Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Réunion du 22 octobre 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à la nomination de rapporteurs.

Elle a nommé :

Debut de section - Permalien
Philippe Richert rapporteur de sa proposition de loi n° 17

2008-2009), concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'Etat ;

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

sur la proposition de loi n° 19 (2008-2009) de M. Yves Détraigne, visant à encadrer la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association et sur sa proposition de loi n° 20 (2008-2009) tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Puis la commission a entendu Mme Monique Papon et M. Pierre Martin sur le rapport d'information du groupe de travail relatif à la scolarisation des jeunes enfants.

A titre liminaire, Mme Monique Papon, rapporteur, a rappelé qu'elle avait été chargée par la commission, ainsi que M. Pierre Martin, d'animer un groupe de travail sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Elle a tenu à remercier les membres du groupe de travail qui ont participé également à cette réflexion, dont elle s'est félicitée du caractère passionnant.

Elle a indiqué que le groupe de travail avait procédé à plus de vingt-cinq auditions afin d'entendre l'ensemble des points de vue sur cette question controversée de la scolarisation précoce, et qu'il avait visité une classe de très petite section dans une école maternelle située en ZEP à Gennevilliers.

Elle a estimé, tout d'abord, que les travaux du groupe de travail avaient permis de dresser un bilan mitigé, sur les conditions d'accueil et pour l'intérêt de l'enfant, de la scolarisation des moins de trois ans qui plus renvoie davantage à une donnée historique liée au développement de l'école maternelle dans les années 1970-1980, dans un contexte de baisse démographique, qu'à une politique volontariste en la matière.

La France est le seul pays, avec la Belgique, à accueillir des enfants dans un cadre scolaire à partir de l'âge de deux ans. Cette exception française trouve son fondement dans l'histoire de la politique éducative dans notre pays. La France a très tôt fait le choix d'une structure préscolaire placée à la fois sous le contrôle de l'Etat et sous l'égide du ministère en charge de l'instruction. Ce choix historique permet de comprendre les enjeux qui se nouent autour de l'école maternelle et de la scolarisation des jeunes enfants, quasiment d'ordre culturel, l'école maternelle exerçant aujourd'hui un rôle emblématique de passerelle entre la famille et l'école élémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

a relevé pour sa part que la cartographie du taux de scolarisation à deux ans était également marquée par de fortes disparités territoriales : il est élevé en Bretagne, dans le Nord, dans le Massif central et les Pays de la Loire, mais faible en Ile-de-France, en Alsace et dans le Sud-Est ; ces inégalités sont anciennes et tendent à perdurer malgré la baisse du niveau de scolarisation des moins de trois ans.

A la rentrée 2007, les taux de scolarisation à deux ans les plus élevés étaient ceux se rencontrent dans les académies de Lille : 53,1 % et de Rennes : 50,4 %, a contrario, en France métropolitaine, l'académie de Paris ne scolarise que 5,8 % des enfants de moins de trois ans, celles de Créteil et de Strasbourg 7,8 % ; pour une même académie, on constate de forts contrastes entre départements.

Il a ajouté que les disparités territoriales n'avaient pas d'explication satisfaisante car elles peuvent être liées à des données démographiques, à un faible taux d'équipement en crèches collectives, à la concurrence exercée par l'enseignement privé, comme dans l'académie de Rennes. Pour lui, elles résultent majoritairement de données locales inscrites dans le long terme qui conjuguent plusieurs facteurs.

Le rapporteur a indiqué qu'au-delà de ce panorama général, les auditions du groupe de travail avaient permis de constater que les conditions actuelles de la scolarisation des jeunes enfants étaient l'objet de critiques émanant de l'ensemble des acteurs, au sens large, du système éducatif. Le fonctionnement de l'école maternelle ne semble pas adapté à cette tranche d'âge, les critiques portant surtout sur les effectifs des classes, l'adaptation des locaux, la souplesse des horaires, le niveau d'encadrement ou l'adéquation de la formation des personnels. Elles sont notamment formulées par les enseignants eux-mêmes. Les défenseurs d'une scolarisation précoce soulignent que ce dispositif n'a pas vocation à s'adresser à tous les enfants de deux ans.

a déclaré que la réflexion du groupe de travail avait été guidée par l'attention particulièrement portée au respect des rythmes et des besoins du jeune enfant, résumé par l'expression de Mme Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants, « respecter le temps du bébé ». L'école maternelle apparaît peu adaptée à la tranche d'âge des deux-trois ans, marquée par une grande hétérogénéité physiologique et psychique.

