Intervention de Éric Jalon

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 octobre 2011 : 2ème réunion
Péréquation entre les collectivités territoriales — Audition conjointe de Mm. Gilles Carrez député président du comité des finances locales et eric jalon directeur général des collectivités territoriales

Éric Jalon, directeur général des collectivités locales :

La péréquation horizontale complète la péréquation verticale qui a continué de progresser depuis 2004, au travers des dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR), avec la dotation nationale de péréquation, pour atteindre cette année plus de 3 milliards d'euros. L'article 125 de la loi de finances pour 2011 en a posé les principes en même temps qu'il établissait la feuille de route du Gouvernement pour préparer le PLF 2012, autour de cinq règles de fonctionnement : premièrement, la fixation ex ante d'un objectif de ressources de 2 % des recettes fiscales en 2015, mention qui demeure dans le PLF 2012 ; deuxièmement, l'alimentation de ce fonds par un prélèvement opéré sur les ressources des communes et de leurs groupements appréciées au niveau de l'intercommunalité de façon agrégée ; troisièmement, une mesure de la richesse qui prenne en compte un panier élargi et tirant toutes les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle ; quatrièmement, un reversement en fonction du potentiel financier et de critères de charges à définir ; enfin, le maintien d'un fonds de péréquation spécifique à l'Ile-de-France, dont le Sénat avait voulu voir progresser le montant.

Le rapport prévu par l'article 125 a été remis par le Gouvernement au Parlement à la veille de la présentation du budget, et après avoir reçu l'avis du comité des finances locales, le 27 septembre dernier. Il répond à six questions : les groupes démographiques permettant de déterminer les contributions des collectivités territoriales ; le seuil de potentiel fiscal moyen définissant le prélèvement ; le taux s'appliquant à ce prélèvement ; le montant maximum à instaurer le cas échéant ; les critères de ressources et de charges devant être mobilisés ; enfin, point sensible, l'articulation entre le FPIC et le FSRIF, dont vous avez rappelé qu'il devait être réorganisé pour tenir compte de la suppression de la taxe professionnelle.

En 2011, nous avons travaillé en lien aussi étroit que possible avec la représentation nationale ; vous avez bien voulu m'entendre ici même à quatre reprises. Il en a été de même avec la commission des finances de l'Assemblée nationale, ainsi qu'avec le groupe de travail constitué au sein du comité des finances locales, réunissant la quasi-totalité de ses membres, au cours de sept séances.

Premier principe, il a été décidé de créer un fonds national unique. L'idée de créer des fonds région par région a finalement été écartée, car elle n'était pas de nature à permettre une redistribution optimale. Deuxième principe, la richesse sera mesurée au niveau intercommunal, en consolidant celle des groupements et des communes membres. Nous avons dénombré 4 238 collectivités concernées, soit 2 599 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et 1 639 communes isolées. Troisième principe, la progressivité de la montée en charge, avec un objectif de 250 millions d'euros en 2012, 500 millions en 2013 et 750 millions en 2014.

Mesure des ressources des communes et des intercommunalités concernées, le potentiel financier agrégé consolide au niveau d'un territoire les richesses d'un EPCI à fiscalité propre et des communes membres, quel que soit leur régime juridique et fiscal. On pourra comparer des communautés d'agglomération à fiscalité professionnelle unique avec des communautés de communes à fiscalité additionnelle et avec des communes isolées. En dépit des apparences, ce que nous présentons est plus simple.

Le panier de ressources intègre l'ensemble des ressources fiscales et des compensations issues de la réforme de la taxe professionnelle. Il est élargi à l'ensemble des taxes non affectées composant les recettes du bloc territorial communal : le prélèvement sur les produits des jeux, la surtaxe sur les eaux minérales, la redevance des mines et la taxe sur les remontées mécaniques, qui fait l'objet de réserves à l'Assemblée nationale, car elle est légalement affectée.

Une fois ces recettes définies, comment passer du potentiel fiscal au potentiel financier, en intégrant les dotations à ce panier de ressources ? Il y avait trois options : se fonder comme aujourd'hui sur la part forfaitaire des dotations communales ; prendre comme référence le potentiel financier corrigé intégrant, comme le préconisait votre commission, les dotations de péréquation ; élargir encore en intégrant les dotations intercommunales. Nous en sommes restés à la première option car les modifications de périmètres qui vont intervenir dans les prochaines années affecteront les dotations d'intercommunalité. Il nous a paru plus prudent d'attendre une stabilisation. Nous proposons d'écarter les dotations de péréquation, pour éviter les effets « miroir » affectant des communes bénéficiaires de la DSU ou de la DSR, auxquelles on reprendrait d'une main ce qu'on leur aurait accordé de l'autre.

