur niveau d'activité ou de profit économique que celle des entreprises petites et moyennes, même si l'on ne peut affirmer avec précision dans quelle proportion ». Il faut corriger cela. Nous exprimerons à nouveau des idées que nous avons déjà développées. Il faudra solliciter un peu plus les entreprises que ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2012. Je pense que, plutôt que d'appliquer uniformément un « rabot », il faut supprimer les niches les moins efficaces, en s'appuyant sur le « rapport Guillaume ». Je ne suis pas sûr que l'augmentation éventuelle du taux réduit de TVA soit une bonne solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est vrai que le taux de prélèvements obligatoires a augmenté, et que les habiletés de la communication du Gouvernement suscitent parfois la perplexité de la part de nos concitoyens. Toutefois je suis déçu par la partie prospective du rapport : autant la partie rétrospective est sévère et péremptoire, autant cette partie est prudente et peu engagée. Il faut pourtant réaliser une réforme fiscale d'ampleur, afin d'améliorer la compétitivité de la France, qui devrait avoir un déficit extérieur de 75 milliards d'euros en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je partage seulement partiellement les analyses de la rapporteure générale. Il faut réduire le nombre de fonctionnaires, beaucoup plus important en France qu'en Allemagne. L'augmentation du taux de prélèvements obligatoires de 2007 à 2012 devrait être faible. Je suis favorable à des réductions « ciblées » de niches, plutôt qu'à l'application uniforme d'un « rabot ». Les allégements de charges sur les bas salaires devraient être concentrés sur les seules entreprises industrielles. Enfin, l'Etat doit réduire ses participations dans certaines entreprises publiques, comme EDF ou AREVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Certaines niches ont été créées par les socialistes. Il n'est pas politiquement possible de supprimer l'abattement de 10 % des retraites et pensions ou la « demi-part veuves ». L'hypothèse de croissance de 2 % par an de 2013 à 2017 retenue par la rapporteure générale est optimiste ! Et ce n'est pas tout de dire qu'il faut augmenter les prélèvements obligatoires de 50 milliards d'euros, il faut aussi proposer des mesures concrètes ! En réponse à François Marc, je rappelle que si les entreprises françaises ont effectivement profité des allégements de prélèvements obligatoires, elles étaient aussi plus imposées que leurs homologues européennes au départ.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je relève que le plan de Nicole Bricq est d'un esprit totalement libéral. Je suis plutôt d'accord sur ses critiques du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et du dispositif « Scellier », mais ils ont été utiles en période de baisse d'activité ! Cela incite d'ailleurs à s'interroger sur l'approche du « rapport Guillaume », qui prétend évaluer les niches sans prendre en compte la situation économique à un moment donné.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Il faut certes augmenter les prélèvements obligatoires, mais aussi être plus strict en matière de dépenses. Je vais faire des propositions, y compris en ce qui concerne la rémunération des fonctionnaires. Il faut augmenter les dépenses d'investissement, mais d'investissement productif, et réduire les dépenses de fonctionnement. Bien que de droite, je pense qu'une réduction de niche correspond à une augmentation de prélèvements obligatoires. Comment appliquer le « rabot » à la TVA de 5,5 % pour les travaux sur les logements ou la supprimer, en particulier sans accroître le travail au noir ? La suppression de cette niche ne rapporterait pas réellement ce qu'elle est supposée coûter, c'est-à-dire 5,2 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les niches sont chiffrées par le Gouvernement à comportements inchangés, ce qui conduit en effet à surestimer le coût de certaines d'entre elles. Tel est en particulier le cas de la fameuse « niche Copé », que le rapporteure générale appelle dans une diapositive « niche Copé-Marini », de manière opportune puisqu'elle résulte d'un amendement que j'ai présenté au nom de la commission. Dans le cas des taux réduits de TVA, un « rabot » de 10 % impliquerait de réduire de 10 % l'écart entre le taux réduit de 5,5 % et le taux normal de 19,6 %, c'est-à-dire de porter le taux réduit à 6,9 %. Dans le cas que vous évoquez, cela aurait-il un impact sur le travail au noir ? Bien sûr que non !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L'article 52 de la LOLF prévoit que le rapport du Gouvernement relatif aux prélèvements obligatoires « comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement ». Il me semble qu'en conséquence la rapporteure générale aurait dû limiter son analyse, par ailleurs tendancieuse, à la période 2011-2013. Une diapositive dénonce « l'inconséquence de la réforme de la taxe professionnelle », mais elle souligne aussi « l'absence d'évaluation des effets de la réforme sur l'économie française » : ces deux points ne sont-ils pas contradictoires ? La rapporteure générale oublie aussi d'indiquer que la compensation aux collectivités territoriales a été magistrale. Je déplore que la partie prospective ne fasse pas de propositions précises.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

