C'est avec un grand plaisir que pour la première fois je vais rapporter ce matin devant vous, avec Jean Arthuis, la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances pour 2012, contribution qui prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat. L'article 30 de projet de loi de finances pour 2012, évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 18,878 milliards d'euros, soit une augmentation assez marquée par rapport à celui voté pour 2011, avec une hausse de 646 millions d'euros, soit 3,5 %. Mais Jean Arthuis reviendra tout à l'heure de manière plus approfondie sur la question du montant de notre contribution.
Je voudrais commencer cette présentation en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2012, négociation qui est toujours en cours.
Comme à l'accoutumée, l'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 20 avril dernier. La Commission a proposé une augmentation de 4,2 % des crédits d'engagement (CE) par rapport à 2011, soit 147,8 milliards d'euros. Les hausses concernent surtout les rubriques 1a « Compétitivité » et 3a « Liberté, sécurité et justice ». Les crédits de paiement (CP) affichent quant à eux une hausse de 4,9 % pour atteindre 132,7 milliards d'euros.
J'ai relevé que le projet de budget, adopté à une courte majorité par le Conseil le 25 juillet 2011, se veut plus rigoureux, ce qui est habituel sauf que cette pratique prend un sens encore plus significatif aujourd'hui, dans le contexte des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques nationales et de stratégie de retour à l'équilibre budgétaire. Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en CE et, surtout, en CP, ramenant respectivement la hausse pour 2012 à 3 % et 2,02 % par rapport à 2011. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux Etats membres, dont la France, d'une discipline budgétaire renforcée.
Je vous renvoie, par exemple, à la fameuse « lettre des cinq », par laquelle, en décembre 2010, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Finlande avaient demandé une augmentation annuelle du budget communautaire limitée à l'inflation. Cet été, au sein du Conseil, si l'Allemagne et la France ont accepté de se rallier au compromis de la présidence polonaise, ce n'est que par pragmatisme. Je précise que six Etats membres ont voté contre le projet du Conseil : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, le Danemark et l'Autriche.
Enfin, je souligne que le Parlement européen devrait voter en séance plénière, ce 26 octobre, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais relativement proche des propositions initiales de la Commission, s'il suit les propositions de sa commission des budgets. La commission des budgets du Parlement européen, appelée également COBU, propose ainsi, pour 2012, une hausse de 3,95 % des CE et de 5,23 % des CP. Il va sans dire que ces propositions d'augmentation des crédits rendront très difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire lors de la phase de conciliation. Ces difficultés seront aggravées par la négociation qui s'est ouverte cette année concernant la future programmation 2014-2020.
C'est en effet à ce sujet que les tensions entre les Etats membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes.
La Commission a adopté le 29 juin 2011 une communication intitulée « un budget pour la stratégie Europe 2020 ». Elle y détaille, pour la première fois, des éléments chiffrés sur le prochain cadre pluriannuel. Les propositions de la Commission révèlent tout d'abord une priorité pour les dépenses de recherche et d'innovation (+ 60 % entre les deux programmations à périmètre comparable), la gestion des flux migratoires (même hausse), l'action extérieure (+ 40 %). Elles se caractérisent de plus par la poursuite de la politique de cohésion (+ 11 %) et la stabilité de la PAC (nonobstant son verdissement, avec 30 % des aides qui seraient désormais liées à l'environnement). Les dépenses administratives ne sont pas en reste puisqu'il s'agirait d'une hausse de 25 %, loin de la maîtrise qui devrait être de rigueur.
Sur sept ans, il s'agirait au total de 972 milliards d'euros de CP. Mais ces propositions ne sont pas fiables :
- par un premier artifice dans sa présentation, la Commission minore les crédits qui seront mobilisés. Sa communication est en effet réalisée en euros constants et en CE, alors que seule une présentation en CP et en euros courants permettrait d'apprécier l'impact réel des propositions sur les contributions nationales : la réalité de l'augmentation de la dépense qui, chaque année, devra être réévaluée de l'inflation est volontairement masquée. J'observe que tous les Etats membres calculent leurs contributions en euros courants et qu'ils font de même avec leurs programmations pluriannuelles quand ils en utilisent ;
- par un second artifice, la Commission dissimule les tensions importantes que sa programmation exercera sur les finances des Etats membres, elle multiplie ainsi les débudgétisations incompréhensibles qui dégonflent artificiellement son projet. Non seulement sont maintenus hors budget général de l'UE et hors cadre financier pluriannuel, le fonds européen de développement (FED) et les mécanismes de stabilisation financière, mais surtout passent hors budget des politiques pourtant communautaires et financées sous plafond dans le cadre actuel, à l'image des dépenses relatives à ITER et au programme européen de surveillance de la Terre.
En euros courants, avec le périmètre classique de financement de l'UE auquel on ajouterait le FED et d'autres politiques débudgétisées, le total de dépense serait de 1 156 milliards d'euros en CP, soit 184 milliards d'euros de plus que le projet de la Commission.
En bref, par des artifices de présentation et des débudgétisations inacceptables, la Commission européenne formule un projet de programmation pour 2014-2020 qui représente une entorse au principe de sincérité budgétaire. En outre, le niveau de dépenses proposé est tout simplement insoutenable et contredit notre stratégie de retour à l'équilibre. Ce seul motif suffirait à motiver le choix de l'abstention quant à l'article 30 de notre projet de loi de finances pour 2012. J'ajoute à cela mon désaccord profond avec la diminution de 76 % des crédits du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), proposée par la Commission européenne, soit 113 millions d'euros en 2012 au lieu de 500 millions d'euros ; l'enveloppe allouée à la France au titre du PEAD passerait même de 73 millions d'euros à 15,9 millions d'euros, soit une baisse de 80 %.
Les remarques qui vont nous être faites maintenant sur le montant de la contribution française au budget communautaire en 2012 devraient, elles aussi, encourager la stratégie d'abstention que je préconise.