Ce potentiel financier agrégé s'élève en moyenne nationale à 989 euros par habitant, variant de 668 euros par habitant pour les blocs territoriaux de moins de 10 000 habitants, à près de 1 300 euros pour ceux qui sont supérieurs à 200 000 habitants. On aurait pu être tenté, comme certains membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, de comparer le potentiel financier des blocs territoriaux à la moyenne nationale. Nous n'avons pas retenu cette option. En effet, les charges des collectivités, et non seulement leurs ressources, évoluent avec la taille des collectivités. L'étude des professeurs Guy Gilbert et Alain Guengant a montré que le pouvoir d'achat des collectivités, relativement homogène, décroît légèrement avec leur taille. C'est ce que confirme l'effort fiscal par collectivité.

Ensuite, au sein de chaque strate, on observe une grande diversité de situations. Pour les collectivités de moins de 10 000 habitants, par exemple, le rapport de l'écart-type au potentiel financier agrégé moyen de la cohorte est de 55 %, ce qui révèle une forte dispersion. Le Gouvernement propose de retenir six strates démographiques : moins de 10 000 habitants, 10 000 à 20 000, 20 000 à 50 000, 50 000 à 100 000, 100 000 à 200 000 et plus de 200 000 habitants. Cela permet d'homogénéiser les contributions au sein de chaque strate, tant en nombre de collectivités qu'en proportion de population contributrice, contrairement au scénario « déstratifié », dont nous avons remis les simulations au groupe de travail du comité des finances locales.

Ce prélèvement obéit à certaines règles. Pour obtenir 50 % de blocs territoriaux contributeurs, le Gouvernement propose de fixer le seuil du prélèvement à 90 % du potentiel financier moyen du groupe démographique. Le mécanisme de calcul assure au prélèvement un caractère progressif et non pas proportionnel, en supprimant les effets de seuil.

Nous aurons trois catégories de contributeurs : les intercommunalités, leurs communes membres et les communes isolées. Le Gouvernement propose que la répartition des contributions entre les deux premières soit proportionnelle aux ressources fiscales de l'EPCI minorées des attributions de compensation et à la part des ressources des communes membres dans le potentiel fiscal agrégé. Tel serait le droit commun. Le projet de loi ouvre la possibilité, pour une intercommunalité, de se mettre d'accord à l'unanimité sur une autre répartition. En outre, une collectivité pourra être à la fois contributrice et bénéficiaire. Nous avons débattu avec la commission des finances de l'Assemblée nationale pour savoir si les 250 millions d'euros affichés en 2012 correspondaient au montant réel du fonds ou s'il fallait distinguer entre le montant brut prélevé et le net reversé aux collectivités. D'après nos simulations, il n'y aurait qu'environ 1,5 % de recouvrement entre prélèvements et reversements : le montant brut s'élèverait à 250 millions d'euros et le net à 247 millions. D'autres mécanismes de péréquation horizontale, comme celui sur les droits de mutation à titre onéreux, montrent un écart beaucoup plus important : 440 millions en brut et 350 millions en net.

Pour la répartition entre les communes membres et leur EPCI, le projet de loi propose que le reversement s'effectue au prorata des ressources de chaque membre. Les communes membres pourront déterminer à la majorité qualifiée la part revenant à l'intercommunalité en fonction de son coefficient d'intégration fiscale (CIF). Quant à la répartition entre les communes membres, elle ne pourrait être modifiée qu'à l'unanimité.

Le Gouvernement propose deux critères de reversement : le potentiel financier agrégé et le revenu par habitant, critère de charge qui paraît pertinent pour la totalité des communes, qu'elles soient urbaines ou rurales, centrales ou périphériques.

Certains membres du comité des finances locales nous ont demandé de prendre en compte le critère d'effort fiscal. Nous travaillons aux modalités d'une telle prise en compte, nous n'y avons aucune opposition de principe.

Dans la synthèse présentée au comité des finances locales, que je tiens à votre disposition et qui figure dans le rapport du Gouvernement au Parlement, figurent les totaux de contribution et de reversement par strate. J'attire votre attention sur la difficulté de lire ces chiffres, qui mêlent dans chaque strate des blocs territoriaux et des communes isolées, en particulier dans les strates intermédiaires de 20 000 à 50 000 habitants et de 50 000 à 100 000 habitants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion