Intervention de Bernard Seillier

Réunion du 15 mars 2005 à 16h00
Avenir de l'école — Discussion générale

Photo de Bernard SeillierBernard Seillier :

Il doit être imité ! En pédagogie, comme dans toutes les sciences, c'est l'expérience qui est le critère décisif.

Depuis cinquante ans, le fonctionnement du cerveau a fait l'objet d'études minutieuses qui ont vérifié le bien-fondé des méthodes traditionnelles, au demeurant toujours perfectibles. La formation des maîtres doit comporter cette connaissance du fonctionnement du cerveau, qui a besoin d'aller du simple au complexe, d'associer d'abord des voyelles et des consonnes, puis des mots composés de plusieurs syllabes simples, etc.

De plus, l'apprentissage de notre langue doit être un moyen pour nos enfants de s'ouvrir à l'immense et passionnante question de la francophonie.

Quant aux échecs en matière d'apprentissage des langues étrangères, je suis convaincu qu'ils sont largement dus à une connaissance insuffisante du français et de la grammaire française : le refus de la grammaire systématique et de la vérification de la compréhension par l'exercice de la traduction fait que les enfants sont noyés, et l'apprentissage d'une langue étrangère leur apparaît comme un exercice irrationnel.

A l'image de ce qui se pratique dans plusieurs autres pays européens, le projet de loi propose une mesure essentielle pour réduire les inégalités, à savoir la mise en place d'un socle commun de connaissances et de compétences indispensables que tous les élèves devront avoir acquises à la fin de leur scolarité obligatoire.

Le projet de loi vise non pas à resserrer les exigences de l'école sur un bagage commun minimal, mais à instaurer une obligation de résultats qui bénéficie à tous et qui permette à chacun de développer ses talents et d'atteindre ses objectifs personnels et professionnels.

Le Haut conseil de l'éducation est chargé de définir le contenu de ce bagage commun. Je souhaite que le Parlement ait aussi son mot à dire sur la question.

L'école primaire et le collège ont l'une et l'autre un rôle à jouer dans les acquisitions fondamentales. Il me semble essentiel qu'un enfant ne puisse passer en classe de sixième qu'à la condition de savoir écrire, lire et compter. Or tel n'est pas le cas actuellement. Il n'est que d'entendre les doléances des professeurs de l'enseignement secondaire pour constater qu'ils sont, dans de nombreuses circonstances et quelle que soit leur discipline, obligés de revenir à l'enseignement de notions élémentaires réputées acquises à l'entrée en sixième. Cela crée des situations insolubles dans les classes très hétérogènes du collège unique.

L'idée du programme personnalisé de réussite scolaire me semble excellente, à condition que le redoublement soit obligatoirement imposé à la fin de chaque cycle si les connaissances fondamentales ne sont pas acquises.

L'acquisition de connaissances clairement définies est essentielle. Il est grand temps de rompre avec cet incessant remaniement des programmes et des cursus, source d'angoisse et d'effacement des repères, tant pour les élèves que pour les enseignants.

Le principe de la liberté pédagogique des enseignants est clairement affirmé dans la loi. Chaque enseignant pourra adapter ses méthodes à la classe et aux élèves. L'enseignant est celui qui connaît le mieux ses élèves et celui qui peut le mieux tenir compte de leur diversité. C'est dans la classe que la liberté pédagogique, l'autorité et la responsabilité de chaque enseignant sont pleinement engagées et s'articulent les unes par rapport aux autres.

A cet égard, il serait essentiel que la liberté pédagogique soit utilisée pleinement, pourquoi pas au sein d'établissements expérimentaux, en particulier pour lutter contre le fléau de l'illettrisme.

Ces objectifs ne peuvent être atteints que sous l'autorité des enseignants et avec l'appui des parents, sous réserve que les notions d'effort et de travail soient réhabilitées. C'est pourquoi l'autorité du chef d'établissement, celle du directeur dans son école, celle de l'enseignant dans sa classe doivent être réaffirmées.

S'il est souhaitable de faciliter la présence des parents dans les instances de vie scolaire, il faut éviter toute confusion des rôles : il appartient aux seuls professeurs de procéder à l'évaluation et à la validation des acquis. Toutefois, le lien avec les familles est très important dans le primaire. Les parents doivent être sensibilisés aux conditions indispensables de la réussite scolaire : hygiène de vie, sommeil, calme, petit-déjeuner, danger des médias pour les petits. Mais, par rapport aux familles, l'école ne joue qu'un rôle subsidiaire dans l'éducation. La décomposition, de plus en plus fréquente hélas ! de la famille, cellule de base de la société, crée dans les établissements scolaires des situations que les professeurs n'ont pas les moyens de résoudre.