C'est vrai que ce rapport est politique, mais c'est normal ! Il permet d'avoir un débat sain sur le rôle de l'impôt, qu'il ne faut pas dénigrer comme le fait le Gouvernement. Je me pose quelques questions : quel est le coût cumulé sur cinq ans de la loi TEPA ? En quoi consiste le coût de 4,7 milliards d'euros de la réforme de la taxe professionnelle ? La diapositive sur les modalités de calcul de l'impôt est intéressante. L'approche « ciblée » du « rapport Guillaume » me semble plus intéressante que le recours aveugle au « rabot ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le coût de la réforme de la taxe professionnelle, initialement évalué à un peu moins de 4 milliards d'euros, a ensuite été considérablement revu à la hausse, le chiffre de 7,5 milliards d'euros ayant pu être évoqué. Je constate que l'estimation actuelle, de 4,7 milliards d'euros, est proche du chiffrage initial.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je ne suis pas sûr que la fiscalité environnementale soit un échec. Quel est le coût du bonus-malus ? Il serait intéressant de connaître le point de vue de la rapporteure générale sur le projet de fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée. La réindustrialisation de la France doit passer par les petites et moyennes entreprises industrielles, comme au Royaume-Uni.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Le débat sur le taux de prélèvements obligatoires me semble surréaliste. En période de crise, comme celle que nous traversons, la vraie question est celle du rendement. En réponse à François Marc, je ferai remarquer que, plutôt que de s'interroger sur la répartition des augmentations ou diminutions de prélèvements obligatoires entre ménages et entreprises, il serait plus pertinent d'examiner cette répartition au sein de chacune de ces deux catégories. Contrairement à Marie-Hélène Des Esgaulx, je considère que la rapporteure générale a bien fait de retenir deux périodes de cinq ans. Je pense toutefois qu'il aurait fallu compléter le scénario « tiède » de croissance de 2 % de 2013 à 2017 par un scénario de croissance nulle sur trois années.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Je trouve les appréciations de la rapporteure générale trop négatives, et pas suffisamment techniques. Par exemple, le chiffrage de la réforme de la taxe professionnelle devrait prendre en compte son impact économique. Dans le cas du scénario retenu pour la programmation, l'hypothèse de croissance de 2 % de 2013 à 2017 me paraît optimiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cette hypothèse de 2 % est en réalité une hypothèse conventionnelle, correspondant à la croissance potentielle de longue période, telle qu'elle est habituellement évaluée. Retenir une telle hypothèse est conforme à ce que préconise la commission depuis plusieurs années.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Le constat de la rapporteure générale est lucide et courageux. D'après Christine Lagarde, la loi TEPA devait susciter un « choc de confiance », qui n'est jamais advenu. Comme le souligne la Cour des comptes, sur les 7,1 points de déficit public de 2010, seulement 2,7 points étaient imputables à la crise. La réforme de la taxe professionnelle, menée à la hussarde, nuit gravement aux collectivités territoriales, en réduisant leur autonomie fiscale. Je suis sceptique sur la technique du « rabot ». On commence ingénieur et on finit menuisier !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il ne me semble pas que la réforme de la taxe professionnelle ait été menée « à la hussarde », si j'en juge par le temps que nous lui avons consacré !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le « rabot » me semble approprié. Nous connaissons une hémorragie, il faut appliquer un garrot !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vos interventions montrent l'intérêt de ce débat sur les prélèvements obligatoires, qui a lieu seulement au Sénat. Certains ont qualifié mes analyses de « sévères » ou « tendancieuses », mais les chiffres sont les mêmes pour tout le monde ! A ceux qui regrettent que ma communication comprenne peu de propositions précises, je suggère d'attendre la discussion du projet de loi de finances.

En réponse à Marie-Hélène Des Esgaulx, je rappellerai qu'en 2006 le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires présentait un bilan de la politique menée de 2002 à 2007 : il existe donc un précédent. Et c'est normal !

Je suis d'accord avec Philippe Dallier sur le caractère largement conventionnel du taux de prélèvements obligatoires, mais on ne peut faire abstraction du fait que le Président de la République avait fait de sa réduction l'un de ses principaux engagements.

En ce qui concerne la projection de croissance de 2 % de 2013 à 2017, il ne s'agit évidemment pas d'une prévision, mais d'une hypothèse conventionnelle, que la commission des finances préconise depuis plusieurs années de retenir pour élaborer les programmations de finances publiques, et qui correspond à la croissance potentielle de longue période. Je vous rappelle que le Gouvernement a retenu une hypothèse, délibérément optimiste, de 2,5 %, pour ses programmations successives, jusqu'à celle annexée au présent projet de loi de finances, pour laquelle il retient, pour la première fois, un taux de 2 % de 2013 à 2015. Je vous présenterai la semaine prochaine différents scénarios d'évolution du solde public, en fonction d'hypothèses de croissance différentes.

En matière de réduction des niches, je préfère une approche « ciblée » à celle du « rabot », qui empêche le politique de définir ses priorités. Et puis, il existe des « niches sans chien » !

En réponse à Joël Bourdin, j'indique qu'une mission d'information sur la réforme de la taxe professionnelle a tenu sa deuxième réunion ce matin. Le montant de 7,5 milliards d'euros en 2011, figurant dans le rapport de notre collègue député Gilles Carrez sur le dernier projet de loi de finances rectificative pour l'année 2010, est un coût brut, sans prise en compte de l'impact sur les recettes d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu, ce qui contribue à expliquer l'écart avec le montant de 4,7 milliards d'euros indiqué par le Gouvernement, qui est un coût net.

