L'enquête demandée par votre commission à la Cour des comptes s'est déroulée de janvier à mai 2011 et a donné lieu avec les organismes concernés et avec le ministère à une procédure contradictoire.
Tout d'abord, le rapport rappelle les circonstances dans lesquelles la réforme des offices agricoles s'est faite : la réforme a été initiée en 2003 dans le cadre de la réforme de la PAC et elle a connu deux temps. D'abord, un rythme lent avec la réduction de douze à huit au 1er juin 2006 du nombre des organismes nationaux intervenant en matière agricole. Cette première phase a duré trois ans et demi. Ensuite, le rythme s'est accéléré avec une deuxième phase initiée à l'occasion de la RGPP. Cette phase a duré vingt-et-un mois et le nombre d'organismes est passé à quatre au 1er avril 2009 : deux organismes à compétences larges - l'ASP, héritière du CNASEA et de l'AUP - et FranceAgriMer. Ensuite, deux organismes à compétence géographique spécifique : l'Odeadom et l'Odarc.
Si cette réforme en deux temps a été complexe à mener, elle a néanmoins abouti et les mesures issues de la RGPP de 2007 ont été rendues possibles par la première phase plus lente de cette réforme. Un signe positif à noter : les bénéficiaires des aides n'ont subi que de très faibles retards dans les versements qui leur étaient dus.
J'en viens à la situation actuelle. Il existe désormais quatre opérateurs : le premier est l'ASP, qui verse 9,5 milliards d'euros d'aides agricoles sur un total distribué de 16,5 milliards, cette différence s'expliquant par le fait que l'ASP, comme le Cnasea auparavant, intervient dans d'autres secteurs que l'agriculture, notamment l'emploi et la formation professionnelle. L'ASP est donc un grand guichet qui distribue quantité d'aides. 85 % des aides agricoles concernent le premier pilier de la PAC et les 15 % restant le second pilier.
Le deuxième opérateur est FranceAgriMer, qui verse 1,2 milliard d'euros d'aides exclusivement agricoles, en majorité de crédits nationaux.
Le troisième est l'Odeadom, qui verse environ 250 millions d'euros et ses aides sont très majoritairement européennes : il s'agit des programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei), soit l'équivalent du premier pilier de la PAC pour l'outre-mer.
Enfin, dernier opérateur : l'Odarc distribue un peu plus de 25 millions d'euros d'aides agricoles sur les crédits de la collectivité territoriale de Corse, de l'Etat et, enfin, de façon très minoritaire, de l'Europe.
Les trois premiers organismes qui sont des établissements publics de l'Etat - à la différence de l'Odarc, qui a un statut d'établissement public territorial - se sont vu assigner des objectifs de performance par leur autorité de tutelle, mais ces objectifs ont été fixés tardivement.
Un des buts de la réforme était la réduction des effectifs : de 4 000 en 2007, ils doivent être aujourd'hui légèrement supérieurs à 3 500, dont environ 2 200 à l'ASP, 1 250 à FranceAgriMer et 40 à l'Odeadom.
L'organisation sur le terrain est très différente d'un organisme à l'autre. L'Odeadom n'a pas de services déconcentrés et fait appel pour certaines tâches aux services du ministère de l'agriculture. L'ASP dispose d'un important réseau territorial mais délègue certaines tâches aux services du ministère, et FranceAgriMer fait de même.
La critique formulée par la Cour des comptes avant la réforme reste donc valable : le dispositif de distribution des aides hésite entre la logique « services de l'Etat » et la logique « offices ». Or, les ordonnateurs ne sont pas les mêmes et les comptables publics non plus, d'où un mélange qui conduit assez souvent à ne plus savoir qui est responsable de l'ordonnancement et du paiement. On se retrouve avec deux ordonnateurs d'un côté et deux comptables de l'autre, ce que la réforme n'a pas amélioré.
La rationalisation immobilière est, elle, bien avancée. En région parisienne, les offices sont regroupés depuis 2007 à Montreuil dans un immeuble de 33 000 m2, nommé l'Arborial, qui est loué à une compagnie d'assurance. Le regroupement géographique a précédé les fusions d'organismes mais cette rationalisation appelle quelques remarques. L'ASP continue, comme le Cnasea avant elle, à avoir une double implantation centrale, Montreuil qui est normalement une antenne, et Limoges qui devrait être le siège. Les surfaces par agent à Montreuil devraient être réduites, la RGPP étant plus exigeante que ne l'était la tradition dans la fonction publique. Or, et c'est dommage, le bail conclu avec la compagnie d'assurance et dont le loyer se monte à 14,3 millions par an, ne permettait de réduire les surfaces louées que jusqu'au 31 mai 2011. L'occasion n'a donc pas été saisie. Pour densifier l'occupation de l'Arborial, il n'y a plus qu'une solution : faire venir d'autres services ; puisqu'on ne peut plus soustraire des surfaces, il faut ajouter des agents. C'est d'ailleurs ce qui a été fait avec l'arrivée de l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao).
