Intervention de David Assouline

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 22 octobre 2008 : 1ère réunion
Médias et jeunesse — Examen du rapport d'information

Photo de David AssoulineDavid Assouline, rapporteur :

Après avoir constaté que les rapports entre la jeunesse et les nouveaux médias cristallisent les passions, M. David Assouline, rapporteur, a souligné que l'objet de son rapport est de déterminer dans quelle mesure ces technologies mettent le poison à la portée des plus faibles, comme le déclarait Ernest Pinard à propos du livre « Mme Bovary » en 1857, et quels sont, au contraire, leurs atouts pour les jeunes d'aujourd'hui. Une cinquante de personnalités ont été auditionnées, et un blog de la mission, lancé en mai 2008, a permis de recueillir les avis des internautes, qui ont été plus de 5 000 à le consulter.

Il a ensuite insisté sur le fait que non seulement la révolution numérique est engagée, mais encore et surtout que les jeunes en sont le fer de lance, dans la mesure où ils se servent davantage des nouveaux médias que leurs parents, et bien souvent les maîtrisent mieux. Ces jeunes utilisent principalement les outils numériques pour communiquer : 60 % des 12 à 17 ans se servent ainsi de la messagerie instantanée et 30 % d'entre eux auraient un blog. Il a considéré que cette évolution est durable et qu'elle se renforcera avec la miniaturisation des équipements, et son corollaire, la convergence numérique. Le téléphone sera, à court ou moyen terme, à la fois téléphone, navigateur Internet, console de jeux et télévision.

a jugé contre-productif de regretter l'invasion des nouveaux médias et estimé nécessaire, au contraire, de réfléchir dès maintenant aux meilleurs moyens d'intégrer les pratiques numériques des jeunes pour qu'elles leur soient le plus profitable possible.

Il a, au demeurant, souligné que les bienfaits des nouveaux médias sont nombreux :

- ils permettent, en premier lieu, une libération de la parole de nombreux adolescents qui ont des difficultés à s'exprimer et à s'intégrer dans la vie réelle. Il a rappelé, à cet égard, qu'un adolescent sur quatre qui se suicident, passe à l'acte parce qu'il a du mal à assumer son homosexualité et qu'à ce titre tout lieu d'expression libre et anonyme est intéressant ;

- ils sont un facteur de socialisation. Les sites de réseaux sociaux rencontrent ainsi un succès extraordinaire. Les jeunes immigrés ou de familles divorcées peuvent, grâce à Internet, communiquer avec les membres de leur famille dont ils sont éloignés ;

- ils sont aussi des catalyseurs de compétences. Une étude britannique a démontré que la pratique des jeux vidéo développe les capacités de concentration des enfants tant qu'ils ne sont pas utilisés de manière excessive. Ils développent aussi leur habileté motrice et leur faculté d'apprendre par tâtonnement ;

- ils permettraient également aux jeunes de renforcer leurs qualités de persévérance. Loin des maux que l'on a attribués à la télévision, qui entraînerait passivité et tendance au zapping, les nouveaux médias rendraient les jeunes actifs, habiles et exigeants ;

- ils sont aussi un support culturel extraordinaire. Sans contester les torts réels que le téléchargement illégal fait au droit d'auteur, M. David Assouline a ainsi souligné que la musique n'a jamais été aussi accessible qu'avec les échanges de pair à pair. Les blogs ou certaines vidéos diffusées sur les sites de partage montrent également la vitalité de la création de la jeunesse française ;

- ils ont enfin un intérêt pédagogique certain, en valorisant des compétences et des élèves qui ne sont pas nécessairement reconnus à l'école. Le développement des tableaux numériques est, par ailleurs, une piste intéressante afin de diminuer le poids du cartable.

Il a néanmoins insisté sur le fait qu'il faut aussi admettre, dès lors que l'on reconnaît une influence à l'image et aux médias, qu'ils peuvent être dangereux et nuire à l'équilibre des jeunes téléspectateurs et internautes.

L'un des principaux risques de ces nouveaux médias est, selon lui, qu'ils entraînent un amaigrissement de la sphère de l'intime. Il a préconisé à cet égard de :

- définir juridiquement le statut des données personnelles mises en ligne sur les sites de réseaux sociaux, notamment en cas de désabonnement ;

- réglementer l'usage de la « webcam » sur les messageries instantanées ;

- et renforcer les messages d'alerte sur les plates-formes de blogs et les sites communautaires.

Evoquant ensuite l'influence néfaste de la publicité sur l'alimentation et les comportements de consommation, M. David Assouline a souhaité qu'une étude de grande ampleur soit rapidement lancée sur l'impact de la publicité à la télévision, mais surtout sur Internet, où elle est plus insidieuse, mais probablement aussi efficace.

