Vous venez de rappeler, monsieur le ministre, les éléments essentiels de la démarche du Gouvernement et les propositions contenues dans ce projet de loi sur l'avenir de l'école.
Ce texte répond à une attente, celle des milliers de Français, de tous horizons, qui, participant à la consultation voulue par le Président de la République, se sont exprimés, au cours de 26 000 réunions publiques, sur ce qu'ils attendaient de notre école pour demain. Ce grand débat, organisé sous l'égide de la commission présidée par Claude Thélot, a permis de mobiliser la nation tout entière sur ce sujet stratégique pour son avenir, donnant ainsi tout son contenu à l'affirmation qu'il faut sans cesse répéter : l'avenir de l'école se décide aujourd'hui.
La commission des affaires culturelles a été pleinement associée à cette démarche, puisque trois de ses membres, Jean-Claude Carle, aujourd'hui rapporteur, Annie David et Monique Papon, ont activement participé à ses travaux.
Tous ces avis, toutes ces contributions ont été transcrits dans Le Miroir du débat et la commission Thélot en a fait la synthèse. Son rapport, intitulé Pour la réussite de tous les élèves, a été remis au ministre de l'éducation nationale le 6 avril dernier : c'est le message adressé par nos compatriotes aux responsables politiques que nous sommes pour une nouvelle école républicaine.
Comme l'ont indiqué le président et des membres de la commission lorsque nous les avons auditionnés, ce rapport est une expression collective et trace des pistes pour accompagner l'évolution de l'école, remédier à ses carences actuelles et, de ce fait, éclairer les rédacteurs de la future loi.
Le Gouvernement s'est immédiatement mis au travail à partir de ces propositions en élaborant ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, qui vient aujourd'hui devant la Haute Assemblée.
Je salue votre courage politique, monsieur le ministre, de vous être livré à ce difficile exercice pour synthétiser et transcender ces milliers d'avis exprimés. Il est de moins en moins facile de préparer un projet de loi de réforme de l'école et nombre de vos prédécesseurs ont reculé devant les réactions, les manifestations ou les grèves suscitées par leurs projets. L'histoire nous montre que l'acte de légiférer sur l'école - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - ne se produit que tous les quinze ans : Jules Ferry en 1881, Marcel Astier en 1919, Michel Debré en 1959, René Haby en 1975 et Lionel Jospin en 1989...
Cependant, nous ne pouvions négliger la situation difficile de notre école, décevoir l'espoir de nos concitoyens, qui se sont exprimés et ont, en quelque sorte, passé commande pour une école rénovée : éduquer et former notre jeunesse en donnant à chacun sa chance et en s'efforçant de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Il s'agit, non pas d'une révolution, mais d'une nécessaire évolution souhaitée par tous. Nous avons, à partir d'un constat, l'obligation, l'impérieuse nécessité, avec réalisme et fermeté, de porter remède aux dysfonctionnements de l'école et de la projeter dans le XXIe siècle.
C'est ce à quoi vous vous êtes attaché, et, par votre projet, le « contrat France 2005 », vous avez le mérite de proposer des solutions à ce constat d'échec qui sanctionne notre système scolaire.
Il est, en effet, insupportable que 150 000 jeunes quittent l'école négativement, sans formation de base, sans qualification et, de ce fait, sans réelle chance d'insertion professionnelle et sociale.
La perception par les jeunes de cette absence d'avenir entraîne des dérives publiques tout à fait regrettables, même si, le plus souvent, elles sont amplifiées, voire exploitées. Il n'en demeure pas moins que la jeunesse exprime sa perception des difficultés réelles du présent et ses inquiétudes tout aussi réelles pour l'avenir.
La communauté nationale, tout particulièrement celle des adultes, a une responsabilité majeure dans ce domaine.
Quatre orientations se sont dégagées du débat national, quatre défis prioritaires pour l'école de demain, qui sont des chantiers incontournables.
La référence à l'égalité des chances ne suffit plus ; il faut l'organiser, et vous vous y efforcez, monsieur le ministre, d'une façon qui est non plus incantatoire mais concrète, en vous attaquant aux racines profondes de cette situation.
Notre système éducatif, a, en fait, peu évolué au cours des décennies précédentes.
Il est vain de penser que tous les enfants, à situation sociale comparable, peuvent atteindre des niveaux scolaires, voire universitaires, identiques : peut-on imaginer que tous les enfants, tous les adolescents, tous les adultes, pour prendre l'image du sport, aient la même capacité à courir, sauter, jouer au football avec le même talent et atteindre les performances des meilleurs et des plus doués ?
L'évocation de l'égalité de tous les individus par rapport à la performance est une tromperie, sauf à tirer vers le bas l'ensemble et, par conséquent, à pénaliser les meilleurs.
En revanche, il est de notre devoir impérieux de mettre en place tous les systèmes utiles pour faire émerger tous les talents dont l'épanouissement peut être contrarié par l'origine sociale ou par l'aptitude même des enfants, qui est plus ou mois facile à révéler et à mettre en valeur.
Il faut ouvrir l'école au plus grand nombre, organiser l'émergence des talents, soutenir les plus défavorisés ou les plus fragiles...