L'autorité des enseignants doit être restaurée, tout particulièrement sur la question du redoublement. Aujourd'hui, dans le secondaire, les parents peuvent faire appel de la décision de redoublement, et, dans le primaire, former un recours motivé devant l'inspecteur d'académie.

Ce projet de loi clarifie les rôles de chacun : le redoublement pourra être prononcé, dans le primaire, par le conseil des maîtres, et, dans le secondaire, par le conseil de classe, la décision finale appartenant au chef d'établissement et l'avis des parents n'étant que consultatif. Si la procédure est clarifiée, il n'en demeure pas moins que l'objectif est bien d'éviter le redoublement.

La proposition visant à créer un Haut conseil de l'éducation est excellente. Des sujets essentiels pourraient alimenter les travaux de cette instance, comme, par exemple, s'agissant du cas délicat de l'éducation dite affective et sexuelle, le lien entre la famille et l'école. Le Haut conseil de l'éducation pourrait aussi mener une réflexion approfondie sur la laïcité et ses différentes conceptions. En effet, des débats sont actuellement conduits de manière anarchique sur la place de la religion à l'école. Une autorité telle que le Haut conseil doit se pencher sur ce problème pour apporter l'éclairage indispensable aux questions que peut soulever, notamment, une interprétation arbitraire de l'Islam.

L'école est fondée non seulement sur la transmission de la culture et des savoirs, mais aussi sur l'acquisition des droits et des devoirs qu'impose la vie en société. Le règlement intérieur est la loi interne de la communauté scolaire ; il doit être commenté et constitue un vrai tremplin pédagogique pour l'instruction civique.

Je souhaiterais souligner aussi l'importance de deux matières fondamentales, à savoir l'histoire et l'éducation physique. L'histoire, celle de la France notamment, permet de savoir d'où l'on vient pour choisir et construire son avenir personnel et collectif. Il est nécessaire, pour intéresser les élèves, de leur proposer des récits édifiants et de leur parler de personnages admirables : les grands hommes dont, pour certains, il a été question ici même hier, des héros et des saints qui ont toujours fourni le socle sur lequel se construit toute personnalité.

Il est essentiel de promouvoir également l'éducation physique, aussi indispensable à l'éveil et à la construction de la personnalité des enfants que les disciplines intellectuelles. Je me félicite, monsieur le ministre, que, au cours des débats à l'Assemblée nationale, vous ayez réaffirmé que l'éducation physique et sportive, dont l'enseignement est obligatoire à tous les niveaux, joue un rôle fondamental dans la formation de l'élève et dans son épanouissement personnel. L'éducation physique est en effet, dès le plus jeune âge, un élément fondamental, voire irremplaçable, dans le développement de l'enfant et de l'adolescent. De plus, elle présente un intérêt notable pour la santé des enfants. Elle permet de lutter contre la sédentarité et constitue de ce fait le meilleur moyen de prévention de l'obésité. Rappelons que l'obésité touche aujourd'hui un enfant âgé de dix ans sur dix et que ce chiffre a été multiplié par quatre à cinq depuis les années soixante.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais soulever un point qui me tient à coeur en tant que maire : l'accueil des enfants de deux ans. Celui-ci constitue certes une dimension de la politique familiale, mais il permet aussi d'offrir une solution à des couples qui doivent concilier vie familiale et vie professionnelle. Le taux moyen national de scolarisation en maternelle à deux ans est de 35 % ; il est de plus de 50 % dans les départements ruraux. La scolarisation d'un enfant de deux ans résulte non pas seulement d'un choix économique, mais aussi du choix de l'école pour l'école. Depuis des années, l'amélioration de la qualité des écoles rurales et de celle de leur fonctionnement passe aussi par le renforcement de l'accueil des plus jeunes enfants. Je souhaiterais que le Gouvernement tienne compte de cet élément essentiel dans l'évaluation du nombre de postes nécessaires.

Par conséquent, des questions aussi fondamentales que celles qui sont soulevées ici pourraient opportunément faire l'objet d'un référendum, ainsi que l'avait souhaité Jacques Chirac en 1995. En effet, il existe deux conceptions incompatibles à propos de l'école. Deux approches anthropologiques leur correspondent selon la place qui est faite à une vérité sur l'homme. Parce que ce projet de loi est conforme à l'expérience multiséculaire d'une vérité anthropologique, il constitue à mon sens une réelle avancée pour le système éducatif de notre pays. C'est pourquoi, avec la majorité du groupe du RDSE, je lui apporterai mon soutien.

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