Il a souligné que le groupe de travail avait notamment été alerté par les conséquences néfastes d'une scolarisation trop précoce en matière d'acquisition du langage à un moment-clé du développement de l'enfant qui nécessite une interaction forte avec les adultes.

Le groupe de travail s'est également interrogé sur le bénéfice scolaire retiré par ces enfants scolarisés dès l'âge de deux ans, le dispositif étant d'abord considéré comme devant favoriser la réduction des inégalités sociales et la prévention de l'échec scolaire.

Les enquêtes les plus récentes, conduites par les services du ministère de l'éducation nationale, semblent montrer que les effets positifs d'une scolarisation avant trois ans sont en fait limités et que l'avantage, lorsqu'il existe, n'est pas durable. En effet, c'est au cours de la scolarité élémentaire que cet avantage s'érode, même si les enfants entrés à l'école maternelle à deux ans redoublent un peu moins souvent. L'écart de réussite n'est significatif qu'entre les enfants scolarisés à trois ans et ceux entrés à l'école maternelle plus tardivement.

Paradoxalement, ce sont les enfants de milieux très favorisés et ceux issus de populations immigrées qui profitent le plus d'une scolarisation dès deux ans. Cependant, l'allongement de la scolarisation préélémentaire ne permet pas de réduire les écarts préexistants, liés au trimestre de naissance ou à l'appartenance sociale.

Il a rappelé que l'école maternelle à la française faisait figure d'exception au sein des systèmes éducatifs européens, sans que les résultats en termes de réussite scolaire de nos voisins européens en pâtissent.

Par ailleurs, il a relevé que les académies de Rennes et de Grenoble détenaient les taux de réussite au baccalauréat les plus élevés, alors qu'elles divergeaient fortement sur le plan de la scolarisation des moins de trois ans.

Le rapport d'information décrit ensuite le dispositif des structures-passerelle qui reposent sur un partenariat engagé au plan local entre différents acteurs de la petite enfance. Ces initiatives, qui visent à faciliter le passage de la famille à l'école maternelle en accompagnant les parents dans cette démarche, se manifestent dans des secteurs géographiques défavorisés et s'adressent prioritairement à des enfants n'ayant pas fréquenté de structure d'accueil collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

a indiqué qu'à l'issue de ses travaux, le groupe de travail avait acquis la conviction que les conditions actuelles de la scolarisation des jeunes enfants, qui font l'objet de critiques de l'ensemble des acteurs, au sens large, du système éducatif, mais aussi l'intérêt de l'enfant qui a guidé sa réflexion, devaient conduire à s'écarter progressivement d'un tel dispositif.

Elle a proposé de constituer un pôle autour de l'accueil de la petite enfance, fondé sur une approche chronologique du temps de l'enfance. Il s'agit de destiner en priorité les établissements d'accueil de type crèche collective et familiale aux seuls bébés, de promouvoir de nouvelles structures d'accueil éducatives pour les jeunes enfants âgés de deux ans et plus et d'assurer une scolarisation réussie des enfants à partir de trois ans révolus dans l'année civile.

Après avoir considéré la nécessité d'harmoniser les différents dispositifs en développant les relations entre des partenaires de formations et de cultures professionnelles différentes, Mme Monique Papon, rapporteur, a souhaité que l'ensemble des parties prenantes à la mise en oeuvre des modes de garde élaborent au niveau national une charte de qualité pour l'accueil des tout-petits, qui permette de définir les conditions d'un accueil adapté et sécurisant.

Le groupe de travail suggère en outre de mieux organiser l'information sur les modes de garde et d'accueil, en considérant les besoins spécifiques de chaque tranche d'âge et en accompagnant les parents dans leur démarche, afin d'éclairer leur choix entre les diverses modalités de prise en charge des enfants.

La réflexion engagée par le groupe de travail conduit à proposer la création d'un lieu d'éducation et d'éveil destiné aux enfants de deux à trois ans, conçu comme structure intermédiaire originale répondant à un cahier des charges précis. Ce lieu, qui précéderait l'entrée à l'école maternelle, pourrait prendre la dénomination de « jardin d'éveil » et s'inscrirait dans le cadre de la politique familiale comme un nouveau service public.