Marie-Hélène Des Esgaulx estime que l'on ne peut pas parler d'« inconséquence » de la réforme de la taxe professionnelle. J'aurais également pu souligner son « irresponsabilité », compte tenu de son impact sur l'investissement des collectivités territoriales.

Le fait que le coût des modalités de calcul de l'impôt sur les sociétés soit globalement égal au produit de cet impôt pose un problème. En ce qui concerne l'harmonisation de l'assiette, la Commission européenne semble plus soucieuse de faciliter la vie des entreprises que de créer un véritable impôt européen.

Il n'est pas opportun de chercher à « rogner » les allégements de charges sociales sur les bas salaires, qui sont un élément essentiel de la politique de l'emploi, sous le seul prétexte qu'elles ont un coût brut de l'ordre de 20 milliards d'euros. La question est de savoir comment financer la politique de baisse du coût du travail peu qualifié. Plutôt que d'augmenter la TVA, comme certains le préconisent, il me semblerait préférable de mettre en place une vraie fiscalité écologique. En tout cas, il faut que nous ayons un débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il y a toutefois un problème : contrairement à la TVA, la fiscalité écologique a un objectif incitatif, et donc détruit son assiette !

- Présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente - 

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il faudrait instaurer une taxation de 100 euros la tonne de CO2. On en est loin !

Pour ce qui est des comparaisons du nombre de fonctionnaires entre la France et l'Allemagne, il faut tenir compte du fait que les périmètres ne sont pas les mêmes, et que s'il y avait plus de crèches ou de garderies en Allemagne, le taux d'activité des femmes y serait peut-être plus important !

Les conditions économiques ne sont pas propices à des cessions de participations de l'Etat dans des entreprises. Par ailleurs, si les cessions peuvent permettre de réduire la dette publique, elles n'améliorent pas le solde public au sens du traité de Maastricht.

En réponse à Roger Karoutchi, je précise que je n'ai pas dit que le Gouvernement avait eu tort d'augmenter le taux de prélèvements obligatoires. J'ai seulement souligné qu'il ne l'avait pas réduit, contrairement à ce à quoi il s'était engagé.

Marie-France Beaufils pourra trouver le coût annuel de la loi TEPA dans le rapport écrit.

En réponse à Francis Delattre, j'indiquerai que le parti socialiste est favorable, en matière d'imposition du revenu, à ce que la base soit la plus large possible. Le coût cumulé du bonus-malus automobile devrait être de 1,5 milliard d'euros de 2008 à 2011.

Je ferai observer à Joël Bourdin et à Marie-Hélène Des Esgaulx que je n'invente pas les chiffres.

Contrairement à Aymeri de Montesquiou, je ne pense pas que le « rabot » soit l'instrument approprié pour réduire les niches, en raison de son caractère indifférencié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les gouvernements doivent cesser de céder à la facilité consistant à augmenter les dépenses fiscales, pour ne pas avoir à augmenter les crédits.

A l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à Mme Nicole Bricq, rapporteure générale, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Puis, la commission procède à l'examen du rapport de MM. Marc Massion et Jean Arthuis, rapporteurs spéciaux, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 30 du projet de loi de finances pour 2012).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

C'est avec un grand plaisir que pour la première fois je vais rapporter ce matin devant vous, avec Jean Arthuis, la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances pour 2012, contribution qui prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat. L'article 30 de projet de loi de finances pour 2012, évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 18,878 milliards d'euros, soit une augmentation assez marquée par rapport à celui voté pour 2011, avec une hausse de 646 millions d'euros, soit 3,5 %. Mais Jean Arthuis reviendra tout à l'heure de manière plus approfondie sur la question du montant de notre contribution.

Je voudrais commencer cette présentation en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2012, négociation qui est toujours en cours.

Comme à l'accoutumée, l'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 20 avril dernier. La Commission a proposé une augmentation de 4,2 % des crédits d'engagement (CE) par rapport à 2011, soit 147,8 milliards d'euros. Les hausses concernent surtout les rubriques 1a « Compétitivité » et 3a « Liberté, sécurité et justice ». Les crédits de paiement (CP) affichent quant à eux une hausse de 4,9 % pour atteindre 132,7 milliards d'euros.

J'ai relevé que le projet de budget, adopté à une courte majorité par le Conseil le 25 juillet 2011, se veut plus rigoureux, ce qui est habituel sauf que cette pratique prend un sens encore plus significatif aujourd'hui, dans le contexte des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques nationales et de stratégie de retour à l'équilibre budgétaire. Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en CE et, surtout, en CP, ramenant respectivement la hausse pour 2012 à 3 % et 2,02 % par rapport à 2011. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux Etats membres, dont la France, d'une discipline budgétaire renforcée.

Je vous renvoie, par exemple, à la fameuse « lettre des cinq », par laquelle, en décembre 2010, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Finlande avaient demandé une augmentation annuelle du budget communautaire limitée à l'inflation. Cet été, au sein du Conseil, si l'Allemagne et la France ont accepté de se rallier au compromis de la présidence polonaise, ce n'est que par pragmatisme. Je précise que six Etats membres ont voté contre le projet du Conseil : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, le Danemark et l'Autriche.

Enfin, je souligne que le Parlement européen devrait voter en séance plénière, ce 26 octobre, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais relativement proche des propositions initiales de la Commission, s'il suit les propositions de sa commission des budgets. La commission des budgets du Parlement européen, appelée également COBU, propose ainsi, pour 2012, une hausse de 3,95 % des CE et de 5,23 % des CP. Il va sans dire que ces propositions d'augmentation des crédits rendront très difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire lors de la phase de conciliation. Ces difficultés seront aggravées par la négociation qui s'est ouverte cette année concernant la future programmation 2014-2020.

C'est en effet à ce sujet que les tensions entre les Etats membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes.

La Commission a adopté le 29 juin 2011 une communication intitulée « un budget pour la stratégie Europe 2020 ». Elle y détaille, pour la première fois, des éléments chiffrés sur le prochain cadre pluriannuel. Les propositions de la Commission révèlent tout d'abord une priorité pour les dépenses de recherche et d'innovation (+ 60 % entre les deux programmations à périmètre comparable), la gestion des flux migratoires (même hausse), l'action extérieure (+ 40 %). Elles se caractérisent de plus par la poursuite de la politique de cohésion (+ 11 %) et la stabilité de la PAC (nonobstant son verdissement, avec 30 % des aides qui seraient désormais liées à l'environnement). Les dépenses administratives ne sont pas en reste puisqu'il s'agirait d'une hausse de 25 %, loin de la maîtrise qui devrait être de rigueur.

Sur sept ans, il s'agirait au total de 972 milliards d'euros de CP. Mais ces propositions ne sont pas fiables :

- par un premier artifice dans sa présentation, la Commission minore les crédits qui seront mobilisés. Sa communication est en effet réalisée en euros constants et en CE, alors que seule une présentation en CP et en euros courants permettrait d'apprécier l'impact réel des propositions sur les contributions nationales : la réalité de l'augmentation de la dépense qui, chaque année, devra être réévaluée de l'inflation est volontairement masquée. J'observe que tous les Etats membres calculent leurs contributions en euros courants et qu'ils font de même avec leurs programmations pluriannuelles quand ils en utilisent ;

- par un second artifice, la Commission dissimule les tensions importantes que sa programmation exercera sur les finances des Etats membres, elle multiplie ainsi les débudgétisations incompréhensibles qui dégonflent artificiellement son projet. Non seulement sont maintenus hors budget général de l'UE et hors cadre financier pluriannuel, le fonds européen de développement (FED) et les mécanismes de stabilisation financière, mais surtout passent hors budget des politiques pourtant communautaires et financées sous plafond dans le cadre actuel, à l'image des dépenses relatives à ITER et au programme européen de surveillance de la Terre.

En euros courants, avec le périmètre classique de financement de l'UE auquel on ajouterait le FED et d'autres politiques débudgétisées, le total de dépense serait de 1 156 milliards d'euros en CP, soit 184 milliards d'euros de plus que le projet de la Commission.

En bref, par des artifices de présentation et des débudgétisations inacceptables, la Commission européenne formule un projet de programmation pour 2014-2020 qui représente une entorse au principe de sincérité budgétaire. En outre, le niveau de dépenses proposé est tout simplement insoutenable et contredit notre stratégie de retour à l'équilibre. Ce seul motif suffirait à motiver le choix de l'abstention quant à l'article 30 de notre projet de loi de finances pour 2012. J'ajoute à cela mon désaccord profond avec la diminution de 76 % des crédits du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), proposée par la Commission européenne, soit 113 millions d'euros en 2012 au lieu de 500 millions d'euros ; l'enveloppe allouée à la France au titre du PEAD passerait même de 73 millions d'euros à 15,9 millions d'euros, soit une baisse de 80 %.

Les remarques qui vont nous être faites maintenant sur le montant de la contribution française au budget communautaire en 2012 devraient, elles aussi, encourager la stratégie d'abstention que je préconise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments si riches d'enseignements. J'indique que je partage ses analyses, tout particulièrement s'agissant des propositions inacceptables de la Commission européenne.

Je voudrais formuler tout d'abord quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat ainsi que sur l'évolution de notre solde net.

Le rythme d'augmentation du prélèvement entre 2011 et 2012 qu'il nous est proposé de voter à travers l'article 30 de projet de loi de finances pour 2012 est de 3,5 %. Cette hausse de 646 millions d'euros, qui porte l'estimation de notre contribution à 18,878 milliards d'euros, résulte aux deux tiers de l'évaluation des besoins de financement de l'UE, le reste s'expliquant par divers facteurs assez complexes.

Nous savons d'expérience qu'au terme de l'exécution 2012, des ouvertures nouvelles en CP seront intervenues et qu'entre le montant du prélèvement affiché dans notre article 30 et ce qu'il sera finalement, il y aura des écarts, favorables ou défavorables au demeurant. J'appelle en effet votre attention sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement. En 2011, il est peut-être possible que l'on assiste à une exécution plus conforme aux prévisions : à ce jour la surestimation serait ainsi quasi-nulle, de l'ordre de 4 millions d'euros, mais des corrections sur exercices antérieurs pourraient in fine aboutir à une sur-exécution de l'ordre d'une centaine de millions d'euros. Je vous ai rappelé ces données pour vous dire que l'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable.