Citant la formule d'un journaliste américain selon lequel il y a trois formes de mort : la mort cardiaque, la mort cérébrale et la déconnexion du réseau, M. David Assouline a cependant tenu à nuancer les risques de cyber-dépendance et d'addiction aux jeux vidéo. Si les risques liés à l'épilepsie ou à l'utilisation du Wifi sont faibles, l'exposition des jeunes enfants aux téléphones portables devrait être limitée. A cet égard, il a préconisé l'interdiction de la vente des téléphones portables spécifiques aux enfants.

Il a ensuite déclaré qu'Internet fait éclater l'univers médiatique et remet en cause le journalisme traditionnel. Bien que des informations très intéressantes soient diffusées sur Internet, il est aussi le lieu où les accusations calomnieuses et la théorie du complot font florès, particulièrement auprès des jeunes.

Il s'est inquiété enfin de la violence dans les nouveaux médias. Par le biais des jeux vidéo guerriers et sanglants, des images brutales et pornographiques sur Internet, les nouveaux médias mettent la violence à portée de tous, et notamment des plus jeunes. Si les analyses psychologiques et sociologiques montrent que l'impact du spectacle de la violence physique est relativement faible, notamment grâce aux messages pédagogiques délivrés par les familles et les institutions, les risques de la pornographie, qui tend à modifier les comportements sexuels des adolescents, sont mis en avant par de nombreux experts. Sur cette question, il a déclaré que la réponse passe en partie par la maîtrise des contenus et suggéré que les institutions créent une instance de régulation d'Internet.

a ensuite relevé que la protection des mineurs dans les médias traditionnels fait l'effet d'un mille-feuilles juridique et administratif. Quatre structures sont en effet chargées du contrôle de la presse, des supports vidéo, du cinéma et enfin de la télévision, alors qu'aucune n'existe pour Internet. La maîtrise d'Internet est pourtant possible grâce au développement des logiciels de contrôle parental, de plus en plus efficaces, qui contiennent soit des listes blanches réunissant des sites autorisés, soit des listes noires interdisant l'accès à un certain nombre de sites. La protection de l'enfance peut également être améliorée sur la télévision mobile personnelle et les sites de vidéo à la demande.

Afin de définir des règles communes de protection pour l'ensemble des médias, anciens et nouveaux, le rapporteur a proposé la création d'un organisme en charge de la protection de l'enfance sur les médias, qui se substituerait à l'ensemble des commissions existantes, et dont la composition serait élargie à la société civile.

Il a appelé de ses voeux, en outre, un renforcement de la coopération européenne et internationale du fait du caractère transnational d'Internet, notamment sur la constitution des listes noires.

Néanmoins, reconnaissant les limites des solutions techniques, il a insisté sur le renforcement de l'éducation aux médias.

Remarquant qu'en dépit de l'arrivée de la radio, de la télévision et aujourd'hui d'Internet, le modèle de l'éducation ayant pour support privilégié le livre imprimé n'a pas évolué, il a estimé que l'éducation aux nouveaux médias permettrait d'apprendre aux enfants à adopter une distance critique vis-à-vis des informations délivrées par les médias, de motiver les élèves, de consolider leurs capacités d'analyse et de renforcer leur engagement citoyen. Bien que prévue dans les programmes, elle n'est aujourd'hui que peu pratiquée en raison des contraintes horaires, mais aussi de son caractère facultatif.

Afin de remédier à ces insuffisances, M. David Assouline a proposé :

- de conforter l'action du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), en stabilisant ses moyens ;

- de renforcer le rôle des professeurs documentalistes, qui sont aujourd'hui, plus des documentalistes que des professeurs ;

- la mise en place d'un module de 10 heures annuelles d'éducation aux médias en quatrième et en seconde, animé par les documentalistes ;

- l'utilisation prioritaire des nouveaux médias comme support pédagogique dans les cours d'éducation civique ;

- et enfin le recentrage des brevets informatique et internet (B2i) sur l'usage des nouveaux médias.

Enfin, il a émis le souhait que l'ensemble de la société soit mobilisée sur le thème de l'éducation aux médias, notamment les médias eux-mêmes et les familles.

Regrettant la suppression de l'émission « Arrêt sur images », il a émis le voeu que la télévision publique programme une émission hebdomadaire de décryptage des médias. L'information du téléspectateur, notamment sur la source des images diffusées, doit également être améliorée sur l'ensemble des chaînes.

Enfin, M. David Assouline a évoqué l'indispensable responsabilisation des familles et la diffusion de messages clairs sur l'intérêt de la mise en place des logiciels de contrôle parental.

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