Le « jardin d'éveil » doit pouvoir offrir un programme centré sur le jeu, des effectifs réduits, de l'ordre de quinze enfants pour un adulte, et un personnel formé aux spécificités des jeunes enfants, les éducateurs de jeunes enfants, avec une souplesse de fonctionnement.

Les écoles maternelles pourraient mettre à disposition des locaux existants déjà partiellement aménagés et autoriser l'utilisation conjointe de certains lieux. Les « jardins d'éveil » devraient être en priorité adossés aux écoles maternelles.

Le groupe de travail propose en outre que la politique tarifaire de cette nouvelle structure fasse l'objet d'une attention particulière à l'égard des foyers bi-actifs.

Puis elle a suggéré que la décision de scolarisation de l'enfant fasse l'objet d'un avis élaboré au sein de la communauté éducative, tenant compte de l'épanouissement et du développement de l'enfant, dans une approche de continuité éducative avec l'école maternelle.

Par ailleurs, elle a souligné qu'il importait de conforter le rôle de première école qui est au coeur de la mission de l'école maternelle, dans le respect des nouveaux programmes pour l'école primaire, élaborés en 2008, qui prévoit une scolarité préélémentaire en trois années.

Le groupe de travail suggère enfin, dans le cadre de la réforme du recrutement et de la formation des enseignants, qui doit s'appliquer en 2010, de renforcer les compétences nécessaires à l'enseignement en école maternelle, la formation professionnelle pour ce niveau d'enseignement étant en effet aujourd'hui jugée insuffisante, voire inexistante.

Un débat a suivi cet exposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

a souligné, outre son caractère audacieux, le fait que le rapport d'information prenait en considération l'intérêt de l'enfant au regard des conditions d'accueil en milieu scolaire et de la diversité territoriale de cet accueil en France. Tout en qualifiant de séduisante et intéressante la proposition du groupe de travail de créer des jardins d'éveil, elle en a réfuté certains effets, jugés « aventureux ».

Elle a dénoncé ainsi la remise en cause du caractère gratuit mais aussi de la tutelle du ministère de l'éducation nationale sur l'accueil des enfants de moins de trois ans. Elle a exhorté l'Etat à ne pas se désengager de sa responsabilité régalienne en matière de pédagogie.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

a fait observer que les inégalités existantes en matière de scolarisation précoce devraient être le point de départ de toute réflexion. Elle a rappelé la nécessité de garantir un égal accès à cet accueil sur l'ensemble du territoire.

Elle a également souligné que les auditions du groupe de travail dont elle était membre avaient permis, au-delà des critiques, de constater les bienfaits d'une scolarisation dès le plus jeune âge, au regard notamment de l'acquis du langage comme facteur déterminant sur l'apprentissage des autres connaissances.

Elle a considéré que la confusion entre garde et éducation permettait de remettre en question l'organisation actuelle de l'école maternelle, de même que l'absence de proposition d'abaissement de l'obligation scolaire à 3 ans.

Enfin, après avoir fait observer que la proposition du groupe de travail transférait aux collectivités territoriales la responsabilité et le coût de l'accueil des jeunes enfants, sans permettre une égalité d'accès en termes de moyens, elle a indiqué qu'elle ne partageait pas les conclusions de ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

a relevé, tout d'abord, que l'obligation scolaire à trois ans deviendrait un jour une réalité. Tout en rappelant que la politique de la petite enfance était plus incitative en France que dans les autres pays européens, il a souligné que le mot « scolarisation » était à l'origine du débat actuel. Il s'est prononcé pour le maintien de la scolarisation dès deux ans pour les enfants issus des familles les plus en difficulté, notamment pour des raisons sociales ou linguistiques.

Après avoir précisé que la réponse apportée devait être fonction de la maturité de chaque enfant, il a regretté que la proposition d'un nouveau service public, intitulé « jardin d'éveil » fasse apparaître une rupture au regard du caractère propre de l'école maternelle.

s'est également interrogé sur la garantie d'une couverture exhaustive de l'ensemble du territoire et sur le statut des personnels recrutés.

Il a considéré, enfin, que si les conclusions du groupe de travail devaient conduire à une remise en cause du principe de gratuité inhérent à l'école maternelle et à une participation financière accrue des familles, il ne pouvait les partager.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucienne Malovry

a estimé que l'accueil des enfants de deux ans nécessitait de disposer d'un personnel spécialisé et d'un cadre adapté aux besoins spécifiques de cette tranche d'âge. Elle a estimé que l'enfant devait attendre l'âge de trois ans avant d'entrer dans le système scolaire qui repose sur un certain nombre de contraintes et d'exigences, la possibilité de déroger à cette règle étant réduite à quelques exceptions pour lesquelles le milieu scolaire offre un cadre sécurisant que n'apporte pas la sphère familiale.

Elle s'est montrée réticente à ce projet de « jardin d'éveil », compte tenu de la nécessité de préserver la qualification et le niveau d'encadrement des établissements d'accueil du jeune enfant, tout en se déclarant favorable à l'abaissement de l'obligation scolaire à trois ans. Elle a préconisé la présence d'un agent territorial spécialisé d'école maternelle (ATSEM) par classe.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

a fait part de son opposition à la proposition du groupe de travail de créer une nouvelle structure, qui constituerait une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales, en premier lieu les communes, alors qu'elles sont actuellement confrontées au désengagement des caisses d'allocations familiales en matière de financement des activités extra-scolaires.

Il a souligné également l'ambiguïté du débat qui se situe entre mode d'éducation et mode de garde, l'école maternelle étant alors considérée comme un substitut à la garde d'enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

a fait part de son expérience de directrice d'école maternelle en ZEP. Elle a considéré que les éléments du rapport d'information apportaient une réponse de type mode de garde, alors que les enfants âgés de deux ans sont extrêmement peu nombreux en école maternelle, compte tenu de la mise en oeuvre d'une politique dissuasive en matière d'accueil des jeunes enfants.

Abordant la question de l'école dans les quartiers difficiles, elle a estimé que le rôle de l'école maternelle était de prendre en considération de façon précoce les difficultés sociales, psychologiques et d'attention de certains enfants.

Elle a considéré également que la classe de très petite section jouait un rôle déterminant dans l'acquisition du langage et permettait la réalisation d'un travail dont l'incidence serait visible au cours de la scolarité.

Elle a relevé, par ailleurs, que les familles de milieux défavorisés étaient peu disposées à envoyer leurs enfants dans des structures collectives autres que l'école maternelle.

Pour conclure, elle a demandé de ne pas supprimer, pour tous et partout, la possibilité d'accueillir dès deux ans les enfants à l'école maternelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

a rappelé que les conclusions du groupe de travail participaient d'un débat public qui nécessitait une réflexion conjointe des ministères de l'éducation et de celui des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Martin, rapporteur, a souligné que les nombreuses remarques démontraient l'intérêt porté aux conclusions du rapport. Il a précisé que la proposition principale avait pour objet de répondre à la baisse du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans par une adaptation audacieuse du système d'accueil qui tienne compte des évolutions de notre société.

Le financement de cette nouvelle structure reposerait sur un partenariat entre les différents acteurs concernés qui implique notamment la branche famille de la sécurité sociale écartant ainsi un transfert automatique vers les collectivités territoriales. Il a fait remarquer d'une part, que les parents ont été contraints de trouver des solutions d'accueil pour leurs enfants en dehors du champ de l'éducation nationale et d'autre part, que les communes participaient déjà au financement des écoles maternelles dans le cadre du recrutement d'agents territoriaux spécialisés d'école maternelle (ATSEM).

S'agissant de l'abaissement de l'âge de l'obligation scolaire, il a rappelé que le taux de scolarisation des enfants de trois ans était actuellement de l'ordre de 100 %.

Il a préconisé la création de cette nouvelle structure afin que les familles puissent bénéficier d'une offre de garde élargie sur l'ensemble du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

a estimé que la proposition de « jardin d'éveil » avait pour ambition de faire prendre conscience à l'ensemble des partenaires de la nécessité d'adapter l'offre de garde aux besoins spécifiques des enfants de deux à trois ans. Elle a précisé que le terme de scolarisation n'était pas approprié à cette tranche d'âge, et que la suggestion du groupe de travail s'inscrivait comme une transition vers l'école maternelle.

La commission a adopté les conclusions du rapporteur et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen votant contre.

La commission a ensuite entendu M. David Assouline sur son rapport d'information relatif à l'impact des nouveaux médias sur la jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Après avoir constaté que les rapports entre la jeunesse et les nouveaux médias cristallisent les passions, M. David Assouline, rapporteur, a souligné que l'objet de son rapport est de déterminer dans quelle mesure ces technologies mettent le poison à la portée des plus faibles, comme le déclarait Ernest Pinard à propos du livre « Mme Bovary » en 1857, et quels sont, au contraire, leurs atouts pour les jeunes d'aujourd'hui. Une cinquante de personnalités ont été auditionnées, et un blog de la mission, lancé en mai 2008, a permis de recueillir les avis des internautes, qui ont été plus de 5 000 à le consulter.

Il a ensuite insisté sur le fait que non seulement la révolution numérique est engagée, mais encore et surtout que les jeunes en sont le fer de lance, dans la mesure où ils se servent davantage des nouveaux médias que leurs parents, et bien souvent les maîtrisent mieux. Ces jeunes utilisent principalement les outils numériques pour communiquer : 60 % des 12 à 17 ans se servent ainsi de la messagerie instantanée et 30 % d'entre eux auraient un blog. Il a considéré que cette évolution est durable et qu'elle se renforcera avec la miniaturisation des équipements, et son corollaire, la convergence numérique. Le téléphone sera, à court ou moyen terme, à la fois téléphone, navigateur Internet, console de jeux et télévision.

a jugé contre-productif de regretter l'invasion des nouveaux médias et estimé nécessaire, au contraire, de réfléchir dès maintenant aux meilleurs moyens d'intégrer les pratiques numériques des jeunes pour qu'elles leur soient le plus profitable possible.

Il a, au demeurant, souligné que les bienfaits des nouveaux médias sont nombreux :

- ils permettent, en premier lieu, une libération de la parole de nombreux adolescents qui ont des difficultés à s'exprimer et à s'intégrer dans la vie réelle. Il a rappelé, à cet égard, qu'un adolescent sur quatre qui se suicident, passe à l'acte parce qu'il a du mal à assumer son homosexualité et qu'à ce titre tout lieu d'expression libre et anonyme est intéressant ;

- ils sont un facteur de socialisation. Les sites de réseaux sociaux rencontrent ainsi un succès extraordinaire. Les jeunes immigrés ou de familles divorcées peuvent, grâce à Internet, communiquer avec les membres de leur famille dont ils sont éloignés ;

- ils sont aussi des catalyseurs de compétences. Une étude britannique a démontré que la pratique des jeux vidéo développe les capacités de concentration des enfants tant qu'ils ne sont pas utilisés de manière excessive. Ils développent aussi leur habileté motrice et leur faculté d'apprendre par tâtonnement ;

- ils permettraient également aux jeunes de renforcer leurs qualités de persévérance. Loin des maux que l'on a attribués à la télévision, qui entraînerait passivité et tendance au zapping, les nouveaux médias rendraient les jeunes actifs, habiles et exigeants ;

- ils sont aussi un support culturel extraordinaire. Sans contester les torts réels que le téléchargement illégal fait au droit d'auteur, M. David Assouline a ainsi souligné que la musique n'a jamais été aussi accessible qu'avec les échanges de pair à pair. Les blogs ou certaines vidéos diffusées sur les sites de partage montrent également la vitalité de la création de la jeunesse française ;

- ils ont enfin un intérêt pédagogique certain, en valorisant des compétences et des élèves qui ne sont pas nécessairement reconnus à l'école. Le développement des tableaux numériques est, par ailleurs, une piste intéressante afin de diminuer le poids du cartable.

Il a néanmoins insisté sur le fait qu'il faut aussi admettre, dès lors que l'on reconnaît une influence à l'image et aux médias, qu'ils peuvent être dangereux et nuire à l'équilibre des jeunes téléspectateurs et internautes.

L'un des principaux risques de ces nouveaux médias est, selon lui, qu'ils entraînent un amaigrissement de la sphère de l'intime. Il a préconisé à cet égard de :

- définir juridiquement le statut des données personnelles mises en ligne sur les sites de réseaux sociaux, notamment en cas de désabonnement ;

- réglementer l'usage de la « webcam » sur les messageries instantanées ;

- et renforcer les messages d'alerte sur les plates-formes de blogs et les sites communautaires.

Evoquant ensuite l'influence néfaste de la publicité sur l'alimentation et les comportements de consommation, M. David Assouline a souhaité qu'une étude de grande ampleur soit rapidement lancée sur l'impact de la publicité à la télévision, mais surtout sur Internet, où elle est plus insidieuse, mais probablement aussi efficace.

Citant la formule d'un journaliste américain selon lequel il y a trois formes de mort : la mort cardiaque, la mort cérébrale et la déconnexion du réseau, M. David Assouline a cependant tenu à nuancer les risques de cyber-dépendance et d'addiction aux jeux vidéo. Si les risques liés à l'épilepsie ou à l'utilisation du Wifi sont faibles, l'exposition des jeunes enfants aux téléphones portables devrait être limitée. A cet égard, il a préconisé l'interdiction de la vente des téléphones portables spécifiques aux enfants.