Pour aller au-delà du sujet du prélèvement lui-même, je précise que la France devrait demeurer en 2012 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne, la part de sa contribution représentant 16,4 % du total des ressources de l'UE, part qui semble, enfin, se stabiliser. La France a par ailleurs remplacé depuis 2006 l'Espagne au rang de premier pays bénéficiaire en recevant environ 12 % des dépenses de l'UE, mais cette situation qui se dégrade est de plus très fragile puisqu'elle ne résulte essentiellement que du poids de la PAC. 75 % des crédits européens dépensés en France sont en effet des dépenses agricoles. Réjouissons-nous à cet égard que les propositions de la Commission européenne aillent dans le sens d'un maintien des dépenses agricoles à un niveau équivalent dans la prochaine programmation.

Je poursuis avec l'épineuse question des soldes nets. Question récurrente et délicate car elle entretient un état d'esprit en contradiction avec le projet communautaire, qui doit s'élever au-dessus de ces considérations de boutiquiers. Cela étant, soyons bien conscients que ce qui mobilise la plupart de nos partenaires, c'est bien leur solde net et le gain qui en résulte dans une sorte de coupe d'Europe des égoïsmes nationaux. Entre 2009 et 2010, la France est passée du rang de troisième à celui de deuxième contributeur net au budget communautaire en volume et du rang de huitième à celui de septième contributeur net en pourcentage du revenu national brut. Notre situation ne cesse donc de se dégrader depuis dix ans : notre solde net représentait moins de 400 millions d'euros en 1999, mais il a été multiplié par treize en dix ans et dépasse le seuil des 5 milliards d'euros depuis 2008. C'est sans doute le prix de notre attachement à la PAC. De même que nous avons dû faire des compromis pour obtenir la TVA à 5,5 % dans la restauration. La multiplication des rabais et des corrections témoigne de ces marchandages incessants, dont nous sommes l'un des rares contributeurs nets, avec l'Italie et le Danemark, à ne pas bénéficier. Aujourd'hui, outre le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche profitent en effet eux-aussi de diverses corrections en leur faveur.

Bien-sûr, je voudrais, comme avait l'habitude de le rappeler à juste titre notre ancien collègue rapporteur spécial, Denis Badré, souligner la faiblesse de ces analyses en termes de « retour net », qui ignorent les contributions incalculables de la construction européenne : la libre circulation, l'ouverture des Etats les uns vers les autres, et la généralisation de valeurs et, plus particulièrement, celles de la démocratie, de la paix et de la liberté, à défaut de celle de la sincérité des comptes publics.

Toutefois je ne crois pas que l'on puisse en ces temps difficiles faire l'économie d'une analyse en termes de soldes nets. Il convient bien entendu de ne pas s'enfermer dans de telles grilles d'analyses, mais on ne peut pas non plus les écarter.

Trois points pour conclure mon intervention :

- contrairement à ce que laisserait penser le travail de la Commission européenne, l'Europe ne peut pas se placer en-dehors des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques. A cet égard, je recommande un renforcement de la mise en oeuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l'Union européenne ;

- dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant, ni l'usage qui en sera fait à travers les dépenses de l'Union européenne. Une telle situation n'est pas satisfaisante. Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont 85 % des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l'impôt, essentiel dans une démocratie ;

- une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux paraît donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la coordination des finances publiques des Etats membres et dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire. Il pourrait en être ainsi pour la préparation des conseils européens.

Pour l'heure, Marc Massion et moi-même vous recommandons de vous abstenir quant au vote sur l'article 30 de notre projet de loi de finances pour 2012. Il s'agit d'une contribution obligatoire mais il est utile de faire part de notre humeur. J'ajoute, à titre personnel, mon incompréhension à l'égard de la Commission européenne et du Conseil qui ont laissé filer la Grèce dans une politique de trucage et de maquillage de ses comptes publics, transformant ainsi le Pacte de stabilité et de croissance en pacte de tricheurs et de menteurs. Voici un motif supplémentaire pour justifier mon abstention.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je me demande si la discussion est encore ouverte s'agissant du PEAD et s'il est encore possible d'intervenir afin de débloquer les crédits. Cette question inquiète beaucoup les associations, notamment les banques alimentaires, qui se sentent abandonnées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

500 millions d'euros sont bien prévus dans le projet de budget pour 2012 ; ce qui manque c'est une décision de la Commission européenne prévoyant l'utilisation de la totalité de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

De telles dépenses doivent-elles réellement relever de l'Union européenne ou des Etats membres ? Pourquoi l'Europe s'occupe-t-elle de l'aide alimentaire ? Alors qu'on rappelle tout le temps le principe de subsidiarité, j'évoque des doutes pour ma part.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

A l'origine, ce programme devait permettre une utilisation des excédents alimentaires constitués grâce à la PAC. Ces derniers n'existant plus, la justification d'une politique communautaire est moins fondée. Toutefois, je suis favorable à ce que la solidarité s'exerce dans un cadre plus large que les Etats membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je m'interroge sur l'utilisation de la notion de soldes nets, étant un européen convaincu. Si nous voulons construire l'Europe il faut bien que certains paient et la solidarité financière paraît donc nécessaire, je ne partage donc pas totalement l'analyse de Jean Arthuis. Par ailleurs, dans la mesure où le PEAD ne repose plus sur les excédents agricoles, je propose d'imputer son coût à la politique de cohésion et non plus à la PAC. S'agissant de la Grèce, comme l'a montré l'audition du ministre des affaires européennes, Jean Leonetti, le 25 octobre 2011, par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, il est indispensable que, dès lors que l'Europe apporte des concours financiers, elle impose un cahier des charges rigoureux, tout particulièrement en matière fiscale. Enfin, je partage la proposition des rapporteurs de demander l'abstention sur l'article 30 du PLF pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je souscris également à la proposition qui nous est faite de nous abstenir, parce qu'il y a plusieurs motifs d'insatisfaction. Cette année, dans le cadre de la préparation d'un rapport au nom de la commission des affaires européennes sur les perspectives pluriannuelles 2014-2020, j'ai rencontré notre représentant permanent à Bruxelles, Philippe Etienne, qui résume de façon éloquente la situation des finances communautaires par l'expression suivante : « il est difficile de faire entrer la couette dans l'édredon ». On souhaite, en effet, tout à la fois conserver les politiques actuelles, telles que la cohésion ou la PAC, au même niveau et répondre aux enjeux de compétitivité exigés par la stratégie Europe 2020 par des dépenses nouvelles ; or une telle équation est impossible à tenir. Et la débudgétisation n'est pas une solution, il s'agit au contraire d'un pis-aller.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La difficulté est en fait de savoir comment démultiplier les recettes. De nouveaux modes de financement doivent être identifiés, à l'instar des « project bonds », obligations dont le produit serait affecté à des grands projets d'infrastructures européennes. Il est important que la France mette en avant cette préconisation. Il faut inventer et concrétiser un effet de levier pour le budget communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Ma question porte sur la politique de cohésion. La France se singularise par des dépenses européennes qui transitent par l'Etat. Je connais cependant l'exemple de la région Alsace qui gère directement à titre expérimental certains crédits communautaires. Pourquoi ne pas confier aux régions la gestion des dotations issues de l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Contrairement à ce qui a été dit, je souhaite voter pour l'article 30 du projet de loi de finances pour 2012 et le voir adopté. Comme cela a été rappelé, nous sommes deuxième contributeur au budget communautaire, mais nous en sommes également le premier bénéficiaire, à la faveur notamment de la PAC. Je voudrais être logique avec mes précédentes interventions, qui portaient par exemple sur la pêche et l'ostréiculture. J'estime en effet que s'abstenir n'aiderait pas notre pays, notamment dans le contexte des discussions qui ont lieu en ce moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Pour ma part, je m'abstiendrai pour les raisons évoqués par les deux rapporteurs spéciaux. Par ailleurs, je souhaite revenir sur la crise grecque et prolonger les propos tenus par Jean Arthuis. Pourquoi n'a-t-on pas su contrôler efficacement les comptes de la Grèce ? Quand je vois les contrôles parfois tatillons exercés par les autorités européennes sur le territoire national, y compris pour des sommes très faibles, je ne comprends pas pourquoi la situation d'un Etat est passée entre les mailles de leur vigilance. Je trouve également inacceptable que l'on réduise le PEAD alors que le budget de l'UE augmente.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

Pour répondre à Marie-Hélène Des Esgaulx, il ne s'agit pas de voter un budget mais de voter l'autorisation d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat, ce qui est différent. L'Europe donne des leçons aux Etats membres, or elle laisse déraper ses dépenses. Il faut aujourd'hui alerter sur cette dérive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En réponse à Jean-Paul Emorine, je reconnais le caractère sordide du débat sur les soldes nets. Le problème c'est que nos partenaires utilisent ce raisonnement. Chaque fois que l'on cherche à obtenir un accord sur tel ou tel point, c'est en contrepartie d'avantages accordés à d'autres Etats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Oui, et je l'ai dit. Je voudrais qu'on effectue un travail complémentaire sur les motifs de ces concessions accordées à travers les multiples rabais et corrections à certains Etats membres. Elles mettent en péril le pacte européen. L'Europe est attendue pour réguler les marchés financiers ou pour encadrer la spéculation pas pour ce type de marchandages. Ces concessions entraînent souvent des coûts cachés que nous devrions regarder d'un peu plus près. Par ailleurs, je suis d'accord avec les différentes observations de Jean-Paul Emorine sur le PEAD, mais la disparition des excédents conduit à renvoyer ces actions d'urgence vers les Etats membres. Pour ce qui concerne les remarques de François Marc, je ne comprends pas qu'on ait laissé la Grèce maquiller ses comptes, au nom d'une prétendue souveraineté nationale. De plus, les débudgétisations ne sont évidemment pas la solution, c'est, là aussi, du maquillage. Quant aux « project bonds », cela ne me semble pas être une bonne piste à explorer : ce serait une façon de reporter les dettes nationales vers un endettement européen. Enfin, à propos de la régionalisation évoquée par Gérard Miquel, il s'agit d'une question très politique à laquelle je n'ai pas la réponse. Mais il faut bien laisser du travail aux préfectures.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J'appuie également la recommandation de l'abstention. François Marc nous l'a bien démontré, nous sommes à la fin d'un cycle, nous ne pouvons plus négocier le budget communautaire comme auparavant, avec tous ces petits critères traditionnels, ces rabais et ces rabais sur les rabais. Et la crise que nous traversons est révélatrice de ce point de vue. Je constate que Jean Arthuis a adopté la position de l'Allemagne, qui consiste à poser comme préalable le retour à l'équilibre budgétaire. Les Etats de l'UE ne veulent plus s'endetter mais si l'on veut faire de l'Europe une zone de croissance forte, il faudra bien investir. En effet, pour relancer la croissance dans la compétition mondiale, nous devrons engager des dépenses nouvelles, en particulier des investissements dans le domaine de l'innovation. S'endetter pour faire de la croissance ne me gêne pas du tout si cela correspond à une stratégie de compétitivité et c'est au demeurant l'enjeu des eurobonds. Il faudra bien entendu faire attention à nos comptes mais je note que nous sommes quasiment déjà dans une fédération budgétaire, à l'image du « paquet gouvernance » adopté en septembre 2011 ; il ne faut simplement pas en rester là. Si l'on va vers le fédéralisme budgétaire sans lutter efficacement dans la compétition mondiale, nous mourrons comme les étrusques, heureux, mais nous mourrons. C'est une conviction profonde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Dans la compétition internationale, il y a des pays qui produisent plus qu'ils ne consomment et dégagent donc des excédents, mais nous faisons partie des pays qui consomment plus qu'ils ne produisent, dans une sorte de pacte entre les actionnaires, les dirigeants d'entreprises et les consommateurs. Si l'on ne change pas profondément cet état de fait, la situation ne fera qu'empirer. Je suis donc favorable à des mesures qui relancent la croissance, mais à la condition fondamentale que des réformes structurelles permettent de faire évoluer notre modèle économique. A défaut, nous ne bénéficierons que d'un système de soins palliatifs, à travers des fonds souverains qui viendront soutenir notre consommation de produits importés, au prix de notre souveraineté et de notre indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Les campagnes présidentielles et législatives de l'année prochaine permettront de débattre de ces questions. Comme je le dis souvent, on attend toujours l'harmonisation sociale et fiscale en Europe ; or il s'agit d'une question essentielle pour avancer aujourd'hui. Bien qu'une majorité semble se dégager en faveur de l'abstention, j'adopterai pour ma part une position de rejet de l'article 30 du projet de loi de finances pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je ne comprends pas : la commission est pour ou contre les crédits, ou bien s'en remet à la sagesse du Sénat, mais que signifie le fait qu'elle préconise l'abstention ?

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'abstention sur l'article 30 du projet de loi de finances pour 2012.

La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial, sur la mission « Santé » (et article 60).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je ferai une présentation rapide de la mission « Santé » en ne revenant que sur les points essentiels. 1,38 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sont demandés, en 2012, au titre de cette mission. Une augmentation de l'enveloppe de la mission de près de 13 % peut donc être constatée entre 2011 et 2012. Néanmoins, il ne s'agit que d'une évolution optique puisqu'elle résulte de la budgétisation du financement de l'Agence française de sécurité du médicament et des produits de santé (AFSSAPS). Le Gouvernement a souhaité rompre le lien entre l'industrie pharmaceutique et cette agence, financée en partie par la taxe annuelle sur les médicaments. Cette mesure fait suite au scandale du Mediator et constitue une bonne initiative. Désormais, l'AFSSAPS doit être financée par une dotation de l'État s'élevant à 134,9 millions d'euros en 2012, inscrite dans le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission.

Ce programme comprend également les crédits destinés aux agences régionales de santé (ARS) au titre de leurs dépenses d'intervention relevant de la prévention et de la sécurité sanitaire, soit 182,46 millions d'euros en 2012. Une réduction de ces dotations est prévue puisque ces crédits s'élevaient à 189,36 millions d'euros en 2011. Je souhaiterais reprendre les remarques qui avaient été formulées par mon prédécesseur Jean-Jacques Jégou concernant l'opacité entourant les ressources des ARS. Comme lui, je souhaiterais que le Parlement puisse bénéficier d'éléments plus substantiels sur la construction du budget de ces agences mais également sur l'utilisation faite des crédits qui leurs sont alloués.

J'en arrive maintenant au programme 183 « Protection maladie » qui regroupe 638 millions d'euros en 2012. Ces crédits sont destinés au financement, à hauteur de 588 millions d'euros, de l'aide médicale d'État (AME) et, pour 50 millions d'euros, du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Ces deux dotations sont stables par rapport à 2011.

Je désirerais tout d'abord revenir sur la dotation d'équilibre versée par l'État au Fonds CMU, également inscrite au titre de ce programme. Pour la quatrième année consécutive, cette subvention sera nulle en 2012. Le Fonds est en effet financé depuis 2009 par une taxe de solidarité additionnelle due par les organismes complémentaires. Je redoute néanmoins que son équilibre financier soit menacé en 2012. La croissance du produit de la taxe affectée au Fonds CMU semble surestimée par le Gouvernement. Par ailleurs, les dépenses du Fonds devraient être dynamiques en 2012, du fait du relèvement du plafond de ressources de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS). À cet égard, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée un amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 tendant à relever à nouveau ce profond de ressources. Celui-ci ne passerait pas de 26 % à 30 % au-dessus du plafond de ressources retenu pour la CMU-c en 2012, mais de 26 % à 35 %. Bien évidemment, cet élargissement du dispositif ne peut qu'être salué. Toutefois, un « effet de ciseau » est susceptible de se produire si les dépenses croissent plus rapidement que les ressources du Fonds au cours de l'exercice 2012. Or, le rendement de la taxe de solidarité additionnelle due par les organismes complémentaires pourrait diminuer l'an prochain. La hausse du taux de la taxe sur les conventions d'assurance pour les contrats d'assurance maladie complémentaire « solidaires et responsables », décidée lors du collectif budgétaire de septembre dernier, pourrait en effet en réduire sensiblement l'assiette.

Enfin, je souhaite m'arrêter plus particulièrement sur le financement de l'AME. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les crédits alloués à ce dispositif sont stabilisés à 588 millions d'euros en 2012. Récemment, de nombreuses restrictions à l'accès à l'AME ont été décidées. Le projet de loi de finances pour 2011 a ainsi créé un panier de soins conduisant à exclure la prise en charge de certaines prestations médicales, alors même que le dispositif ne couvre pas de soins « de confort ». En outre, il a été prévu la mise en place d'un agrément préalable pour les soins hospitaliers programmés coûteux. Enfin, un droit de timbre de 30 euros a été institué, que tout bénéficiaire majeur doit acquitter annuellement. Ces restrictions sont d'autant plus inquiétantes que l'AME n'a pas seulement une vocation humanitaire, mais répond aussi à des impératifs de santé publique.

Venons-en à l'article rattaché à la mission « Santé ». Il s'agit de l'article 60 du projet de loi de finances pour 2012. Celui-ci prévoit la création d'un dispositif de couverture mutualisé des risques exceptionnels de responsabilité civile des professionnels de santé exerçant à titre libéral.

Actuellement, lorsqu'un professionnel de santé est condamné à verser une indemnisation dont le montant est supérieur au plafond de garantie prévu dans son contrat d'assurance, celui-ci n'est pas assuré et engage sa responsabilité sur son propre patrimoine. Il s'agit de ce que l'on appelle un « trou de garantie ».

Le dispositif proposé vise à combler ce « trou de garantie ». À cet effet, il prévoit qu'un fonds prend en charge le montant des indemnisations dépassant le plafond de couverture fixé par le contrat d'assurance du professionnel de santé. Ce plafond doit être porté de trois à huit millions d'euros par voie réglementaire.

Il est également prévu que le fonds de garantie soit financé par une contribution annuelle comprise entre 15 et 25 euros versée par l'ensemble des professionnels de santé. Ce montant pourra être modulé en fonction de la spécialité exercée. Non coûteux pour les finances publiques et financé par les professionnels de santé eux-mêmes, il me semble que ce dispositif va dans le bon sens, d'autant qu'il renforce la sécurité juridique de ces derniers.

Je vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

En ce qui concerne le budget, j'estime préférable de recommander à la commission de réserver sa position sur l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Je souhaiterais intervenir sur un point particulier, celui de la CMU. Il est assez fréquemment fait état de certaines réticences des professionnels de santé à soigner les bénéficiaires de la CMU. Existe-t-il des analyses précises réalisées sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

présidente. - Les refus d'accueillir les bénéficiaires de la CMU sont en effet très nombreux, notamment en ce qui concerne les soins dentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je soutiens notre rapporteur lorsqu'il souligne la nécessité de s'intéresser davantage aux ARS. Ces agences sont un « État dans l'État ». Il y a quelques jours, le directeur de l'ARS d'Auvergne, invité à s'exprimer devant le conseil général du Puy-du-Dôme, affirmait qu'il n'avait de comptes à rendre à personne, étant nommé en Conseil des ministres par le président de la République. Les ARS ont pourtant des comptes à rendre au Parlement. Il serait intéressant de mener des investigations poussées sur le financement de ces agences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Un nombre important de refus de soins m'a également été rapporté, notamment ce qui concerne la capitale et la région parisienne. Des associations se sont engagées dans une démarche de « testing » afin d'identifier les praticiens refusant d'accueillir les bénéficiaires de la CMU et de mesurer l'ampleur de ce phénomène. En tout état de cause, cette situation est extrêmement préoccupante. Notre commission pourrait se pencher sur cette question et dresser un bilan plus précis de ces refus de soins.

Il est certain que le Parlement souffre d'un manque de visibilité sur la construction du budget de ces ARS, mais aussi sur l'utilisation qui est faite des crédits qui leurs sont affectés. Ces agences n'ont qu'un an d'existence. Nous disposons par conséquent d'un recul encore insuffisant pour apprécier leur fonctionnement. Toutefois, le Parlement doit disposer d'une information plus précise sur leur financement.

Je m'interroge par ailleurs sur la politique de contractualisation des ARS avec les collectivités territoriales. Les démarches conventionnelles initiées par les collectivités sont très difficiles à faire aboutir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je remercie le rapporteur. J'appuie sa proposition invitant la commission à réserver sa position sur l'adoption des crédits de la mission « Santé ». Je partage également ses interrogations concernant les restrictions qui ont été apportées à l'accès à l'AME.

A l'issue de ce débat, la commission des finances décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Santé » et de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 60 du projet de loi de finances pour 2012.

- Présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente -