Intervention de Annie David

Réunion du 15 mars 2005 à 16h00
Avenir de l'école — Discussion générale

Photo de Annie DavidAnnie David :

Des mots, encore des mots !

J'en viens à l'aspect démagogique de votre texte, monsieur le ministre, lorsque vous chiffrez le coût de certaines des réformes annoncées, telles que la multiplication des unités pédagogiques d'intégration, les UPI, ou des dispositifs relais.

Où comptez-vous prendre l'argent, sinon par redéploiements internes ? Ces derniers ne pourront se faire qu'au prix de dégradations dans d'autres secteurs, comme le montrent les nombreuses suppressions de postes auxquelles vous procédez en ce moment et que vous programmez encore dans le projet de budget pour 2006.

D'ailleurs, toutes les mesures que vous chiffrez sont annoncées comme étant inscrites « dans la limite des crédits ouverts chaque année par la loi de finances ». C'est une sage précaution quand on connaît quelque peu les évolutions de la loi de finances !

Nous l'avions bien compris, il s'agit non pas d'une programmation de moyens, mais uniquement d'un affichage permettant de mesurer la hauteur des redéploiements envisagés, redéploiements dont nous craignons qu'ils ne se fassent au détriment de l'éducation prioritaire, notamment des zones d'éducation prioritaires, les ZEP, sur lesquelles vous êtes peu disert dans votre projet de loi !

En réalité, ce que vous organisez, c'est le renforcement d'une école ségrégative, l'école du tri social et de la fabrication d'une main-d'oeuvre adaptée aux besoins de l'économie, telle que la préconisent le MEDEF et les textes en provenance de Bruxelles. A tel point d'ailleurs que, à certains égards, on pourrait croire que vous avez procédé à un exercice pratique de ces nouvelles technologies que nous voulons enseigner à nos jeunes : je veux parler de la fonction « copier-coller »...

Tout autre est notre conception de la transformation - que nous affirmons nécessaire - de notre système éducatif.

Ce que nous proposons - et nous vous suggérons d'en débattre sérieusement -, c'est une série de mesures véritablement novatrices visant à construire une école de l'égalité, de la justice et de la réussite scolaire pour tous les jeunes. Ces mesures sont énumérées et justifiées dans une proposition de loi que nous avons déposée voilà quelques jours. En cet instant, et pour conclure mon propos, je me contenterai de souligner les grands axes qui la structurent.

Contrairement à l'objectif que vous fixez d'un « savoir minimum » pour une partie importante de la jeunesse, nous proposons que tous les jeunes, quelles que soient leurs origines sociales, culturelles ou géographiques, puissent accéder à la maîtrise des savoirs, des connaissances et des compétences, constituant une culture commune de haut niveau, riche, équilibrée, diversifiée, porteuse de valeurs de progrès et de libération humaine. Cette culture doit permettre à chacune et à chacun d'entre eux de donner un sens à leurs études et leur apporter les outils intellectuels pour développer leur personnalité, pour apprendre un métier, un métier choisi et non pas imposé sur la base de l'orientation par l'échec, et, enfin, de développer une citoyenneté responsable et active.

En clair, nous souhaitons que chaque jeune puisse retrouver confiance en un avenir meilleur ! Et nous voulons donner au système éducatif et à la nation les moyens d'atteindre cet objectif ambitieux !

Dans cette perspective, nous préconisons une scolarité obligatoire de trois à dix-huit ans, intégrant donc notre école maternelle comme premier cycle de l'école primaire, obligation étant faite à l'Etat d'assurer la scolarisation de tous les enfants de deux ans, lorsque les familles en font la demande.

Mais pour lutter véritablement contre l'échec scolaire, il sera nécessaire de transformer les structures et le fonctionnement même du système éducatif, le contenu des programmes, la formation des enseignants et des autres personnels qui assument, toutes et tous, des missions éducatives.

Ainsi, nous proposons de libérer l'initiative pédagogique des personnels et de l'associer, dans chaque établissement scolaire, à un Conseil scientifique et pédagogique, organisme indépendant de la direction de l'établissement et composé de personnels, de parents, d'élèves, d'élus, organisme dont la responsabilité principale consisterait à établir des diagnostics sur la nature des difficultés rencontrées par les élèves et à élaborer des solutions, collectives et individuelles, pour y répondre.

Dans le même ordre d'idées, nous proposons de créer des « observatoires des scolarités » à l'échelon des départements et des régions, ainsi qu'une structure sur le plan national, qui pourrait se confondre avec le Haut conseil de l'évaluation de l'école, dont nous demandons le maintien.

Sur le plan national, nous proposons également de mettre en place un « fonds national de lutte contre les inégalités à l'école », car il y a beaucoup à faire dans ce domaine pour toute politique sérieuse de lutte en faveur de la réussite scolaire de tous les jeunes.

Afin de renforcer la compétence professionnelle des personnels enseignants, nous proposons de porter à deux ans la durée de leur formation professionnelle initiale en Institut universitaire de formation des maîtres, ou IUFM. Si l'on tient compte de l'année de préparation au concours d'entrée, la durée totale de la formation serait de trois ans.

En outre, nous proposons que soient organisés des prérecrutements dès le niveau du baccalauréat, tels qu'ils existaient autrefois dans le cadre des Instituts de préparation aux enseignements du second degré, les IPES, afin de favoriser l'entrée dans les carrières de l'enseignement à des jeunes issus des milieux populaires.

Dans la même logique de développement de l'initiative et d'innovation pédagogique, nous proposons que soit renforcée la formation continue de tous les personnels et que cette dernière soit conçue non seulement comme un droit, mais aussi comme une obligation au service de la réussite de tous, et qu'elle soit donc assurée sur le temps de travail.

Nous pensons que la formation et l'éducation des élèves relèvent de la « responsabilité partagée » école-famille-société. Dans ce cadre, nous proposons le renforcement du rôle de chacun des partenaires afin de leur permettre d'assumer au mieux leur responsabilité propre, en concertation avec les autres.

C'est pourquoi nous souhaitons que le statut de parent délégué, qui avait été créé par la loi d'orientation sur l'éducation de 1989 - mais il n'a jamais été appliqué, comme chacun sait ! - soit mis en application et renforcé.

De même, nous proposons l'élaboration d'un statut de « citoyen en formation » s'appliquant aux élèves, avec des droits reconnus, par exemple, pour l'exercice d'une activité syndicale ou politique dans les lycées.

Enfin, nous souhaitons que soit transformé radicalement le mode de gestion du système éducatif par l'introduction du principe de la double légitimité. Ce principe est simple : pour être validé, tout texte réglementaire nouveau doit recevoir, au préalable, l'approbation des deux instances légitimes et compétentes, l'instance des élus de la nation et l'instance de concertation compétente.

Comme vous le voyez, contrairement à la perspective autoritariste et de renforcement des pouvoirs hiérarchiques qui caractérise votre projet de loi, monsieur le ministre, nous nous situons dans une perspective de développement de la démocratie participative, seule susceptible de permettre l'adhésion des acteurs du système éducatif à un projet de transformation progressiste de l'école.

Par cette proposition de loi, nous souhaitons, avec toutes celles et tous ceux qui en ont la volonté, ouvrir une réelle alternative au libéralisme, qui puisse répondre aux aspirations citoyennes et contribuer, par là même, à la construction d'une autre société à finalité humaine !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi !

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