La rationalisation des implantations immobilières en province progresse : l'ASP avait quarante-neuf implantations au moment de sa création le 1er avril 2009. Aujourd'hui, elle n'en a plus que quarante-trois, dont cinq sont inoccupées et en instance de vente. Elle ne devrait plus en posséder que vingt-six au 31 décembre 2012. FranceAgriMer ne devrait avoir à la même date que trente-deux implantations, à comparer aux quarante-six au 1er avril 2009.
Le rapport de la Cour traite aussi des freins aux économies fixées par le Gouvernement ainsi que des évolutions envisageables.
Tout d'abord, la gestion des personnels des offices agricoles se caractérise par sa complexité, en raison de la diversité des statuts et des engagements pris lors des réformes, notamment l'absence de mobilité géographique forcée et de licenciement. Les agents de l'ASP et de FranceAgriMer pouvaient opter entre le maintien d'un statut de contractuel de droit public et celui de fonctionnaire. Cette faculté était offerte par des décrets du 20 octobre 2010 pour une durée d'un an. L'échéance de l'option vient donc d'être atteinte et les résultats de ce droit d'option doivent maintenant être connus. Les administrations et les organismes présents ont sans doute des données actualisées sur les choix effectués par les agents et sur l'impact financier de ces décisions.
Autre point : de gros chantiers informatiques sont à prévoir. Les offices agricoles, et en premier lieu l'ASP, vivent grâce à leur informatique. Le Cnasea, avant l'ASP, avait fondé sa réputation sur son aptitude à effectuer rapidement des versements de masse, cette réputation n'étant pas usurpée. L'ASP fonctionne aujourd'hui avec deux applications principales datant de 2007, Isis et Osiris. L'informatique sera inévitablement un important poste de dépenses dans les années à venir. Pour l'ASP, il ne s'agit pas de remplacer Isis et Osiris, non encore amortis, mais de procéder à une rationalisation, notamment avec l'unification des trois chaînes de paiement et des deux applications de recouvrement. Pour FranceAgriMer, un important travail de rationalisation, notamment des multiples applications existantes, devra être mené pour aboutir à deux systèmes d'information majeurs, l'un pour les aides et l'autre pour les données socio-économiques.
Enfin, un des objectifs de la réforme était de réduire les refus d'apurement des dépenses communautaires, qui sont souvent un motif d'irritation lorsque Bruxelles refuse d'admettre des dépenses déjà effectuées. Un rapport de la Cour des comptes présenté devant la commission des finances il y a trois ans avait démontré le poids relatif de ces corrections financières et le caractère le plus souvent systémique - expression moderne que l'on peut traduire par délibéré - des manquements relevés. Admettons que la réglementation européenne ne brille pas par sa clarté et qu'il y ait parfois des problèmes d'interprétation. Quelques progrès ont été relevés, mais l'absence d'unité dans les systèmes d'information des offices et le maintien des organismes déconcentrés de l'Etat dans les circuits de paiement et de contrôle des aides conduisent à constater que rien d'important n'a été fait pour réduire le montant des refus d'apurement. Sans doute la date importante dans ce domaine n'est-elle pas 2009 - l'année de réforme des offices - mais 2013, avec la nouvelle PAC.
Le nombre des organismes payeurs peut-il être réduit à l'avenir ? La tendance dans les Etats membres de l'Union européenne est de fusionner ces structures. Faudrait-il passer à un seul organisme payeur en France ? La Cour des comptes aborde la question mais ne prend pas partie. L'Odarc est un cas à part en raison des compétences dévolues à la collectivité territoriale de Corse. Il y a donc là un problème juridique. L'Odeadom existe pour des motifs politiques, c'est clair pour tout le monde, mais il n'a même pas le monopole du versement des aides agricoles outre-mer et il ne dispose pas de services sur place. Il ne s'acquitte pas non plus de sa tâche réglementaire de collecte de l'information sur l'ensemble des mesures agricoles outre-mer. La Cour des comptes a d'ailleurs récemment formulé une série de critiques, mais sans aller jusqu'à prôner sa suppression, puisque ne seraient visés que 40 emplois. Restent les deux gros organismes, l'ASP et FranceAgriMer. Dans son rapport, la Cour des comptes relève que la répartition des compétences entre eux est, dans l'ensemble, pertinente, à quelques ajustements près. Elle ne recommande donc pas la création d'un organisme unique à ce stade. En revanche, le nombre de conseils spécialisés de FranceAgriMer devrait être réduit. Si le maintien d'un nombre élevé de conseils spécialisés a pu faciliter le processus de fusion, il en existe aujourd'hui plus - onze - qu'il n'y avait d'offices avant la fusion - neuf - ce qui parait excessif.
Pour conclure, la réforme des offices agricoles comporte donc des éléments positifs et négatifs. La réforme, menée en deux temps, n'aboutit pas à un dispositif complètement rationnel et performant. Une fois encore, l'échéance de 2013 pourrait être l'occasion de nouveaux changements, mais elle reste nécessairement entourée de flou.