Il a ensuite déclaré qu'Internet fait éclater l'univers médiatique et remet en cause le journalisme traditionnel. Bien que des informations très intéressantes soient diffusées sur Internet, il est aussi le lieu où les accusations calomnieuses et la théorie du complot font florès, particulièrement auprès des jeunes.

Il s'est inquiété enfin de la violence dans les nouveaux médias. Par le biais des jeux vidéo guerriers et sanglants, des images brutales et pornographiques sur Internet, les nouveaux médias mettent la violence à portée de tous, et notamment des plus jeunes. Si les analyses psychologiques et sociologiques montrent que l'impact du spectacle de la violence physique est relativement faible, notamment grâce aux messages pédagogiques délivrés par les familles et les institutions, les risques de la pornographie, qui tend à modifier les comportements sexuels des adolescents, sont mis en avant par de nombreux experts. Sur cette question, il a déclaré que la réponse passe en partie par la maîtrise des contenus et suggéré que les institutions créent une instance de régulation d'Internet.

a ensuite relevé que la protection des mineurs dans les médias traditionnels fait l'effet d'un mille-feuilles juridique et administratif. Quatre structures sont en effet chargées du contrôle de la presse, des supports vidéo, du cinéma et enfin de la télévision, alors qu'aucune n'existe pour Internet. La maîtrise d'Internet est pourtant possible grâce au développement des logiciels de contrôle parental, de plus en plus efficaces, qui contiennent soit des listes blanches réunissant des sites autorisés, soit des listes noires interdisant l'accès à un certain nombre de sites. La protection de l'enfance peut également être améliorée sur la télévision mobile personnelle et les sites de vidéo à la demande.

Afin de définir des règles communes de protection pour l'ensemble des médias, anciens et nouveaux, le rapporteur a proposé la création d'un organisme en charge de la protection de l'enfance sur les médias, qui se substituerait à l'ensemble des commissions existantes, et dont la composition serait élargie à la société civile.

Il a appelé de ses voeux, en outre, un renforcement de la coopération européenne et internationale du fait du caractère transnational d'Internet, notamment sur la constitution des listes noires.

Néanmoins, reconnaissant les limites des solutions techniques, il a insisté sur le renforcement de l'éducation aux médias.

Remarquant qu'en dépit de l'arrivée de la radio, de la télévision et aujourd'hui d'Internet, le modèle de l'éducation ayant pour support privilégié le livre imprimé n'a pas évolué, il a estimé que l'éducation aux nouveaux médias permettrait d'apprendre aux enfants à adopter une distance critique vis-à-vis des informations délivrées par les médias, de motiver les élèves, de consolider leurs capacités d'analyse et de renforcer leur engagement citoyen. Bien que prévue dans les programmes, elle n'est aujourd'hui que peu pratiquée en raison des contraintes horaires, mais aussi de son caractère facultatif.

Afin de remédier à ces insuffisances, M. David Assouline a proposé :

- de conforter l'action du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), en stabilisant ses moyens ;

- de renforcer le rôle des professeurs documentalistes, qui sont aujourd'hui, plus des documentalistes que des professeurs ;

- la mise en place d'un module de 10 heures annuelles d'éducation aux médias en quatrième et en seconde, animé par les documentalistes ;

- l'utilisation prioritaire des nouveaux médias comme support pédagogique dans les cours d'éducation civique ;

- et enfin le recentrage des brevets informatique et internet (B2i) sur l'usage des nouveaux médias.

Enfin, il a émis le souhait que l'ensemble de la société soit mobilisée sur le thème de l'éducation aux médias, notamment les médias eux-mêmes et les familles.

Regrettant la suppression de l'émission « Arrêt sur images », il a émis le voeu que la télévision publique programme une émission hebdomadaire de décryptage des médias. L'information du téléspectateur, notamment sur la source des images diffusées, doit également être améliorée sur l'ensemble des chaînes.

Enfin, M. David Assouline a évoqué l'indispensable responsabilisation des familles et la diffusion de messages clairs sur l'intérêt de la mise en place des logiciels de contrôle parental.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur à l'unanimité et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Présidence commune de M. Jacques Legendre, président, et de M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques -